Une « Route de la Soie » par les sommets du Tibet ?

Des  archéologues découvrent une autre branche de la « Route de la Soie »

Le site Scientificamerican.com a fait connaître un aspect, important pour les recherches d’EEChO, d’un article très technique de la revue Nature, consacré au thé, mais qui met en lumière une route méconnue suivie par les caravanes traversant l’Asie depuis Empire Romain jusqu’aux rivages de la Mer Jaune et de la Mer de Chine (ce qu’on a appelé globalement « la Route de la Soie »). Elle déployait en Chine et dans toute l’Asie un réseau d’échanges et de communication. Les découvertes faites au Tibet (cimetière de Gurgyam, voir illustration en bas) indiquent que ce réseau traversait le Tibet, pour le relier à Xi’an, capitale de la Chine et à la Méditerranée. Cette ou ces routes par les sommets existaient-elles déjà au 1er siècle, bien avant que la capitale soit transférée à Xi’an ? On ne peut pas trancher la question en l’état actuel de la recherche.

Par Jane Qiu

De nouveaux indices suggèrent qu’une ancienne route commerciale
s’aventurait par les sommets du Tibet.

Silk Road Route de la soie ThibetCarte grossière des routes de la soie, réalisée par des spécialistes cartographes.
Celle des itinéraires du 1er siècle, par Maxime Yevadian (© Source d’Arménie), est plus détaillée :

Map Globe monde 1er siecle routes de la soie

___ Tout le monde connait l’antique Route de la Soie : elle fut l’un des principaux vecteurs des si riches échanges culturels et économiques entre Orient et Occident. On a toujours pensé qu’elle serpentait au plus bas et au plus plat des contreforts des montagnes et plaines du désert de Gobi. Mais des découvertes archéologiques nouvelles viennent d’être réalisées dans un tombeau ancien, en altitude. Elles révèlent que la Route de la Soie s’aventurait aussi dans les hauteurs du Tibet – une voie méconnue de cette route commerciale.

___ Cette tombe datant d’il y a 1800 ans a été découverte en 2005 par des moines, à 4300 mètres au-dessus du niveau de la mer, dans la préfecture de Ngari au Tibet. Lorsque les fouilles ont commencé, en 2012, l’équipe de chercheurs a été très étonnée d’y découvrir une grande quantité de marchandises typiquement chinoises. Tout laisse à penser que des marchands circulaient au Tibet depuis la Chine, empruntant donc un itinéraire de la Route de la Soie que l’Histoire avait oublié.

___ « Ces découvertes sont époustouflantes », a déclaré Houyuan Lu, archéobotaniste de l’Institut de Géologie et de Géophysique de l’Académie Chinoise des Sciences à Beijing. Entre autres, les archéologues ont exhumé de précieuses soieries, où se lisent les caractères chinois wang hou (signifiant « roi » et « princes »), un masque en or massif, et des vaisselles de bronze et de céramique.


illustrations du cimetière de Gurgyam – revue Nature

___ Ils ont aussi été très intrigués par la découverte de ce qui ressemblait à des pousses de thé. Les sources les plus anciennes à mentionner l’existence de thé au Tibet remontent au 7e siècle après Jésus-Christ, mais ces pousses seraient plus vieilles encore de 4 à 500 ans. Pour confirmer qu’il s’agissait bien de thé, Lu et ses confrères ont analysé les composants chimiques de quelques échantillons, et retrouvé des traces importantes de caféine et de théanine, un type d’acide aminé communément présent dans le thé. Plus encore, la signature chimique des résidus de thé s’est montrée similaire à celle retrouvée dans la tombe d’un empereur chinois de la dynastie Han datant d’il y a 2100 ans, et on a pu identifier ces thés comme appartenant une variété typique du Yunnan, dans le sud de la Chine, où elle est cultivée. « Tout cela nous incite fortement à penser que le thé [retrouvé dans la tombe tibétaine] venait de Chine » a déclaré Lu. Ces découvertes ont été publiées récemment dans le Scientific Reports.

___ Ces échanges si anciens entre le Tibet et la Chine « sont le signe d’un itinéraire en haute altitude de la Route de la Soie via le Tibet que l’on avait presque entièrement oublié », a déclaré Martin Jones, un archéobotaniste de l’Université de Cambridge. Ces preuves contribuent à faire émerger le tableau d’ensemble d’une Route de la Soie – fermée par l’empire ottoman au 15e siècle – comme un immense réseau en trois dimensions, qui, au-delà des longues distances en plaines, couvrait aussi les plus hautes montagnes.

___ D’autres études avaient elles aussi établi des preuves de l’existence de voies commerciales dans les montagnes d’Asie autour de 3000 avant Jésus Christ – des voies connues aujourd’hui sous le nom de corridors des montagnes intérieures de l’Asie. « Tout ceci suggère que les montagnes n’étaient pas des obstacles infranchissables », a déclaré Rowan Flad, archéologue de l’Université d’Harvard. « Elles pouvaient servir de canaux d’échanges pour la culture, les idées et les technologies ».

Source :  Scientificamerican.com ; traduction EEChO
source originelle :“EARLIEST TEA AS EVIDENCE FOR ONE BRANCH OF THE
SILK ROAD ACROSS THE TIBETAN PLATEAU,” par HOUYUAN LU ET AL.,
in SCIENTIFIC REPORTS, VOL. 6, ARTICLE NO. 18955 ; 7 janvier 2016 ;

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2 thoughts on “Une « Route de la Soie » par les sommets du Tibet ?

  • 24 février 2019 at 13 h 50 min
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    Très intéressant. Merci ! Est-ce vrai que St Thomas est allé en Chine ? comment le prouver ?
    c. Dassié

    Je m’intéresse à l’évangélisation au lendemain de la mort de Jésus, avant 70

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    • 24 février 2019 at 20 h 51 min
      Permalink

      Nous avons publié pas mal d’articles qui permettent de prouver que, depuis l’Inde, St Thomas est allé en Chine, réalisant ainsi son projet initial dans les années 64-68. Il avait essayé déjà auparavant, et c’est parce qu’il avait finalement emprunté la voie maritime qu’il s’était retrouvé en Inde.
      Autant qu’on puisse le dire en histoire, puisqu’on ne peut s’appuyer que sur des documents qui, par définition, sont passés et ne constituent donc jamais des « preuves » reproductibles en laboratoire, on peut vraiment affirmer ce séjour de 4 ans en Chine. St Thomas sera assassiné trois ans après son retour, à Milipore (Calcutta), en 72.
      Voir https://www.eecho.fr/?s=thomas.
      Bonne lecture !

      Reply

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