Parutions : P.Perrier, retour à la source – JF.Froger, Nouvelle apologétique

PARUTIONS :

Jean-François Froger, Une nouvelle apologie du christianisme. Propos pour une logique intégrale, éd. Ad Verbum, septembre 2022 ‒ 29,50 €.

« En cet ouvrage, nous avons montré, par un effort de logique, que la connaissance humaine est descriptible par une structure relationnelle quaternaire et que celle-ci comporte nécessairement une « catégorie inconnaissable », sauf précisément à recevoir une révélation de son contenu. Inversement, prétendre que la Révélation devrait être crue sans aucun effort pour en montrer la crédibilité serait une pure sottise »

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 Pierre Perrier, Retour à la Source : Le Madrasha de Marganitha de l’apôtre Thomas 41 – 51, éd. Jubilé, janvier 2022, 291 p.

Il s’agit d’une nouvelle traduction, présentée et commentée, de la partie des Actes « de Thomas » (ou plus exactement « de Juda thoma » comme on dit en Orient) qui est communément appelée « Hymne de la perle » mais dont le titre araméen Madrashâ dMarganithâ devrait être traduit plus justement comme Midrash [ou méditation] sur la rivière de perles.
Ce Madrashâ forme la 4e des 18 parties des Actes – cette partie commençant par 5 petits § introductifs. Auparavant, on trouve trois colliers de 10§-perles chacun (relatifs à l’évangélisation de Ninive à l’Inde), et la même chose ensuite (relative au voyage du Kerala ou de Taprobane en Chine). Puis les Actes se poursuivent avec 10 colliers de 7§-perles chacun, qui font le récit de la mission de Juda thoma en Chine. Enfin, la 18e partie (10§) fait un parallèle entre le martyre de Thomas et celui du Prince Ying.

La langue originelle du Madrashâ n’est pas un araméen du 3e siècle mâtiné de mots persans ou autres, mais un araméen du 1er siècle très comparable avec celui de la première lettre de Pierre (avec laquelle ce texte a divers points communs, cf. p.208-215). Puisqu’il s’agit d’une composition du 1er siècle insérée dans les Actes de Juda thomas après le 3e siècle, il est  raisonnable de la considérer comme l’œuvre de Thomas lui-même, d’autant plus qu’elle évoque des souvenirs spirituels qui ne peuvent venir que de lui.

Quant à sa structure, elle n’est pas en 5X5 perles (comme P. Perrier le pensait jusqu’en 2020, cf. p.36), mais en 6X5 verticalement (ou 2X 3X5 pour être plus précis). Alors ressort la cohérence du récit, qui a échappé à tant de commentateurs occidentaux. Il est vrai que, prises au pied de la lettre, certaines images peuvent induire en erreur, par exemple celle du serpent qui, ici, désigne la foule subjuguée par des émotions ou des idéologies. Si l’on n’a pas en tête le code des analogies, le texte devient souvent incompréhensible.

En fait, il nous plonge dans les années allant de 41 (départ de Jérusalem avec Barthélemy) à 51 (année de l’assomption de la Vierge Marie) : Thomas part pour sa première grande mission jusqu’à Taxila (voir ici) et même plus loin encore au port de Pattala. Grossièrement résumé, ce récit-midrash rapporte une désillusion qui doit servir de leçon. Face au « serpent » de Pattala qui était la “Sodome de l’Inde”, Thomas avait, pour ainsi dire, été tenté de s’adapter en édulcorant la Bonne Nouvelle ; le seul résultat qu’il obtint fut l’échec de sa mission. Il est alors découragé mais, certains de ses disciples étant retournés à Jérusalem et y ayant informé Marie, les quelques apôtres et disciples présents, il reçoit de ceux-ci une lettre encourageante.

La traduction commentée est une mine extraordinaire de découvertes, parfois subtiles. Pour revenir à l’exemple du terme « serpent » ܚܸܘܝܵܐ, ḥewyā (versets 22, 30, etc.), sa traduction littérale serait plutôt « qui a une vie » ou « animal » (p.82) : en Ap 20:2, ḥewyā est traduit par serpent mais deux versets plus loin (et aussi au verset 10 par exemple), le mot ḥayūṯā qui est la forme féminine de ḥewyā est traduit par bête en grec, mais souvent ailleurs dans la bible par serpent (p.82).
Dans la deuxième suite-pendentif, en la 4e perle, on lit : « Ils firent un mélange avec moi [= avec mon enseignement] de toutes leurs constructions et je me mis aussi à manger de leur nourriture » (verset32). Sans doute par manque de communauté juive locale, Thomas s’est pris à un jeu de syncrétisme avec les cultes locaux – « syndrome de Stockholm », note P. Perrier (p.91). Après un long moment de déprime de Thomas, on lit: « Je me souvins que j’étais fils de Roi [= le Messie, celui qui a reçu l’onction], et que la raison d’être de ma liberté était de faire ce qui m’était demandé » (verset 56, perle 1 du 4e pendentif). La suite du récit est tout aussi passionnante.

Le devenir Juda thoma après l’histoire relatée dans le Madrashâ dMarganithâ, nous la connaissons : revenu à Jérusalem en 51, Thomas repart en 52 pour ne plus y revenir : il évangélisera l’Inde du Sud de 52 à 64, et la Chine de 65 à 68, d’où il reviendra en Inde jusqu’à son martyre en 72.

Une chronologie convaincante des événements depuis l’an 30 jusqu’en l’an 51 est proposée (p.180-189). L’annexe 1 (p.251-260) est très intéressante aussi, non seulement parce qu’elle rend compte de la question des manuscrits disponibles mais surtout parce qu’elle contribue à montrer la spécificité du Madrashâ par rapport au reste des Actes – et elle donne un plan d’ensemble plus lisible que celui de la page 31. La typographie est excellente, ainsi que les illustrations (dont huit pages en couleurs).
Du bel ouvrage !
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