Maurice Saliba : visite du Pape François au cheikh d’al-Azhar

 Hypocrisie du cheikh d’al-Azhar face à la sagesse du Pape François ?

par Maurice Saliba

Le cheikh d’al-Azhar [à la différence du président Sissi] ne dénonce jamais l’hypocrisie de l’islam, mais en revanche il l’incarne dans sa stratégie de défense. C’est ce qui ressort du discours qu’il a prononcé lors du récent congrès organisé au Caire le 27 et 28 avril 2017 sur « le dialogue des religions », en présence du Pape François qui lui a répondu avec bonté et simplicité.

Le patron d’al-Azhar, Ahmad El-Tayyib, a défendu dans son discours l’islam. Il voulait impérativement blanchir sa religion et l’institution qu’il préside de tous les soupçons et de toutes les accusations de complaisance avec le terrorisme islamique et la violence. En effet, il a tiré ses dernières cartouches avant de baisser les bras et dire au monde entier : Voilà, j’ai rempli mon devoir en dépit de mes convictions intimes. C’est tout ce que j’ai pu faire pour défendre l’indéfendable. N’est-ce pas un langage sournois, hypocrite ?

Auparavant, il avait multiplié les déclarations pour prétendre que l’islam est innocent du terrorisme et que les gens de bonne intention doivent inventer des moyens efficaces pour remédier aux malheurs qui frappent les pays musulmans.

Devant ce congrès, il s’est, de prime abord, attaqué aux marchands d’armes occidentaux, les accusant de tous les malheurs qui frappent l’islam et les musulmans.

Puis, il a ironisé sur l’innovation du discours religieux réclamée par le président égyptien El-Sissi. Il a qualifié cette proposition « comme une procédure destinée à falsifier la lecture critique profonde du patrimoine islamique », laquelle ne peut être fondée que sur le consensus des membres du conseil des imams, c’est-à-dire ses collègues, les gardiens du temple d’al-Azhar et les tenants de ses fonds de commerce. C’est ainsi qu’il a étouffé dans l’œuf tout espoir d’innovation et de réforme en islam.

Évoquant la relation entre la religion et la guerre qui fait ravage en terre d’islam, le patron d’al-Azhar n’y voit aucun rapport, bien que l’islam en constitue le cœur battant et la colonne vertébrale qui attise le terrorisme mené par les organisations islamistes, mais aussi par les pays musulmans entre eux ou contre les autres.

Prétendant que l’islam respecte les autres croyances, le cheikh d’al-Azhar a eu même le culot de demander au Pape de défendre l’islam contre « la théorie du choc des civilisations », car son islam est victime de cette thèse développée par le politologue américain, Samuel Huttington, dans un livre paru il y a déjà plus d’un quart de siècle.

Dans ce même contexte, il a également réclamé du Pape, avec une certaine arrogance, de l’aider à « purifier l’image des religions », sous-entendue l’image de l’islam, « et de la sauver de toute déformation » [ou plutôt de sa malformation naturelle, identitaire, originelle, existentielle]. Il veut embellir cette image sans jamais toucher à la triste vérité qu’elle cache.

Enfin, le premier dignitaire d’al-Azhar a mis en garde son auditoire, au cas où l’on ne répond pas à sa sollicitation. « Si on continue, menace-il, à stigmatiser l’islam et à l’accuser injustement, alors aucune autre religion n’échappera à la violence ni au terrorisme. » [Rappelons-nous tous les actes terroristes perpétrés par les musulmans qu’il a toujours cherché à justifier ou à blanchir.]

Que faut-il attendre d’un discours aussi ambigu et louche ? Qu’est-ce qu’il en cache ?

Le Pape François ne s’est pas laissé leurrer par ces paroles. En fin disciple de Saint Ignace, il a répondu en douceur, avec des mots simples et sincères, sans ambiguïté ni hypocrisie, à chacun des points précités.

Il a précisé dans son discours qu’il faut ajouter au motif matériel et commercial des uns [en allusion aux marchands d’armes occidentaux] lequel favorise le terrorisme et les conflits, un motif intellectuel beaucoup plus dangereux, qu’est l’extrémisme religieux et la nature de l’idéologie religieuse. « La véritable foi religieuse, a-t-il clamé haut et fort, ne pourra jamais s’associer, ni de près ni de loin, à la violence. Sinon, elle perd sa raison d’être. »

À la vision du patron d’al-Azhar du dialogue des religions, le Pape de la paix fait savoir que « la base fondamentale [pour ceux qui organisent un tel dialogue et y participent], c’est d’accomplir d’abord leur devoir par une action concrète courageuse [sans hésitation ni détour] et par leur sincère dévouement [sans taqiya]. » C’est ainsi que le jeu de mots du patron d’al-Azhar s’est avéré totalement obsolète face à la parole d’un pape venu témoigner directement et clairement de la vérité, sans complicité ni complaisance.

Concernant l’affirmation du cheikh d’al-Azhar que la religion n’a rien à faire avec les guerres ni avec le terrorisme, le Pape s’est demandé, toujours en douceur et dans le calme, « où se trouve alors le carburant dont se nourrissent les adeptes des groupes islamistes » [allusion bien entendu aux textes religieux et aux imams prédicateurs de la haine et de la mort, mais aussi aux antécédents dans l’histoire de l’islam].

Quant à l’aide réclamée pour défendre l’islam, le Pape a souligné que les instances concernées directement par cette question sont invités à prendre d’abord une position claire et sérieuse pour dénoncer la violence faite au nom de Dieu et sa prétendue sacralité, mais aussi pour identifier les textes incitant à la haine et à la violence et condamner l’interprétation malveillante de certains enseignements ainsi que l’exclusion de l’autre. Dieu ne demande à personne de le défendre et n’a besoin d’aucune défense.

S’agissant de la « purification de l’image de l’islam », le Souverain Pontife ne pouvait pas croire ni imaginer qu’on peut s’y mettre sans toucher à la vérité qu’elle cache. « Il faut donc choisir entre l’image et l’original. »

Par ailleurs, la menace dégainée par le patron d’al-Azhar à l’encontre des autres religions, si on continue à stigmatiser l’islam après chaque attentat terroriste, ne serait qu’une réaction propre à ceux qui ont peur, sont faibles ou coupables, mais parfois aussi la réaction de ceux qui sont perturbés mentalement.

En effet, jamais les Chrétiens n’auront l’idée d’envoyer un commando pour se faire exploser au sein d’une mosquée, ni de créer des milices à l’instar d’al-Azhar et de toutes les organisations islamistes.

Pour cette raison, le Pape de la Paix a clarifié que « la violence qui se manifeste est une barbarie », que « la mécréanisation » des autres [les Chrétiens et les Juifs] et les explosions [contre eux et leurs édifices religieux] « sont dues au laxisme de la justice, mais aussi à l’absence d’une foi authentique et d’un sentiment de fraternité en Égypte ». Ce qui veut dire que la fausse supériorité islamique et l’incursion de la religion en politique ont plongé ce pays dans une situation aberrante suicidaire. « La violence, déclare-t-il, c’est la négation de toute religion authentique. » Alors, tant que l’islam ne prêche pas l’amour et le respect de l’autre, il ne sera jamais une véritable religion qui mérite d’être défendue ou respectée.

Avant que les responsables politiques et ceux d’al-Azhar ne fassent allusion au slogan affiché sur une grande pancarte à l’intérieur de la salle du congrès et sur laquelle il est écrit : « La religion est pour Allah et la patrie pour tous », le Pape a délibérément prononcé cette phrase en arabe pour attirer l’attention de tout le monde et secouer la conscience de tous ceux qui prônent – théoriquement – ce principe. Il a réclamé avant tout qu’il soit confirmé réellement sur le terrain et traduit en pratique dans la vie quotidienne de tous les citoyens sans distinction. Il est malveillant de s’en servir uniquement en apparence ou un faire un coup de publicité. Sinon, ce sera tout simplement de l’hypocrisie.

Si « la religion est pour Allah et la patrie pour tous », pourquoi persécute-t-on alors les Coptes ? Pourquoi les expulse-t-on du Sinaï ? Pourquoi détruise-t-on leurs églises ? Pourquoi les musulmans enlèvent-ils leurs adolescentes et les islamisent de force ? Pourquoi les chrétiens sont-ils discriminés et persécutés en terre d’islam à tous les niveaux ?

En quelques mots simples, le Pape a rejeté tout dialogue entre les religions sans conditions claires et précises, sans dissimulation ni circonspection ni arrière-pensées. Il a demandé au régime égyptien de ne pas se dérober à ses responsabilités et de répondre à l’appel de l’Ancien Testament : « Libérez mon peuple ! », c’est-à-dire, assurez la protection de tous les citoyens sans exception, et garantissez leurs droits et leurs libertés sans discrimination !

Quel contraste entre les deux discours, entre deux visions diamétralement opposées !

Maurice Saliba

Partager cet article

One thought on “Maurice Saliba : visite du Pape François au cheikh d’al-Azhar

  • 13 mai 2017 at 21 h 14 min
    Permalink

    Moins de deux semaines après la visite du Pape François, le Sheikh Salem Abdul Jalil, sous-secrétaire du Ministère égyptien des dotations religieuses (Awqaf) et prédicateur célèbre, a réitéré les arguments islamiques contre le christianisme à la télévision. Selon Jalil les chrétiens sont des « infidèles » car ils ne croient pas à un Dieu mais à une Trinité.
    Le Ministre d’Awqaf, Mohamed Mokhtar Gomaa, s’est vite dissocié de Jalil et lui a demandé de se rétracter.

    Reply

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.