R. Ibrahim: réflexion sur islam, amitié et loyauté

Raymond Ibrahim, 09/07/2015  témoignages
Quand amis et voisins non-musulmans sont trahis

L’opinion de Raymond Ibrahim, spécialiste des questions islamiques outre-atlantique, n’est jamais à négliger. On peut ne pas être d’accord et signaler que les sunnites qui combattent l’Etat islamique forment même la majorité de l’armée nationale syrienne. Cette question se pose néanmoins : sans au moins la passivité de populations sunnites, les massacres et génocides commis sous l’autorité de responsables musulmans se référant à l’Islam seraient-ils possibles ? Et sans une culture de l’impunité quand il s’agit de victimes chrétiennes ? Aujourd’hui, en 1915 ou même avant ? L’histoire des Coptes (R. Ibrahim en est un) est jalonnée de ces massacres ; et c’est toutes les semaines qu’il y a des meurtres de chrétiens en Egypte.
Comme René Girard l’a indiqué (par exemple en Achever Clausewitz, Carnets Nord, 2007, p. 358), le problème de l’islam par rapport à la société civile se pose en soi. Ceux qui sont pris dans l’islam sont écartelés ente les loyautés de leurs liens humains et la loyauté au Dieu qui leur est enseigné. Pour en sortir, il faudrait un minimum de vérité, que les « dialogues » devraient favoriser ; on en est loin.

 Il y a quelques jours, après que l’État Islamique [EI] soit entré dans la ville syrienne de Hassaké, provoquant un exode massif des chrétiens, une scène familière – quoique trop souvent occultée – eut lieu. De nombreux musulmans « normaux » ont rejoint les rangs de l’EI, se retournant tout à coup contre leurs voisins de longue date, chrétiens.

Une troisième catégorie de musulmans se cache en effet entre les « modérés » et « radicaux » : les « dormants », c’est-à-dire les musulmans qui semblent être « modérés » mais qui attendent seulement que les circonstances tournent à l’avantage de l’islam avant de rejoindre le jihad ; des Musulmans qui attendent que les bénéfices du djihad deviennent plus grands que les risques.
Il ne manque pas d’exemples de ces types de musulmans. Voici des témoignages de non-musulmans, en majorité des réfugiés chrétiens de régions d’Irak et de Syrie actuellement sous contrôle de l’État Islamique (ou celui d’un autre djihad). Pensez à ce qu’ils disent de leurs voisins de longue date sunnites qui semblaient « modérés » – ou tout au moins non-violents – mais qui, une fois le djihad arrivé en ville, montrèrent leur vrai visage :

Georgios, un homme de l’ancienne ville chrétienne de Maaloula – l’une des rares régions du monde où la langue du Christ était toujours parlée – raconte la façon dont les voisins musulmans qu’il connaissait de toute sa vie se retournèrent contre les chrétiens après que al-Nusra, une autre entité djihadiste, ait envahi la ville en 2013 :
« Nous connaissions nos voisins musulmans depuis toujours. Oui, nous savions que la famille Diab était assez radicale, mais nous pensions qu’ils ne nous trahiraient jamais. Nous avons mangé avec eux. Nous sommes un seul peuple.
Quelques-uns de la famille Diab avait quitté la ville plusieurs mois avant et nous avons deviné qu’ils étaient avec al-Nusra [le front de al-Qaïda]. Mais leurs femmes et leurs enfants étaient toujours là. Nous avons veillé sur eux. Puis, deux jours avant que al-Nusra attaque, les familles ont soudainement quitté la ville. Nous ne savions pas pourquoi. Et puis, nos voisins guidèrent nos ennemis chez nous [dans notre ville]
. »

Ce chrétien expliqua avec incrédulité comment il vit un jeune membre de la famille Diab, qu’il connaissait depuis sa jeunesse, tenir une épée et conduire les djihadistes étrangers aux foyers chrétiens. Georgios continue :
« Nous avions d’excellentes relations. Il ne nous est jamais venu à l’esprit que nos voisins musulmans allaient nous trahir. Nous avons tous dit : « S’il vous plaît, laissez cette ville vivre en paix ; nous ne devons pas nous tuer les uns les autres. » Mais maintenant, c’est un bain de sang. Dans al-Nusra, ils projettent d’expulser les chrétiens et se débarrasser de nous pour toujours. Certains des musulmans qui vivaient avec nous sont de bonnes personnes, mais je ne ferai jamais confiance à 90 pour cent d’entre eux à nouveau. »

Une fille adolescente chrétienne de Homs, Syrie – qui avait jadis une population chrétienne d’environ 80.000 personnes mais qui est estimée maintenant à zéro – raconte son histoire :
« Nous sommes partis parce qu’ils essayaient de nous tuer… Ils voulaient nous tuer parce que nous étions chrétiens. Ils nous appelaient Kafirs [infidèles], et même les petits enfants disaient ces choses. Ceux qui étaient nos voisins se sont retournés contre nous. À la fin, quand nous nous sommes enfuis, nous avons traversé des balcons. Nous avons même pas osé aller sur la rue en face de notre maison. Je suis resté en contact avec les quelques amis chrétiens qui ont quitté leur maison, mais je ne peux plus parler à mes amis musulmans. Je me sens très désolée à ce sujet. » (Crucified Again, p. 207)

Lorsqu’on lui a demandé qui, exactement, a menacé et a chassé les chrétiens hors de Mossoul tombée sous le pouvoir de l’État islamique il y a un an, un autre réfugié chrétien anonyme a répondu :
« Nous avons quitté Mossoul parce Daech est venu dans la ville. Les gens de Mossoul [sunnites] ont embrassé Daech et chassèrent les chrétiens hors de la ville. Lorsque Daech est entré dans Mossoul, les gens les ont salués et chassèrent les chrétiens…
Les personnes qui ont embrassé Daech, les gens qui vivaient là avec nous … Oui, mes voisins. Nos voisins et d’autres personnes nous ont menacés. Ils ont dit: « Partez avant que Daech ne vous prenne ». Qu’est-ce que cela veut dire? Où irions-nous? … Les chrétiens ont pas de soutien en Irak. Celui qui prétend protéger les chrétiens est un menteur. Un menteur
! »

Une telle trahison musulmane n’est pas limitée aux chrétiens. D’autres « infidèles », les Yézidis par exemple, ont connu le même trahison. Evoquant l’invasion de son village par l’Etat islamique, un Yézidi de 68 ans qui a réussi à fuir la sanglante offensive – impliquant le massacre de beaucoup d’hommes yézidis et l’esclavage des femmes et des enfants – a dit :
« Les djihadistes (non irakiens) étaient des Afghans, des Bosniaques, des Arabes et même des combattants américains et britanniques …. Mais les pires tueries venaient de personnes vivant parmi nous, de nos voisins musulmans (sunnites)…. Les tribus Metwet, Khawata et Kejala – ils étaient tous nos voisins. Mais ils ont rejoint l’Etat Islamique, ont pris les armes lourdes de leur part, et les ont informé sur qui était Yézidi et qui ne l’était pas. Nos voisins ont rendu possible la prise de contrôle par l’EI. »

De même, regardez cette interview de 60 minutes d’une femme Yézidi. Lorsqu’on lui a demandé pourquoi les gens qu’elle connaissait toute sa vie se sont joint soudainement à l’EI et se sont sauvagement retournés contre son peuple, elle a répondu :
« Je ne peux pas vous dire exactement, mais ce doit être à cause de la religion. Ce doit être la religion. Ils nous ont constamment demandé de nous convertir, mais nous avons refusé. Avant cela, ils ne l’ont jamais évoqué. Auparavant, nous nous pensions les uns les autres comme une famille. Mais je dis, ce doit être la religion. »

De peur qu’il semble que ce phénomène de trahison sunnite soit limitée au djihad islamique en Mésopotamie, sachez que cela a eu lieu historiquement et actuellement dans d’autres pays. L’anecdote suivante de l’Empire ottoman a plus de 100 ans :
« Un soir alors, mon mari est rentré et m’a dit que le Padisha [sultan] avait fait dire que nous devions tuer tous les chrétiens dans notre village, et que nous allions avoir à tuer nos voisins. J’étais très en colère et lui ai dit que je ne me f… de qui avait donné de tels ordres, ils avaient tort. Ces voisins avaient toujours été gentils avec nous, et s’il osait les tuer, Allah allait nous le faire payer. Je ai essayé tout ce que je pouvais pour l’arrêter, mais il les a tués – il les a tués de ses propres mains. » (Sir Edwin Pears, Turkey and Its People, Londres, Methuen and Co., 1911, p. 39)

Et au Nigeria – une nation qui a peu en commun avec la Syrie, l’Irak, ou de la Turquie, sinon l’Islam –, une attaque djihadiste contre les chrétiens qui a laissé cinq églises détruites et plusieurs chrétiens tués a été rendue possible par « musulmans locaux » :
« Les musulmans dans cette ville circulaient en marquant les bâtiments de l’Eglise et les magasins appartenant à des chrétiens pour les membres de Boko Haram, et ceux-ci, à leur tour, faisaient exploser ces églises et ces commerces. »

Des modèles semblables de comportements traîtres – modèles qui traversent les continents et les siècles, et qui apparaissent régulièrement lorsque des musulmans vivent aux côtés de non-musulmans – se comprennent facilement en se tournant vers le verset 3:28 du Coran :
« Que les croyants [les musulmans] ne prennent pas d’infidèles [non-musulmans] pour amis et alliés au lieu des croyants. Celui qui fait cela n’aura plus de lien avec Dieu – à moins que vous ne cherchiez à vous protéger d’eux. Mais Dieu vous met en garde Lui-même. À Dieu est le but final. »
Voici comment les oulémas les plus importants de l’Islam et les exégètes expliquent ce verset 3:28 du Coran :
Muhammad ibn Jarir Tabari (mort en 923), auteur d’un commentaire communément reçu comme commentaire autorisé du Coran, écrit :
« Si vous [les musulmans] êtes sous leur autorité [de non-musulmans], craignant pour vous-mêmes, comportez-vous loyalement à leur égard en parole tout en abritant [en vous] une animosité intérieure contre eux … [sachez que] Allah a interdit aux croyants d’être amicaux ou en relations intimes avec les infidèles plutôt qu’avec d’autres croyants – sauf quand les infidèles ont le dessus sur eux [en autorité]. Si tel est le cas, qu’ils agissent amicalement envers eux tout en préservant leur religion. »

Ibn Kathir (mort en 1373), une autre autorité éminente en matière de Coran, écrit :
« Le Très-Haut a dit : « Sauf si vous vous prémunissez seulement contre eux en prenant des précautions » – c’est-à-dire : quiconque craint leur mal à tout moment ou lieu peut se protéger grâce à un visage extérieur sans conviction sincère.
Ainsi al-Bukhari par Abu al-Darda
rend les mots [du Prophète] : « Vraiment, nous sourions à la face de certaines personnes tandis que nos cœurs les maudissent ». »

En d’autres termes, les musulmans ne doivent pas se lier d’amitié avec des non-musulmans, à moins que les circonstances soient telles que ce soit dans l’intérêt des musulmans de le faire. Par exemple, si les musulmans sont une minorité (comme en Amérique), ou si leurs dirigeants sévissent brutalement contre les activités djihadistes (comme dans la Syrie d’avant l’Etat Islamique): alors ils peuvent prêcher et même feindre la paix, la tolérance et la coexistence avec leur voisins non-musulmans.
Toutefois, si et quand les circonstances adviennent de faire triompher l’islam, les musulmans sont censés se joindre au djihad – « car le but final est à Allah. »

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