Un statut personnel pour les chrétiens – Mgr Sako, Patriarche des Chaldéens

Le site fides.org a relayé l’inquiétude du Patriarche de l’Eglise chaldéenne Mgr Louis Sako fin novembre 2022. Nous reproduisons l’article ci-après. Il déplore que les chrétiens d’Irak continuent de quitter le pays « au rythme de 20 familles par mois » .

Dans son communiqué, il faut y remarquer, ce qui est nouveau, l’idée traditionnelle d’un statut propre qui soit reconnu aux chrétiens (et éventuellement à d’autres) face au système islamique qui règne dans le pays, lequel est moins un Etat de droit qu’un Etat régi par la Charia discriminant les non-musulmans. De la sorte, un statut personnel des chrétiens permettrait de limiter la discrimination sectaire dont les chrétiens sont victimes. On en reviendrait au système prévalant sous le Califat turc.

Il s’agit d’un constat d’échec face à l’idée (ou au rêve) d’un Etat de droit pour tous ; un tel Etat ne peut tenir face au suprémacisme islamique – c’est-à-dire face aux prétentions théologiques musulmanes d’infériorisation des non-musulmans –, du moins tant que ce suprémacisme n’est pas mis en cause. Une telle mise en cause, c’est justement ce que les pseudo-dialogues islamochrétiens occidentaux ont toujours refusé de faire.

Il est vrai que ce suprémacisme s’enracine dans une vision globale de l’histoire, donc d’abord eschatologique ; justement, les responsables de Eglise occidentale ne veulent pas en tenir compte, sans doute parce que d’abord ils ignorent la vision chrétienne globale de l’histoire qui, seule, peut s’opposer à celle de l’islam (en englobant cette dernière dont elle est d’ailleurs la source). Ils croient que de belles déclarations d’intention de responsables musulmans vont changer quelque chose, entre deux tasses de thé et des lukums.

Pour désarmer les esprits, il faut aider les musulmans à mettre en cause leurs « représentations du monde » (et de Dieu) ; cela s’appelle une vraie amitié. Tant qu’on ne voudra pas le faire, l’analyse de Claude Lévi-Strauss dans Tristes Tropiques en 1955 restera actuelle :
« L’intolérance musulmane adopte une forme inconsciente chez ceux qui s’en rendent coupables ; car s’ils ne cherchent pas toujours, de façon brutale, à amener autrui à partager leur vérité, ils sont pourtant (et c’est plus grave) incapables de supporter l’existence d’autrui comme autrui. Le seul moyen pour eux de se mettre à l’abri du doute et de l’humiliation consiste dans une « néantisation » d’autrui, considéré comme témoin d’une autre foi et d’une autre conduite. La fraternité islamique est la converse d’une exclusive contre les infidèles qui ne peut pas s’avouer, puisque, en se reconnaissant comme telle, elle équivaudrait à les reconnaître eux-mêmes comme existants » (rééd. 2007, p.487).

Lévi-Strauss a défendu ce point de vue jusqu’à sa mort ; il déclarait en 2002 :
« J’ai dit dans “Tristes Tropiques” ce que je pensais de l’islam. Bien que dans une langue plus châtiée, ce n’était pas tellement éloigné de ce pour quoi on fait un procès à Houellebecq. Un tel procès aurait été inconcevable il y a un demi-siècle; ça ne serait venu à l’esprit de personne. On a le droit de critiquer la religion. On a le droit de dire ce qu’on pense. » (Nouvel Obs).

Certes, il a le droit de le dire, mais pour que la critique soit vraiment constructive, il faut comprendre ce dont on parle autrement que par des analyses socio-ethnologiques finalement réductrices : car à ces analyses, il manque l’aspect théologique-eschatologique, dont parle par exemple Mgr Samer Nassif dans cette vidéo :

C’est parce qu’il se voit chargé par Dieu de sauver le monde par le moyen (si simple !) de la Charia à imposer au monde, que l’islam sociétal ne peut qu’être sectaire.
Ce qu’il y a de vrai, rappelons-le, c’est que le monde doit être sauvé. Mais certainement pas par un groupe qui rêve d’asservir les autres : ce n’est pas la volonté de Dieu qui est ainsi accomplie, mais celle d’un Autre. Et c’est pourquoi « l’islam » (de rêve) est toujours pour demain…

Voir aussi http://www.issa-al-massiah-messiah-messie-messias.com/, ou eecho.fr/islam-messianismes-et-christianisme-des-origines/, ou eecho.fr/antichrist-et-monde-apres-la-venue-glorieuse-discussions/, ou eecho.fr/prendre-en-compte-le-messianisme-des-croyants-musulmans/ .

Edouard-M. Gallez

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Bagdad (Agence Fides) – Les chrétiens irakiens, largement concentrés dans les villes de la plaine de Ninive et dans d’autres régions du nord de l’Irak, continuent de quitter le pays « au rythme de 20 familles par mois ». Ce chiffre a été rapporté par le cardinal irakien Louis Raphael Sako, patriarche de l’Église chaldéenne, dans une réflexion douloureuse sur la condition des chrétiens en Irak.

Dans ses propos alarmés, diffusés par les canaux médiatiques du Patriarcat chaldéen, le cardinal a rappelé que plus de la moitié des chrétiens irakiens ont émigré au cours des cinq dernières années, et que de nombreux autres « sont sur la liste d’attente ».

Dans son discours, le patriarche chaldéen s’attarde sur les nombreux facteurs sociologiques, politiques et environnementaux qui favorisent l’exode lent et silencieux des chrétiens indigènes de leurs terres natales. Instabilité politique et sociale, insécurité, manque d’égalité des chances, discriminations et mesures pénalisantes subies sur le lieu de travail, absence de dispositions légales protégeant la pleine égalité des citoyens – y compris des chrétiens – devant la loi. En particulier, le Primat de l’Eglise chaldéenne met en cause l’absence persistante d’une loi sur le statut personnel des chrétiens, qui continue à ouvrir la voie à la discrimination sectaire, obligeant chacun à régler les questions relatives au statut de la personne (comme le droit du mariage, ou l’héritage, ou la garde des enfants) selon des lois qui s’inspirent de la tradition juridique islamique, et se réfèrent, directement ou indirectement, à la charia.
Dans son texte, le patriarche déplore également l’utilisation instrumentale des mots et symboles religieux dans la propagande et les controverses politiques. Le Patriarche cite également en exemple quelques cas récents de corruption et de discrimination dont il a eu connaissance. « Si quelqu’un ne veut pas que nous restions dans notre pays en tant que citoyens à égalité de dignité, conclut le cardinal irakien, dites-le nous franchement, afin que nous puissions aborder la question avant qu’il ne soit trop tard ». (GV) (Agence Fides 25/11/2022)