Dieu parle-t-Il araméen ?

Ce n’est pas une publicité déguisée pour vous inciter à apprendre l’araméen, langue qui est toujours en usage dans sa version moderne (voir ici). En fait, le titre aurait dû être celui-ci : Dieu parlait-Il araméen à Adam ?

Voilà une question que je ne m’étais pas posée ; j’ignore d’ailleurs si elle se pose. Une importante tradition rabbinique enseigne que Dieu parla hébreu à Adam, la langue de la « Torah céleste » (la Bible terrestre, elle, n’est pas totalement en hébreu). De leur côté, selon beaucoup de musulmans, Dieu parlait arabe, puisque l’ange Gabriel dicta le Coran en arabe, sur le modèle du « Coran céleste » que Dieu garde précieusement dans sa bibliothèque (c’est même le seul livre qui s’y trouve car le discours islamique accuse les juifs et les chrétiens d’avoir falsifié respectivement la Torah et « l’injîl » comme ils disent).

Cependant, selon nombre de traditions islamiques, la langue divine serait l’araméen. C’est aussi, dit-on, celle des anges, rappelle Bruno Poizat, qui a enseigné l’araméen durant des années (voir ici pour apprendre l’araméen) :

Dans l’esprit de certains certains commentateurs musulmans ou chrétiens, cette langue suryana pourrait désigner un protosémite plutôt que l’araméen. A leur tour, les linguistes se sont passionnés pour cette question de la langue primitive (que la Bible présente comme unique sur terre jusqu’aux jours de la tour de Babel), cherchant des racines communes entre l’indo-européen et les langues sémitiques, puis plutôt au plan indo-européen, ouralien et altaïque – le nostratique. En tout cas, en Australie, les « natifs » parlent encore une langue à « clics » : c’est un cas apparemment unique qui risque de ne jamais entrer dans quelque famille linguistique que ce soit. En résumé, c’est le brouillard.

Quoi qu’il en soit, l’occasion de cet article est l’étude très documentée de Luca Patrizi, intitulée : « Parler la langue d’Adam. Glossolalie et langue des saints en islam » – même s’il n’y est guère question de glossolalie et guère davantage des présumés saints musulmans. Une étude intéressante, donc, qui trahit cependant une attirance certaine de l’auteur pour le soufisme (c’est-à-dire pour la gnose à la mode islamique) – il connaît manifestement mieux le soufisme que la tradition chrétienne, Dante mis à part.

Notons qu’en fait de glossolalie, on y lit ceci : « si on observe le langage des bébés, on pourra y trouver des mots en suryâniyya » ! Certes l’araméen est une langue très anthropologique (sonorités, exclamations, gestuelle suggérée, etc.), mais de là à y voir un rapport avec les balbutiements des bébés, il y a plus qu’un pas énorme à franchir. Ceci n’aurait pas déplu au roi de Prusse Frédéric II, qui voulait connaître le langage originel de l’humanité. Ce grand admirateur de Voltaire imagina d’interdire aux employées d’un certain orphelinat, d’adresser le moindre mot aux bébés : l’idée était que ceux-ci seraient obligés de recourir au langage humain originel, quitte à le réinventer. Le seul résultat obtenu par ce projet délirant fut que tous dépérirent et moururent. L’homme est un être de relations, il est fait pour le LOGOS / MELTHA, et si cela lui est refusé, il meurt. 

Edouard-Marie Gallez

Voici donc cette étude de L. Patrizi, de l’université de Turin, tirée de academia.edu –c’est parti !–:

En les mettant en perspective d’un point de vue métahistorique, dans le cadre des doctrines sur la Parole Divine, on observe que les religions s’expriment toutes sur la question de savoir quelle était la langue primordiale et sur ce sujet il existe quelques études intéressantes.[1] Les religions qui posent au centre de leurs doctrines un ou plusieurs textes sacrés identifient habituellement cette langue à la langue de leurs propres textes révélés. C’est par exemple le cas de l’hindouisme qui identifie le sanscrit à la langue primordiale en considérant le Véda comme une transcription directe du langage divin.[2]

De la même façon, le judaïsme prend comme référence la Génèse 11, 1-9, où il est affirmé qu’avant la confusion des langues il n’y avait sur terre qu’une seule langue, pour identifier cette dernière à l’hébreu biblique,[3] bien que dans le Talmud nous trouvons aussi l’opinion selon laquelle la langue d’Adam était l’araméen.[4]

Dans le cadre du christianisme aussi nous trouvons des opinions divergentes : si Saint Augustin adhère à la théorie de l’hébreu, Grégoire de Nysse (m. 395) avait avant lui exprimé des doutes sur celle-ci et plus tard Théodoret de Cyr (m. 457) ainsi que les Pères syriaques ont identifié le syriaque à la langue primordiale.[5] Cette conviction était amplement répandue parmi les chrétiens du Proche-Orient dans l’Antiquité et même, plus tard, à cheval entre le 16ème et le 17ème siècle, le prêtre maronite Jirjis ʽAmīra (m.1644) soutenait cette primauté dans sa grammaire du syriaque publiée à Rome.[6] Une autre de ces convictions qui a toujours joui d’une certaine diffusion dans le milieu des églises chrétiennes du Proche Orient, et qui a tenté quelques humanistes européens, est celle selon laquelle le syriaque aurait été la langue parlée par Jésus,[7] alors que selon les spécialistes cette langue serait au contraire l’araméen, même s’il n’est pas exclu qu’il ait aussi parlé l’hébreu.[8]

Alors que le terme « syriaque » dérive du grec Syrie, le terme original en langue syriaque est suryāyā, ou suryōyō, et en arabe suryānī, ou suryāniyya. Pour enquêter sur l’origine de cette racine, il peut être utile de se référer aux sources sémitiques anciennes, en particulier à ce que l’on appelle la « Table des peuples » dans la Bible hébraïque, et aux sources arabes, en analysant la toponymie antique des régions du Proche et du Moyen Orient. En effet, si nous considérons les dénominations des descendants de Noé comme étant des populations et non des individualités, nous pouvons observer à quel point elles ont influencé les dénominations des zones et des langues du Proche et du Moyen-Orient, en plus d’avoir influencé les dénominations des groupes linguistiques forgés par les linguistes européens de la fin du 18ème siècle.

Dans Genèse 10,6, les noms des fils de Cham (Ḥām), fils de Noé, sont Koush, Misraïm, Pout et Canaan qui sont aussi les dénominations des populations respectives de l’Ethiopie, de l’Egypte, de la Lybie et de la Palestine. Le nom sémitique ancien de l’Egypte est en fait attesté autant à travers le duel hébraïque Misraïm qu’à travers la racine Msr dans d’autres langues sémitiques anciennes. En arabe, le nom Miṣr désigne autant l’Egypte que la ville du Caire.[9]

En outre, selon les linguistes arabes, de Sem, fils de Noé, dériverait le nom sémitique de la région du Levant, en arabe bilād al-Shām, le pays de Shām, la région qui est délimitée au sud par le Sinaï égyptien, à l’ouest par la Palestine, Israël et le Liban, au nord par les monts Taurus dans le sud de la Turquie et à l’est par le fleuve Euphrate. En arabe, Sem se dit Shām mais, selon ces mêmes linguistes, on trouve dans la « langue syriaque » le son Shīn à la place du son Sīn, comme cela est aussi attesté dans l’hébreux Shem.[10] Enfin, comme nous avons pu l’observer dans le cas du Caire, al-Shām désigne autant la région du Proche Orient que la ville de Damas.

La zone comprise entre le Tygre et l’Euphrate, dans la partie septentrionale de l’antique Mésopotamie, prend en arabe le nom d’al-Jazīra, « l’Ile », car elle se trouve entre deux fleuves.[11] Cette région est en relation avec deux dénominations qui tirent leur origine des noms de deux fils de Sem cités dans la Table des peuples, Aram et Assur. D’Aram dérive le nom du peuple des Araméens et le nom de leur langue, l’araméen, tandis que d’Assur, Ashshūr en hébreux, dérive le nom de la ville d’Assur qui fut érigée dans le nord de l’actuel Iraq, Assur qui est aussi une antique divinité mésopotamienne dont provient le nom du peuple des Assyriens. Dans ce contexte, il semble donc probable que le terme suryāyā dérive d’Assur, si on considère ce dernier terme comme l’union de l’article sémitique al- et de sur. L’actuel nom arabe de la Syrie, Sūriyā, tire aussi probablement son origine de cette dénomination.[12]

Dans le cadre islamique, en plus de l’opinion selon laquelle l’arabe serait la langue du paradis ainsi que la langue primordiale,[13] nous trouvons souvent dans les sources celle selon laquelle ce serait plutôt la langue syriaque, al-lugha al-suryāniyya. Les auteurs, quand ils parlent de la suryāniyya, se réfèrent parfois à la langue syriaque historique, et en particulier à l’araméen sans faire de distinction précise entre les différents dialectes.[14] Pour parler plus généralement des langues très anciennes, ils utilisent indistinctement les noms al-ārāmiyya (l’araméen), al-nabaṭiyya (le nabatéen), ou al-‘ibrāniyya (l’hébreu).

Nous pouvons ainsi citer quelques récurrences dans les textes. Dans certains passages d’al-Murūj al-dhahab, al-Masʽūdī (m. 956) affirme que la langue de l’humanité qui vécut entre l’époque d’Adam et celle de Noé était la suryāniyya, alors que dans d’autres passages il affirme que la suryāniyya était la langue de l’humanité jusqu’à l’épisode de la tour de Babel et qu’elle fut aussi la langue maternelle d’Ismaël, à qui Dieu enseigna plus tard l’arabe.[15] A la même époque, Ibn al-Nadīm (m.995), citant le commentaire de la Genèse de l’évêque Théodore de Mopsueste (m. 428), affirme que Dieu parla à Adam en nabaṭī, qui est le plus pur d’entre les dialectes suryānī et qui fut utilisé par les habitants de Babel jusqu’à la confusion des langues. Il rapporte aussi une tradition selon laquelle un ange aurait enseigné au premier homme l’écriture de la suryāniyya.[16]

Certaines traditions islamiques parlent aussi d’un livre, ou de plusieurs livres (ṣaḥīfa, pl. ṣaḥā’if ou ṣuḥuf) que Dieu envoya à Adam et qui étaient composés de 21 feuilles, ou bien de 10, 21 ou 40 volumes selon d’autres traditions. Ils contenaient la science des lettres ainsi que des injonctions divines.

Ils ont été dictés par l’ange Gabriel et retranscrits par Adam en langue suryāniyya. D’autres traditions affirment que Dieu enseigna à Adam les noms des choses en syriaque pour cacher cette connaissance aux anges.[17]

Dans les Rasā’il des Ikhwān al-Ṣafā’ (seconde moitié du 10 ème siècle), nous trouvons un intéressant exposé sur la même conception. Au chapitre intitulé « La Connaissance à propos des lettres primordiales », les Ikhwān affirment que Dieu enseigna à Adam neuf signes (ʽalamāt) ou lettres (ḥurūf), un langage synthétique dont dériveraient ensuite toutes les autres langues. Ces neuf signes ne seraient autres que les chiffres de un à neuf qui, selon les Ikwān, ont été transmis aux Arabes par les Indiens.[18]

A travers ces neuf signes, Adam connaissait les noms et les qualités de toutes les choses.[19] Cela dura jusqu’à ce que les enfants d’Adam se soient multipliés : ils parlaient la suryāniyya, qui à cette époque était une langue exclusivement orale, sans textes écrits. Ceci parce que la langue ne nécessitait pas d’être développée étant donné le petit nombre de personnes qui l’utilisait et l’absence de récits du passé à transmettre. Les générations se succédèrent et, avec l’augmentation de la population et des besoins de l’homme, Dieu commença à envoyer des prophètes et à enseigner à l’homme l’art de l’écriture. En même temps commencèrent à se manifester des savants qui interprétèrent la transmission des informations provenant du passé. Enfin, le nombre des lettres commença à augmenter jusqu’à atteindre 28, le nombre de lettres de la langue arabe, qui est le nombre parfait de lettres comme l’arabe est la langue parfaite.[20]

Ibn al-Ḥajār al-Haytamī (m. 1566) rapporte quant à lui l’opinion de certains savants musulmans selon lesquels l’interrogatoire que le croyant devra subir après la mort sera en langue suryāniyya.[21]

A côté de cette conception de la suryāniyya comme langue primordiale et comme langue historique dans laquelle araméen, syriaque et nabatéen se confondent, dans le cadre des doctrines ésotériques islamiques s’est répandue la conception selon laquelle la suryāniyya primordiale parlée par Adam serait la même langue que celle dans laquelle communique les saints (awliyā’) de la hiérarchie ésotérique. Cette capacité de comprendre et de parler la suryāniyya est parfois mise en relation avec la qualité de ummī d’un saint, ce qui signifie qu’il n’a pas eu de formation régulière à la lecture et à l’écriture, caractéristique que le Coran attribue en particulier au prophète Muḥammad. Cette qualité de ummī souligne d’avantage un type d’inspiration spirituelle dénommée ʽilm ladunī, la science infuse qui provient directement et exclusivement de Dieu, qui descend sur les prophètes et sur certains saints.[22] Plus généralement, il s’agit du charisme qui dans les différentes religions est nommé « don des des langues », ou « glossolalie », et qui se manifeste par la capacité de parler dans différentes langues ou bien de parler le langage des anges ou celui des animaux, en particulier des oiseaux, charisme dont on peut trouver de nombreuses mentions dans les textes sacrés et dans les vies des saints à toutes les époques et sous toutes les latitudes.[23]

En islam, la science qui renferme les secrets du langage prend le nom de ʽilm al-ḥurūf, science des lettres, et est similaire à la science assyro-babylonienne, et par la suite juive et chrétienne médiévale, dénommée « gématrie ».[24]

Le premier mystique musulman à qui est attribué dans les sources la capacité infuse de lire les langues anciennes, en particulier les hiéroglyphes égyptiens, en arabe kalām al-ṭayr, « la langue des oiseaux », ainsi que de comprendre la suryāniyya, est Dhū-l-Nūn al-Miṣrī (m. 861).[25]

Dans l’histoire du soufisme, deux saints ummī associés à la capacité de posséder l’usage de la suryāniyya primordiale, ʽAlī al-Khawwāṣ (m. 1532) et ʽAbd al-ʽAzīz al-Dabbāgh (m. 1720), représentent deux cas paradigmatiques qui comportent entre eux des analogies très évidentes.[26]

De nombreuses références à la suryāniyya et à la glossolalie des saints musulmans peuvent être repérées dans les œuvres de ʽAbd al-Wahhāb al-Shaʽrānī (m. 1565), principal disciple de ʽAlī al-Khawwāṣ et célèbre savant soufi.[27]

Al-Shaʽrānī raconte que son maître se mettait parfois à parler dans une langue incompréhensible qui lui paraissait être de l’hébreu ou du syriaque,[28] de la même façon qu’un autre de ses maîtres, Muḥammad al-Sarāwī, qui parlait hébreu, syriaque ou persan quand il se trouvait dans un état spirituel intense.[29]

Al-Shaʽrānī affirme par ailleurs que le célèbre saint Ibrāhīm al-Dasūqī (m. 1296) parlait lui aussi syriaque, hébreu, persan, éthiopien et toutes les langues des oiseaux et des animaux sauvages. Al-Shaʽrānī transmet aussi des écrits qu’al-Dasūqī aurait laissés à ses disciples, des litanies entrecoupées de paroles dans une langue mystérieuse, dont nous pouvons tenter de retranscrire un extrait : « …wa lā saṭārīs, wa lā ʽitāfīs, wa lā haṭāmrīsh, wa lā saṭā mrīsh, wa lā shūsh arīsh, wa lā rakāsh qūsh, wa lā samlādnūs wa lā kitāb samṭalūl al-rūs, wa lā būs ʽakmasūs… ».[30] Ceci est un exemple clair de glossolalie transcrite, avec suffixe répété et rythmé, ici en –s, caractéristique souvent présente dans d’autres cas de langues mystérieuses.[31]

Il rapporte aussi un intéressant propos attribué à al-Dasūqī : « Quand un connaissant atteint le degré spirituel de la connaissance (maqām al-ʽirfān), Dieu lui transmet sans intermédiaire un savoir. Il obtient alors des sciences qui sont inscrites sur les Tables spirituelles où se trouvent les symboles. Il en connaît le bénéfice et en tire les talismans et les sciences de Ses noms et de Son décret. Dieu lui communique aussi des sciences consignées dans les points diacritiques et, s’il n’avait pas peur d’encourir le blâme en les révélant, il les révélerait et les intelligences en seraient aveuglées. Il reçoit en outre la connaissance des différentes langues étrangères, la science des lettres, de la signification intérieure de la grammaire, et comprend ce qui est écrit sur les feuilles des arbres, sur l’eau, sur l’air, sur la terre et sur la mer, ainsi que ce qui est écrit sur l’étendue de la voûte céleste, ce que portent inscrits sur leurs fronts les hommes et les djinns à propos de leur destin en ce monde et dans l’autre et ce qui est écrit sans écriture au-dessus du dessus et en dessous du dessous ».[32]

Al-Shaʽrānī affirme de plus qu’un autre saint, Muḥammad Wafā’ (m. 1363), aurait écrit des livres énigmatiques dans une langue incompréhensible, « étrangère », quand il avait entre 7 et 10 ans.[33] Dans un autre passage, il soutient avoir reçu du saint Amīn al-Dīn al-Najjār (m. 1521) une tradition directement en langue suryāniyya.[34]

Dans un passage d’un autre de ses écrits, al-Shaʽrānī rapporte un dialogue avec son maître ʽAlī al-Khawwāṣ à propos de la suryāniyya :

J’ai demandé à notre maître : « de quelle manière Adam et ses fils ont-ils préservé le Livre (al-Muṣḥāf) et les Lois (al-Nawāmīs) si personne ne connaissait l’écriture en ce temps-là, puisque dans tout l’univers Dieu ne l’avait enseignée à personne ? » Il répondit : « Adam et ses fils, grâce à leur connaissance supérieure, oubliaient très peu. Ils avaient appris les noms des lettres, parlaient et exprimaient le sens des choses à travers des allusions, mais aucun d’eux n’écrivait de sa propre main avec un calame. En outre, aucun d’entre eux n’avait besoin d’un apprentissage de la langue car celle-ci était très simple à pratiquer grâce au petit nombre de son vocabulaire et de ses lettres. Sur la terre, à cette époque, les hommes étaient tous nomades et la communication était réservée au strict nécessaire ; il n’y avait pas de récits provenant du passé et dans le Livre qui était préservé il n’y avait pas souvenir de qui avait vécu avant eux. Ceci car le langage des anges, qui n’est autre que la langue suryāniyya, n’est pas écrit sur des corps matériels mais est fait de la substance spirituelle (al-jawāhir al-nafsāniyya). […]

Cette situation resta telle quelle jusqu’à ce qu’interviennent des changements dans leur condition, que leur savoir diminue et que leur oubli grandisse : les récits augmentèrent alors et la connaissance des chroniques des époques passées devint nécessaire. Dieu leur révéla l’art de l’écriture comme un bienfait et une miséricorde de Sa part. »

Puis je luis demandai : « mais quand Adam descendit en Inde,[35] Dieu lui enseigna-t-il les lettres indiennes ou les lettres arabes ? » Il répondit : « Il lui enseigna les lettres indiennes, qui ne sont rien d’autre que ces neufs signes : 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9 qui rassemblent en eux l’ensemble de tout ce qui existe. En eux se concentrent l’ensemble des significations et se résument les parties de chaque calcul et de tous les nombres. Par l’intermédiaire de ces lettres, Adam apprit les noms et les qualités de toutes les choses existenciées à partir des formes et des aspects des lettres. Adam et ses fils continuèrent ainsi jusqu’à ce que le nombre de ses fils augmentent ; on parlait la suryāniyya. Puis le ciel prit la forme qu’il devait prendre par suite des changements intervenus avec la mort d’Adam. Il y eu une augmentation du nombre des lettres et toutes les choses se mirent à augmenter et à se répandre jusqu’à ce que le nombre des lettres fut parachevé dans les 28 lettres qui constituent la langue arabe, sceau des lettres et sceau des langues et, selon la Loi des prophètes, il n’en sera pas ajoutées une seule jusqu’à la venue de l’Heure. »[36]

Comme on peut le remarquer, il s’agit d’une citation quasiment littérale du passage des Ikhwān al-Safā’ mentionné précédemment, avec l’adjonction de quelques détails.[37]

Dans le cadre du chiisme aussi, nous trouvons des références à la suryāniyya : selon une parole qui remonterait à ʽAlī ibn Abī Ṭālib (m. 661), le Nom Suprême de Dieu serait une formule en suryānī ou en ʽibrānī. Il aurait un jour, en la prononçant, fait réapparaître le soleil derrière une montagne pour lui permettre ainsi qu’à ceux qui l’accompagnaient d’accomplir la prière rituelle à temps (après l’avoir manquée pour ne pas avoir à l’accomplir sur une terre maudite de Dieu, la terre de Babel).[38]

De la même manière, à la fin des temps, l’Imam caché réunira autour de lui ses 313 compagnons en prononçant le Nom divin en ʽibrānī.[39]

L’exposé le plus complet et le plus explicite sur la langue suryāniyya primordiale se trouve dans les enseignements du maître marocain ʽAbd al-ʽAzīz al-Dabbāgh (m. 1723) qui, comme al-Khawwāṣ avait été gratifié de la science infuse. Un de ses disciples, Aḥmad Ibn al-Mubārak al-Lamaṭī mit par écrit ses paroles,[40] prononcées en réponse aux questions les plus diverses de ses disciples. On lui posa en particulier de nombreuses questions concernant l’exégèse du Coran, à propos des termes au sens incertain. Dans chacun des cas il répond que le terme en question est en réalité en suryānī et il en donne la traduction. De ce qui suit, on peut facilement deviner qu’al-Dabbāgh ne fait pas référence à la langue syriaque historique mais à la suryāniyya primordiale.[41] Al-Lamaṭī introduit la digression relative à la suryāniyya primordiale en affirmant n’avoir jamais rencontré précédemment quelqu’un comme al-Dabbāgh qui eût connu en même temps la suryāniyya et toutes les autres langues, celles des hommes, des djinn, des anges et des animaux ; l’auteur raconte que, lors d’une visite pieuse sur la tombe d’Ibrāhīm al-Dasūqī, un homme vit le saint égyptien lui apparaître et lui enseigner une invocation qui contenait une phrase dans une langue inconnue, invocation que par la suite il ne récita pas par scrupule pieux ; al-Dabbāgh affirme que la phrase est en suryāniyya, en donne la traduction en disant qu’al-Dasūqī était un des plus grands saints, ayant atteint un haut degré spirituel, et c’est pourquoi il était d’entre ceux qui connaissent la suryāniyya ; al-Dabbāgh affirme que la suryāniyya est la langue des esprits et que les saints qui sont membres du dīwān al-awlyā’, l’assemblée suprême des saints,[42] parlent entre eux dans cette langue car elle est à la fois concise et douée d’une immense signification ; à la question de savoir si la langue arabe est au même niveau que la suryāniyya, al-Dabbāgh répond que seule la langue du Coran l’est ; la suryāniyya, à la différence des autres langues, est composée non de mots mais de lettres de l’alphabet et chaque lettre véhicule une signification ; les lettres réunies entre elles sont comme les mots réunis entre eux dans les phrases des autres langues ; la suryāniyya est diffuse dans les autres langues par l’intermédiaire des lettres elles-mêmes ; Il donne l’exemple du nom propre Aḥmad, qui en suryāniyya est composé des 4 sens de ses 4 lettres ; la suryāniyya est la racine de toutes les langues ; seuls les anges et ceux qui ont fait l’expérience du grand dévoilement (al-kashf al-kabīr) peuvent parler cette langue ; quand Adam descendit sur terre il parlait en suryāniyya et les hommes commencèrent à altérer cette langue et à tirer leurs langues d’elle à partir du moment où mourut le prophète Idrīs (Enoch) ; la première langue à avoir été tirée de la suryāniyya, et donc la plus proche d’elle, est la langue de l’Inde ; Adam parlait la suryāniyya quand il descendit du Paradis car elle est la langue de ses habitants ; selon al-Dabbāgh, le hadith du Prophète affirmant que l’arabe serait au contraire la langue du Paradis n’est pas authentique ; il affirme que si on observe le langage des bébés, on pourra y trouver des mots en suryāniyya ; Adam parlait à ses fils quand ils étaient en bas âge en suryānī et leur enseignait dans cette langue les noms des choses ; par la suite, ils enseignèrent ces noms à leurs propres fils ; cela se perpétua de générations en générations et ainsi quelque chose en resta de manière innée dans les enfants ; en outre, tant que les enfants sont nourris au lait maternel leur esprit est relié aux assemblées angéliques célestes, dont ils rêvent durant leur sommeil, et ainsi ils perçoivent quelque chose de leur langage, qui est la suryāniyya ; on peut apprendre cette langue en fréquentant ceux qui font partie du dīwān al-awliyā’, qui parlent seulement en suryāniyya, excepté quand le Prophète Muḥammad est présent parmi eux : ils parlent alors en arabe par respect pour lui ; l’interrogatoire des deux anges dans la tombe après la mort est en suryāniyya et al-Dabbāgh s’attarde à détailler les questions qu’ils poseront et leurs significations ; il répond à une série de questions sur les termes non arabes du Coran pour indiquer ceux d’entre eux qui sont en suryāniyya ; seul le Pôle Suprême (al-Ghawth, le Secours) et les sept pôles de la hiérarchie initiatique qui sont en dessous de lui connaissent la suryāniyya, qu’al-Dabbāgh a apprise en l’espace d’un mois d’un autre initié et qu’il a enseignée à al-Lamaṭī en une journée ; le Coran est inscrit sur la Table Préservée (al-Lawḥ al-Maḥfūẓ) en arabe et en suryāniyya et les parties en suryāniyya sont les lettres isolées que l’on trouve en début de certaines sourates ;[43] seules deux catégories de personnes connaissent la signification des lettres isolées : ceux qui peuvent regarder sur la Table Préservée et ceux qui fréquentent le dīwān al-awliyā’.[44]

En les citant littéralement d’al-Dhahab al-ibrīz, l’Emir ʽAbd al-Qādir al-Jazā’iri (m. 1883) confirmera plus tard ces mêmes considérations dans son livre adressé aux Français, écrit en 1855 puis traduit et publié en France en 1858.[45]

Quelques considérations d’al-Dabbāgh sur la suryāniyya peuvent rappeler de manière curieuse un célèbre traité médiéval consacré à la langue : De vulgari eloquentia de Dante. Dans le préambule du livre, Dante propose une définition de la « langue vulgaire » comme étant la langue que nous avons tous assimilée sans suivre aucune règle, en imitant notre nourrice. Mais nous avons aussi une seconde langue qui, en ce qui concerne les anciens Romains, est appelée gramatica, c’est-à-dire le latin ; les Grecs aussi ont aussi leur seconde langue, comme d’autres peuples, mais pas tous, car c’est seulement après un apprentissage long et intensif que l’on peut réussir à en maîtriser les règles et l’esprit. Pour Dante cependant, la langue la plus noble d’entre les deux est en réalité la « langue vulgaire » parce qu’elle est la première langue parlée par le genre humain, parce que le monde entier s’en sert, malgré que cela se fasse avec des prononciations et des mots différents, et en outre parce que c’est la manière naturelle de s’exprimer alors que l’autre langue est artificielle. Nous voyons ainsi s’esquisser une théorie particulière de la « langue vulgaire » comme langue primordiale qui s’assimile dans la prime enfance.[46]

Dante introduit ensuite des considérations très intéressantes à propos de la langue d’Adam. Il affirme en effet que le premier homme à avoir utilisé le langage fut Adam et que son premier mot proféré, en réponse à une question non verbale provenant de Dieu et après avoir été touché par le souffle de la Vertu vivifiante, fut El, que Dante traduit par « Dieu ». En même temps qu’Il créa l’âme, Dieu créa une certaine forme de langage et ce fut dans cette forme-là que s’exprima Adam ainsi que tous ses descendants jusqu’à la construction de la tour de Babel, terme qui, comme Dante le rappelle, signifie « confusion ». Le langage fut transmis sous cette même forme aux fils d’Eber, qui ont pris de leur aïeul le nom d’Hébreux et qui, suite à la « confusion des langues », furent les seuls à la conserver afin que Jésus, qui pour ce qui concerne sa nature humaine devait naître parmi eux, puisse utiliser une langue de « grâce » et non une langue de « confusion ». Dante affirme en conclusion que la langue hébraïque fut donc la première à avoir été modulée par les lèvres de l’homme, plus précisément par les descendants de Sem qui avaient refusé de prendre part à l’outrageuse construction de la tour de Babel et qui continuèrent à utiliser cette langue jusqu’à la dispersion des Hébreux et l’exil forcé à Babylone.[47]

Toutefois, dans la période qui sépare la rédaction de De vulgari eloquentia et celle de la Divine Comédie, Dante semble avoir changé d’opinion. Dans le chant 26 du Paradis, il rencontre Adam, qui répond à quatre questions que le poète avait simplement émises en pensée : combien de temps s’était-il passé depuis la création du monde ; combien de temps était-il demeuré dans le paradis terrestre ; quelle fut la véritable nature du péché originel ; quelle était la langue qu’il parlait au paradis terrestre. A cette dernière question, Adam répond ainsi :

La langue que je parlai s’éteignit toute
avant qu’à l’œuvre inachevable
fût occupée la race de Nemrod :
car jamais nul effet de la raison,
par le plaisir humain, qui change
en suivant le Ciel, ne fut toujours durable.
Œuvre de nature est que l’homme parle,
mais ainsi ou ainsi, nature vous le laisse
faire ensuite vous-même comme il vous plaît.
Avant que je descende à l’angoisse d’Enfer,
était sur terre le nom du bien suprême·
d’où vient la joie qui m’enveloppe;
puis on l’appela El : et ce fut bien,
car l’usage des mortels est comme feuille
sur la branche, qui s’en va et une autre vient.[48]

Adam affirme donc que la langue qu’il parlait au paradis tomba en désuétude avant la construction de la tour de Babel, moment symbolique de la confusion des langues, car aucun produit de la raison humaine ne peut subsister pour toujours et que les goûts des hommes changent avec le temps : que l’homme parle est un acte naturel mais la nature laisse ensuite l’homme développer le langage. Adam ajoute qu’avant sa mort sur terre le nom par lequel on nommait Dieu était I et que depuis sa mort ce nom devint El, ceci étant arrivé par nécessité car les usages des mortels changent comme les feuilles d’une branche changent.

Ainsi, Dante affirme dans la Divine Comédie qu’avant la langue hébraïque, et avant les autres langues sémitiques dans lesquelles est attesté l’usage du terme El pour dénommer Dieu,[49] il y avait une autre langue primordiale dans laquelle le nom de Dieu n’était pas exprimé au moyen d’une parole, comme El, mais par une seule lettre, un signe qu’il trace verticalement.[50]

Sur l’interprétation de ce passage, les commentateurs anciens et modernes sont divisés : certains y reconnaissent un des noms de Dieu parmi ceux qu’a cités Saint Jérôme dans sa Correspondance. Il s’agit de la lette Ia, I consonantique prononcé Ia mais écrite avec le seul I.[51] D’autres lisent ce nom comme un nombre, en lien avec l’Unité Divine, alors que d’autres le lisent comme un simple signe, choisi pour son extrême simplicité « métaphysique ».[52] Nous pouvons ajouter à ces interprétations quelques considérations. Pour Dante, le nom primordial de Dieu est exprimé dans une langue précédant celles dans lesquelles il est dénommé El, c’est-à-dire en hébreux et dans différentes autres langues sémitiques, langue arabe comprise, dans laquelle le nom Allāh est formé de l’article al- + Ilāh, « divinité », équivalent de la forme sémitique El. Dans cette langue primordiale, indépendamment de l’identification de ce signe, le nom primordial de Dieu n’est pas exprimé par un mot, comme El, mais par une lettre unique. Ceci est donc une autre analogie entre la conception de la langue primordiale de Dante et celle développée dans le cadre islamique, en allant des Ikhwān al-Ṣafā’ à Al-Dabbāgh.

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[1] OLENDER, Maurice. Les langues du Paradis. Aryens et sémites : un couple providentiel. Paris : Gallimard-Seuil, 1989 ; ECO, Umberto. La Recherche de la langue parfaite dans la culture européenne. Paris : Seuil, 1994 ; KILITO, Abdelfattah. La langue d’Adam et autres essais. Casablanca : Toubkal, 1995 ; RUBIN, Milka. The Language of Creation or the Primordial Language. A Case of Cultural Polemics in Antiquity. Journal of Jewish Studies, 49, 1998, 2, p. 306-333.

[2] AKLUJKAR, Ashok. The early history of Sanskrit as supreme language. In HOUBEN, Jan E. M. ed., Ideology and status of Sanskrit : Contributions to the History of the Sanskrit language. Leiden : Brill, 1996, p. 72-75.

[3] RUBIN, The language of Creation or the Primordial Language, cit., p. 310-315.

[4] Talmud de Babylone, Sanhédrin, 38b ; RUBIN, The language of Creation or the Primordial Language, cit., p. 316.

[5] OLENDER, Les langues du Paradis, cit., p. 13-14 ; RUBIN, The Language of Creation or the Primordial Language, cit., p. 317-328.

[6] CONTINI, Riccardo. Gli inizi della lingua siriaca nell’Europa rinascimentale. Rivista degli studi orientali, LXVIII, 1994, 1-2, p. 23-24

[7] Ibidem, p. 17-18.

[8] La dernière contribution est de FASSBERG, Steven E. Wich Semitic Language Did Jesus and Other Contemporary Jews Speak ? The Catholic Biblical Quarterly, 74; 2012.

[9] Le nom grec Aigýptos dérive du copte Kyptios ; certains historiens arabes le citent sous la forme Qibṭ en affirmant que ce nom se réfère à un des fils de Ḥām (Cham), fils de Nūḥ (Noé), alors que d’autres affirment au contraire que Qibṭ est fils de Miṣr, fils de Qūt (Put ?), fils de Ḥām (Cham), cf. IBN JARĪR ṬABARĪ, Muḥammad. I profeti e i re. Milano : Guanda,1993, p. 158 ; « Qibṭ », LANE, William Edward. An Arabic-English Lexicon, 1863.

[10] « Al-Shām », Lisān al-ʽarab. Une autre théorie est qu’il dérive de shimāl, « gauche », puisqu’en prenant comme point de repère la péninsule arabique cette région se trouve à sa gauche par rapport au Yémen, qui se trouve à sa droite, yamīn. Cette théorie n’explique toutefois pas la disparition de la lettre Lām, cf. « al-Shām ». Encyclopaedia of Islam, Second Edition.

[11] « al-Djazīra ». Encyclopaedia of Islam, Second Edition.

[12] Parmi les dernières et les plus significatives contributions à la question de l’origine de cette dénomination, nous pouvons citer CANNUYER, Christian. A propos de l’origine du nom de la Syrie. Journal of Near Eastern Studies. 44, 1985, 2, p. 133-137 ; JOSEPH, John. The Modern Assyrians of the Middle East : A History of Their Encounter with Western Christian Missions, Archaeologists, and Colonial Powers. Leiden : Brill, 2000, p. 17-22; ROLLINGER, Robert. The Terms « Assyria » and « Syria » Again. Journal of Near Eastern Studies, 65, 2006, 4, p. 283-287

[13] KISTER, Meir Jacob. Ādam : a study of some legends in tafsīr and ḥadīth literature. Israel Oriental Studies, XIII, 1993, p. 118-119, 140.

[14] MONFERRER-SALA, Juan Pedro. Una notas acerca de al-suryāniyya . Miscelánea de Estudios Árabes y Hebraicos, 46, 1997, p. 229-239.

[15] AL-MASʽŪDĪ, ʽAlī ibn al-Ḥusayn. Murūj al-dhahab wa-maʽādin al-jawhar. Beyrouth : Dār al-Fikr, 1973, vol. 1, p. 220, vol. 2, p. 71.

[16]  IBN AL-NADĪM. Kitāb al-fihrist. Téhéran : Maktabat al-Asadī wa Maktabat al-Jaʽfarī al-Tabrīzī, 1971, p. 14.

[17] KISTER, Meir Jacob. Ādam : a study, cit., p. 117-119, 140.

[18] Ce sont les mêmes chiffres qui ont été ensuite transmis aux Européens par les Arabes et qui sont pour cela encore appelés de nos jours « chiffres arabes ».

[19] En référence à Coran, 2 : 31.

[20] IKHWĀN AL-ṢAFĀ’. Rasā’il Ikhwān al-Ṣafā’ wa khullān al-wafā’. Le Caire : al-Hay’a al-ʽāmma li-qusūr al-thaqāfa, 1997, vol. 3, p. 141-143

[21] IBN ḤAJAR AL-ḤAYTAMĪ. Al-Fatāwa al-ḥadīthiyya. Beyrouth : Dār al-maʽrifa [197], p. 11.

[22] Voir « Ummī ». Encyclopaedia of Islam, Second Edition ; GEOFFROY, Eric. Le soufisme en Egypte et en Syrie sous les derniers Mamelouks et les premiers Ottomans : orientations spirituelles et enjeux culturels. Damas : IFEAD, 1995, p. 299-307

[23] BAUSANI, Alessandro. Le lingue inventate. Linguaggi artificiali, Linguaggi segreti, Linguaggi universali. Roma : Ubaldini, 1974 ; sur la glossolalie ainsi que sur la langue mystérieuse d’Hildegarde de Bingen (m. 1179), que ni Bausani ni Higley ne considèrent toutefois comme un exemple de glossolalie, voir aussi HIGLEY, Sara L. Hildegard of Bingen’s unknown language : an edition, translation, and discussion. New York : Palgrave Mac-millan, 2007, p. 35-50.

[24] SAMBURSKY, Shmuel. On the origin and significance of the term Gematria. Journal of Jewish Studies, vol. 29, 1, 1978, p. 35-38 ; GRIL, Denis. La science des lettres. In IBN ʽARABĪ, Les illuminations de la Mecque, sous la direction de Michel Chodkiewicz. Paris : Sindbad, 1988 ; LORY, Pierre. La science des lettres en islam. Paris, Dervy, 2004

[25] AL-IṢFAHĀNĪ, Abū Nuʽaym. Ḥilyat al-awliyā’ wa ṭabaqāt al-aṣfiyā’. Beyrouth : Dār al-kutub al-ʽilmiyya, 1988, vol. 9, p. 339.

[26] GEOFFROY, Eric. Une grande figure de saint ummī : le cheikh ʽAlī al-Khawwāṣ (m. 939/1532). In MCGREGOR, Richard, SABRA, Adam éd., Le développement du soufisme en Egypte à l’époque mamelouke. Le Caire : Institut français d’archéologie orientale, 2006, p. 169-176.

[27] WINTER, Michael. Society and Religion in Early Ottoman Egypt. Studies in the Writtings of ʽAbd al-Wahhāb al-Shaʽrānī. The Shiloah Center for Middle Eastern and African Studies, New Brunswick : Transaction Books, 1982.

[28] AL-SHAʽRĀNĪ, ‘Abd al-Wahhāb. Durar al-ghawwāṣ fī fatāwā ʽAlī al-Khawwāṣ. Le Caire : Maktaba al-Azhariyya li-l-turāth, 1985, p. 23

[29] Idem. Ṭabaqāt al-ṣūfiyya. Le Caire : al-Maktaba al-Tawfīqiyya, s.d., p. 568.

[30] Ibidem, p. 283-284.

[31] BAUSANI. Le lingue inventate, cit., p. 70-71

[32] AL-SHAʽRĀNĪ, ‘Abd al-Wahhāb. Ṭabaqāt al-ṣūfiyya, p. 287.

[33] GEOFFROY. Le soufisme en Egypte et en Syrie, cit., p. 303.

[34]  Ibidem, p. 101.

[35] Selon les légendes arabes, Adam serait descendu du paradis sur l’île de Sri Lanka, cf. AL-MASʽŪDĪ, ʽAlī ibn al-Ḥusayn, cit., v. 1, p. 34.

[36] AL-SHAʽRĀNĪ, ‘Abd al-Wahhāb. Al-Jawāhir wa al-durar mimmā-stafādah sayyidī ʽAbd al-Wahhāb al-Shaʽrānī min shaykhih sayyidī ʽAlī al-Khawwāṣ. Beyrouth : Dār al-kutub al-ʽilmiyya, 2005, p. 11-12.

[37] Ce passage, intégré dans le texte d’une autorité telle qu’al-Shaʽrānī, montre l’influence souterraine des Ikhwān al-Ṣafā’ sur le soufisme et en même temps la défiance à les citer comme source directe.

[38] AMIR-MOEZZI, Mohammad Ali. Le Guide divin dans le shî’isme originel. Aux sources de l’ésotérisme en islam. Paris : Verdier, 2007, p. 230-231.

[39] Ibidem, p. 296.

[40] IBN AL-MUBĀRAK AL-LAMAṬĪ, Aḥmad. Al-Dhahab al-ibrīz min kalām sayyidī ʽAbd al-ʽAzīz al-Dabbāgh, sous la direction de SHAMMĀʽ, Muḥammad ʽAdnān. Damas, 1984-1986 ; IBN AL-MUBĀRAK AL-LAMAṬĪ, Aḥmad. Pure Gold from the Words of Sayyidī ʽAbd al-ʽAzīz al-Dabbāgh. A Translation with Notes and an Out-line by John O’Kane and Bernd Radtke. Leiden : Brill, 2007 ; ARCHETTI MAESTRI, Massimo. La lingua primordiale nel Kitāb al-Ibrīz di Ibn al-Mubārak. Quaderni di Studi Arabi, 14, 1996, p. 77-100.

[41] Bernd Radtke, autant dans les notes de la traduction de l’Ibrīz que dans son article dédié à cette question (RADTKE, Bernd. Syrisch : Die sprache der engel, der geister und der erleuchteten. Einige stucke aus dem Ibrīz des Aḥmad b. al-Mubārak al-Lamaṭī. Jerusalem Studies of Arabic and Islam, 32, 2006, p. 472-502) s’applique à revérifier les interprétations d’al-Dabbāgh à la lumière du syriaque historique et en conclut qu’il s’agit d’inventions extravagantes du maître marocain.

[42] Cf. GEOFFROY. Le soufisme en Egypte et en Syrie, cit. , p. 137.

[43] Cf. “Mysterious Letters”. Encyclopaedia of the Qur’ān, 3, 2014, p. 471-477.

[44] IBN AL-MUBĀRAK AL-LAMAṬĪ, Aḥmad. Pure Gold from the Words of Sayyidī ʽAbd al-ʽAzīz al-Dabbāgh, cit., p. 421-443.

[45] ABD-EL-KADER. Rappel à l’intelligent, avis à l’indifférent. Traduction de Gustave Dugat. Paris : Librairie de l’Institut de la Bibliothèque impériale et des sociétés asiatiques de Paris, de Londres et de Calcutta, 1858, p. 129-130.

[46] Umberto Ecco a souligné les implications de cette perspective : « Si un homme de la trempe de Dante avait vraiment pensé que l’hébreu inventé par Adam était la seule langue parfaite, il aurait appris l’hébreu et aurait écrit son poème en hébreu. Il ne l’a pas fait car il pensait que la langue vulgaire qu’il devait inventer aurait correspondu aux principes de la forme universelle donnée par Dieu mieux que n’aurait pu le faire l’hébreu adamique. Dante se proposa d’être un nouveau (et plus parfait) Adam », ECO, Umberto. La Recherche de la langue parfaite dans la culture européenne, cit., p. 53.

[47] DANTE ALIGHIERI. De vulgari eloquentia, I-VI.

[48] DANTE ALIGHIERI. La Divine Comédie, Paradis XXVI, 124-138. Traduction de Jacqueline Risset. Paris : Flammarion, 1999.

[49] L’utilisation du mot El pour dénommer la divinité est attestée dans des langues sémitiques très anciennes comme par exemple l’akkadien, cf. GARBINI, Giovanni, DURAND, Olivier. Introduzione alle lingue semitiche. Brescia : Paideia, 1994, p. 31.

[50] Les influences hébraïques et arabes sur le milieu et sur l’œuvre de Dante ont été étudiées de manière approfondie, cf. BATTISTONI, Giorgio. Dante, Verona e la cultura ebraica. Firenze : La Giuntina, 2004 ; ASIN PALACIOS, Miguel. Dante e l’Islâm. L’escatologia islamica nella Divina Commedia. Milano : Net, 2005 ; CORTI Maria. Dante e la cultura islamica. In Per correr miglior acque… Atti del convegno internazionale, Verona-Ravenna, 25-29 ottobre 1999. Roma : Salerno editrice, vol. I, p. 183-202.

[51] CASAGRANDE, Gino. I s’appellava in terra Il sommo bene : Paradiso XXVI, 134. Aevum, 50, 1976, p. 249-273.

[52] DANTE ALIGHIERI. La Divina Commedia, sous la direction d’Anna Maria Chiavacci Leonardi. Milan : Mondadori, p. 544.

 

 

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