Le Christ-Roi, qu’est-ce à dire ? Méditation

Christ-Roi ?

La devise de saint Pie X était : « Tout restaurer dans le Christ ». Plus tard, Pie XI, en 1925, lança la fête du « Christ-Roi » afin de mettre en lumière l’idée que les nations ont à obéir aux lois du Christ. Il est certain que, si tel était le cas, le monde serait idéal, ou en tout cas bien meilleur. Sans doute, il faudrait, on devrait, …

Cent ans après, on en est loin. Redescendus dans une réalité présente mais bornée, on dit aux enfants que Jésus est le roi de leur cœur ‒ une mini-royauté. Certes, le Christ exerce un certain « règne » sur les réalités humaines qui lui sont reliées, c’est-à-dire les personnes baptisées, les familles (vraiment) chrétiennes et quelquefois un peu sur des pays ou des régions pendant une certaine période : on parle ici de structures mentales ou sociales qui sont inspirées par l’Evangile. C’est en ce sens-là, restreint, que Jésus a dit analogiquement que le Royaume est en-dedans/au milieu de nous (Lc 17,21).

En araméen et dans toutes les langues sémitiques, les mots ont des sens analogiques (= à signification élastique), ils supposent un peu de subtilité de notre part. Le sens premier du mot « Royaume » est clairement politique, y compris les mots apparentés de règne ou de royauté ; en araméen ou en hébreu, il y a plusieurs mots aussi, et le sens fondamental est également toujours politique, non moral, spirituel, mystique ou utopique. Certes, au sujet de la présence du Christ en nos cœurs, on pourrait dire qu’il s’agit d’un Royaume intérieur, mais celui-ci est tellement minimaliste qu’il n’est même pas une préfiguration du Royaume à venir, juste un signe. C’est un peu différent de l’Eglise et des familles chrétiennes, que l’on peut appeler des préfigurations consistantes ; pour autant, ce n’est pas le Royaume ‒ on le saurait. En fait, on ne peut parler vraiment du Royaume qu’en rapport avec la Venue glorieuse : celle-ci fait le passage entre les préfigurations et leur réalisation. Cet événement futur, promis comme imminent après la manifestation de l’anti-christ, fait toute la différence entre l’espérance chrétienne et les espérances messianistes, qui, toutes, prétendent réaliser le monde idéal par elles-mêmes (comme l’islam ou le mondialisme). Ceux qui nient l’espérance chrétienne en raison d’un moralisme aveugle au sens révélé de l’Histoire créent un vide qui fait le lit des messianismes.

De plus, ce vieux moralisme (lié à la néoscolastique) ne reconnaît de valeur à la création que comme décor de théâtre afin que nous nous convertissions et acquérions des mérites pour le Ciel, le Christ devant venir un jour pour détruire ce décor quand Dieu aura décidé d’arrêter la représentation. Tel Vishnou, le Christ « roi de l’univers » détruira l’univers, ce qui est bien curieux et ressemble plutôt au désir de Satan ; n’y aurait-il pas un petit problème ?

Ce que le Nouveau Testament révèle (et que St Irénée éclaire si c’est nécessaire), c’est que toute la création est appelée à entrer dans la gloire, mais elle doit être purifiée de l’emprise du Mal et sanctifiée d’abord. Le discours néo-scolastique, qui a méconnu St Irénée et a inventé les concepts de « jugement particulier » et de « jugement général », a tout embrouillé : il ne nous permet plus de voir ce qui nous est révélé du sens de la création. Jésus se présente en juge seulement en tant que « Fils de l’Homme » qui viendra pour juger comme le Roi qui, revenant de voyage, fera en sorte que ses bons serviteurs dirigent ce monde et fera disparaître ses ennemis (Lc 19,11-28). Cette venue ou manifestation glorieuse sera la « vivification » (« salut » en grec) de ceux qui auront gardé l’espérance et tenu bon (He 9,26).

Plutôt que d’en dire davantage (c’est déjà assez long), nous renvoyons à de nombreux articles qui permettent de mieux comprendre : par exemple St Thomas d’Aquin et la millénie, ou Les deux dérives de la foi chrétienne et l’histoire, ou encore Réponse à l’abbé Pagès (de Fr. Breynaert), ou encore Symbole des apôtres et Irénée de Lyon. Ces questions, urgentes à redécouvrir aujourd’hui, fondent la cohérence de notre foi sans laquelle il devient très difficile de transmettre cette foi aux jeunes.

P. Edouard-Marie

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