Appliquer les mathématiques au texte coranique

● Dossier des nouveautés islamologiques ●

dossier en cours, tiré du Bulletin 45 c
Livres (2014) traités ou signalés :

Introduction :

            L’islamologie est une discipline de recherche dont les Occidentaux ont besoin, eux qui n’ont presque pas eu de connaissance vécue de l’Islam, sinon depuis 40 ans. Pour les Musulmans, la question des recherches se pose très différemment, mais leurs retombées peuvent avoir des suites aussi bénéfiques, sinon davantage, du fait des perspectives libératrices qu’elles recèlent.

            L’Islam n’est pas né de rien mais d’un groupe de descendants de « judéo-nazaréens », les premiers messianistes de l’histoire, qui se sont structurés en opposition à l’enseignement reçu des Apôtres, après l’an 70. Selon toute vraisemblance, la tribu des Qoréchites (dont Mahomet faisait partie) était christianisée (comme sans doute les autres tribus arabes). Mais une partie d’entre elle a été détournée de cette foi dont le livre des Actes parle déjà à propos des Arabes (Ac 2:11), par ces descendants de juifs ex-chrétiens dont les villages n’étaient pas loin d’eux. Il s’agit là de conclusions de l’étude Le messie et son prophète (2 tomes, 1100 pages) parue en 2005 et que de nombreux travaux postérieurs sont venus préciser ou confirmer sur divers points (voir ci-après). Ce sont donc d’une certaine façon tous les musulmans, et pas seulement les Kabyles par exemple, qui peuvent dire que, lorsqu’ils découvrent le christianisme, ils renouent avec la vraie foi de leurs Pères.

            Pour entrer dans le dossier islamologique et sa légitime démarche historico-critique, il n’est pas inutile de rappeler quelques données de base, qui sont encore trop occultées dans l’enseignement habituel. D’abord concernant la langue du texte coranique et l’écriture des plus anciens manuscrits. Elles ne correspondent pas à ce qui était en usage dans la région de La Mecque (l’écriture et la langue sud-arabiques) ; indubitablement, elles sont nord-arabiques. Voilà qui suffit à démentir le dogme islamique… sauf à considérer que Dieu a pu S’exprimer dans la langue qu’Il voulait sans demander leur avis aux insignifiantes créatures que nous sommes. Reste quand même la question du type d’écriture humaine : pourquoi n’est-elle pas sud-arabique ?

            Autres problèmes. Des caravaniers circulant dans le désert d’Arabie ont vraisemblablement peu d’occasion d’aller à la pêche. On lit cependant dans la sourate Al-Maida : “La chasse en mer vous est permise, et aussi d’en manger, pour votre jouissance et celle des voyageurs” (5:96). Faute de pêche, on pourrait penser qu’ils se nourrissaient grâce à l’agriculture ou à l’élevage, puisque qu’on lit dans la sourate qui suit : “Ils assignent à Dieu une part de ce qu’Il a Lui-même créé, en fait de récoltes et de bestiaux” (6:136). Mais comment fait-on des récoltes sans eau ? À La Mecque et dans la région, le sol est atrocement sec, et aucune bête n’y trouverait à manger.

            On peut continuer longuement la liste de ces invraisemblances. Patricia Crone rappelait :
All in all, the quranic passages addressed to or concerned with mushrikîn take us to a mixed economy in which the cultivation of grain, grapes, olives and date palms was combined with the rearing of sheep, goats, camels, cows, oxen and other animals, and also with maritime activity, at least in part for fishing. […] Description of the community shared by mushrikûn and believers can hardly be said to be suggestive of Mecca as we know it from the tradition” (Bulletin of the School of Oriental and African Studies, University of London, Vol. 68, No. 3 – 2005, pp. 387.399).

            Si ce n’est pas à La Mecque, où situer le « proto-islam » – à distinguer de l’Islam qui a pris la forme qu’on lui connaît avec ‘Abd Al-Malik (fin 7e siècle, début 8e) –? Dans les années 70 déjà, Patricia Crone et Michael Cook avaient analysé suffisamment d’éléments pour entrevoir la situation de ce proto-islam non pas au sud de Médine (La Mecque) mais de l’autre côté et à l’autre bout de l’aire arabe : en Syrie (Hagarism. The making of the Islamic World, 1977).

            Ces divers éléments suffisent à suggérer fortement que La Mecque a servi de moyen d’occulter le véritable contexte où est apparu ce qui deviendra « l’islam ». Mais il y en a des quantités d’autres.

            Parallèlement, l’étude critique du texte coranique se révélait très significative, ainsi que celle des traditions islamiques le concernant. Elles évoquent en effet de nombreuses et importantes manipulations de ce texte, jusqu’à des éliminations successives, par exemple lorsqu’une « version » ancienne est remplacée par une nouvelle. Quelques sites du web en parlent, par exemple un-meilleur-islam.blogspot.fr, où l’on trouve notamment des citations de traditions relatives à un verset non-conforme relatif à l’allaitement, à des sourates oubliées de tous, ou encore au verset de la lapidation que tout le monde affirme être dans le Coran mais qui ne s’y trouve plus, ou encore évoquant le fait que ce soit ‘Umar et non Mahomet qui aurait été à l’origine de certains versets, etc. Ces manipulations manifestent une volonté de « réécrire » le passé.

           La synthèse de 2005, Le messie et son prophète replaçait les débuts de l’islam dans l’histoire réelle, et elle rendait compte des éléments du dossier islamologique alors disponibles – y compris de ses incohérences apparentes. Cet article-interview fut l’un des premiers à vulgariser ces perspectives nouvelles, que des travaux divers n’ont cessé de préciser ou de confirmer par la suite. Malheureusement, celles-ci ne sont pas encore disponibles en anglais sinon grâce à un site (où l’on trouvera ce schéma Genealogy-Islam-schema_mini les synthétisant en anglais). En 2012, malgré ce manque, Tom Holland avait réussi une remarquable émission sur Channel 4, The Untold Story, qui montrait de manière étayée que le lieu de naissance de Mahomet n’a pas pu être La Mecque : c’est le Calife ‘Abd Al-Malik qui, au début du 8e siècle, a décidé de le placer là. Ne connaissant que certains développements de la recherche, Holland ne pouvait pas restituer le véritable lieu de naissance de Mahomet – qui se trouve dans le nord de la Syrie actuelle –; mais au moins en Angleterre, il a permis que soit évoquée la falsification historique réalisée par les premiers Califes. C’est une question qui reste interdite dans la « culture française » (y compris ecclésiale).

  • Une découverte toute récente qui contribue à un tournant de l’islamologie :

Walter_codes Walter Jean-Jacques, Le Coran révélé par la Théorie des Codes, éditions de Paris, juillet 2014, 28 €, 296 p.

Les mathématiques sont un outil permettant d’analyser des textes. Elles y concourent bien davantage que par de simples études statistiques de mots ou de suites de mots, qui mettent en lumière les thématiques présentes dans le texte mais ne parviennent pas à définir des caractéristiques stylistiques rigoureusement propres à tel auteur, et cela d’autant moins que son style littéraire ou ses préoccupations peuvent évoluer. La Théorie des Codes, qui peut s’appliquer aux textes écrits comme au séquençage du génome humain, va beaucoup plus loin en effet. Sous sa forme d’analyse des données textuelles, elle a permis de montrer qu’une pièce mineure de Shakespeare, dont l’authenticité était discutée du fait des différences de style par rapport à ses autres œuvres, était bien de lui (T. Merriam, 2002).

Chaque auteur présente une signature stylistique dont il n’a pas conscience et qui ne change que très peu. L’outil mathématique va parvenir à la mettre en lumière en comparant des ensembles textuels par groupe de 500 caractères (au minimum) en fonction de n hypothèses à vérifier – ce qui génère des calculs à n dimensions. Ces opérations peuvent occuper un ordinateur durant des heures, mais les résultats sont probants : un auteur pourra être identifié avec une certitude qui peut dépasser 999 999 chances sur un million.

L’un des atouts du livre est de présenter les résultats de manière systématique, sobre et ramassée, notamment en recourant à la représentation suggestive des nuages de résultats, comme le font les mathématiciens. Passionné de mathématiques et familier du Proche-Orient depuis plus de quarante ans, Jean-Jacques Walter a bénéficié du concours d’un spécialiste, et ce livre découle du doctorat en islamologie qu’il a soutenu en décembre 2013 à l’Institut Catholique de Toulouse, en présence d’éminents mathématiciens. L’énorme défi de la recherche consistait à optimiser l’outil d’analyse mathématique aux caractéristiques du texte coranique qui, chacun le sait, compte 114 sourates de longueur extrêmement inégales, et dont les plus longues paraissent rarement faites d’une seule pièce.

Le regroupement par thèmes permit déjà de mieux classifier le matériel textuel en 26 ensembles consistants – l’outil mathématique ne peut pas fonctionner sur un ensemble inférieur à 1000 caractères (les plus petites sourates en ont beaucoup moins). À partir de là, l’analyse des données a permis de mettre en lumière 19 signatures correspondant à 9 auteurs uniques et à 10 auteurs multiples.

Au terme des calculs, il apparaît qu’au minimum 30 auteurs ont œuvré au texte coranique tel qu’il se présente aujourd’hui, mais mathématiquement moins de 100, le chiffre le plus probable selon une courbe de Gauss étant celui de 50. Et, bien sûr, ces auteurs s’étalent sur de nombreuses années. Ces résultats n’ont pas vraiment surpris le chercheur chiite qui participait au jury.

Il va falloir du temps à l’ensemble des chercheurs pour assimiler cette approche qui renouvelle complètement l’exégèse coranique. Une petite synthèse communiquée en 2012 permettait d’esquisser un tableau – par nature incomplet – de versets coraniques suspectés de comporter ou de constituer une manipulation ; leur nombre s’élevait alors à 46 et il s’agissait presque toujours d’interpolations. Rien ne permettait d’affirmer que chaque altération apportée correspondait à un auteur différent : seule une différence évidente d’époque l’assurerait. L’analyse des données textuelles élargit cette question : l’histoire du texte coranique est certainement plus complexe que celle de simples interpolations successives (et de quelques soustractions). On est amené par exemple à poser l’hypothèse de l’intervention, à un moment donné au moins, d’une commission de scribes produisant du texte coranique.

Prenons un exemple simple de ce qu’apporte l’analyse statistique textuelle. Selon la légende islamique, Mahomet aurait « émis » ses sourates dans le contexte paisible de La Mecque, puis d’autres beaucoup plus guerrières à Médine. On aurait donc deux gros ensembles de sourates, supposées présenter des différences identifiables. Or, quels que soient les outils de comparaisons utilisés (ou composantes stylistiques assurées), aucune différence stylistique n’apparaît globalement (p.218). Déjà, à une lecture attentive et libre des interprétations islamiques, cette répartition apparaissait clairement arbitraire. C’est démontré aujourd’hui mathématiquement : la répartition du Coran en sourates mecquoises et médinoises est sans valeur. Elle a été inventée en vue d’accommoder la « lecture » du Coran au récit légendaire sur Mahomet.

L’un des intérêts de l’outil mathématique appliqué aux données textuelles, c’est qu’on peut le faire tourner avec de nouvelles requêtes, en vue d’affiner et de préciser sans cesse les résultats. Par exemple, on peut refaire les calculs en enlevant du texte coranique tel(s) groupe(s) de petites interpolations identifiées grâce à l’analyse historico-critique, et voir si le nombre global de signatures stylistiques différentes en serait affecté. Etc.

L’islamologie a pris un tournant décisif.

Urvoy_mesentente • Marie-Thérèse et Dominique Urvoy, La mésentente : dictionnaire des difficultés doctrinales du dialogue islamo-chrétien, Cerf, Paris, avril 2014, 352 p.
Il s’agit d’un outil, toujours solidement étayé quand les auteurs en sont les époux Urvoy. Ce dictionnaire à 50 entrées, d’Abraham à Volonté de Dieu en passant par Laïcité, Sciences humaines ou même Jésus, répond au besoin d’une synthèse des problèmes posés par ce qu’on appelle le « dialogue avec l’Islam » ou « islamo-chrétien ». Le titre originel était ce qui est maintenant le sous-titre : « dictionnaire des difficultés » etc. ; c’est l’éditeur qui a imposé le titre de « La mésentente », sans rapport évident avec le but poursuivi par les auteurs : poser les conditions nécessaires à un dialogue en vérité.
Parmi d’autres tout aussi passionnants, l’article « Massignon » (p.153-165) complète les approches critiques qui se trouvent désormais sur le web après avoir été introuvables durant des années, les « nombreux ouvrages, articles et notices » étant « le plus souvent de ton hagiographique », comme l’indiquent les auteurs, et cela valait aussi pour le web (francophone, pas anglophone). On y trouve un long texte de Louis Massignon, reproduit avec sa bizarre typographie d’origine (p.159-160), avec ce commentaire :

“L’idéologie qui sous-tend un tel texte permet de comprendre la désinvolture avec laquelle nombre d’artisans (occidentaux) actuels du dialogue accueillent les informations sur la situation de plus en plus difficile faite aux chrétiens d’Orient, considérant qu’ils remplissent ainsi un rôle providentiel”.

Hélas, cette triste attitude se voit aujourd’hui encore. « L’idéologie » dont il est question est celle de la Badaliya ou réversibilité des mérites, qui imagine que l’offrande de chrétiens pourrait valoir à des non chrétiens le salut malgré eux. L’article ne développe pas cet aspect ésotérique de la Badalyia qui court depuis Claude de Saint-Martin jusqu’à Massignon, par une chaîne d’intermédiaires qui ont parfois trempé dans des compromissions satanistes (Boullan et Huysmans). Mais un autre article, « Prier ensemble », aborde une de ses conséquences les plus dangereuses en matière de confusions : comment croire que le Dieu de l’Islam est contradictoire avec celui des chrétiens si l’on voit des ecclésiatiques « prier » avec des imams ? Lex orandi lex credendi. Or, très judicieusement, les auteurs distinguent cette prétention du fait de prier côte à côte, dans le silence (comme l’ont fait Jean-Paul II et ses successeurs en présence de représentants « d’autres religions » et même d’athées). Ce qui est très différent.

Pour finir, mentionnons l’article « Amour du prochain ». En 2008 à Rome, cette « notion » fut l’enjeu de discussions islamo-chrétiennes qui ont glissé sur la pente d’une “désacralisation du commandement d’amour du prochain. Que peut-on alors répondre à ceux qui, soutenant que les religions sont sources de conflit, restent sceptiques devant les nombreuses manifestations du genre « les religions pour la paix », n’y voyant qu’hypocrisies ?” (p. 71). Effectivement.

Un livre à garder sous la main en ce temps de confusions et de désinformations.

  • zamizZanaz Hamid, L´islamisme raconté à ma fille – et aux Occidentaux qui n´ont rien compris à l´Islam, Tatamis, 2014, 15 €.

Quels sont ceux, en effet, qui multiplient les demandes de dérogations en tout genre ? Des intégristes ou des musulmans ordinaires ou bien les deux en même temps ? En revanche, quand les Français, dans leur majorité, rejettent l’islam, sont-ils racistes ou clairvoyants ? L’auteur ose poser la question. Comme contributeur permanent à la revue de la ligue des rationalistes arabes, Al Awan, et auteur de nombreux essais en arabe ou en français, il se sera pas traîné devant les tribunaux en France.

Ce qu’il dénonce l’avait été déjà par Malika Sorel en 2005 (Le Puzzle de l’intégration ; les pièces qui vous manquent – voir ici son interview de 2010).

  • Q en franceSamuel Laurent, Al-Qaïda en France, Paris, Seuil, 2014.

Déjà auteur de Sahelistan (Seuil, 2013), Samuel Laurent s’est lancé dans une aventure à très haut risque. Sa première étape le conduit à rencontrer des jeunes Français partis combattre en Syrie aux côtés des organisations islamistes. Les renseignements qu’il recueille vont alors le mener en Libye, en Turquie, au Liban, en Grande-Bretagne. De véritables « labyrinthes de la terreur » sont dissimulés aussi en France et leurs membres, parfaitement entraînés, savent rester anonymes et insoupçonnables. Un témoignage donné dans le livre, les propos de Abou Hassan, émir salafiste auto-proclamé,quelque part dans une cité française :
« Si la France entre en guerre contre l’islam, elle en paiera le prix. Nous la frapperons au cœur. Dans ses bus, dans ses trains, dans ses gares, dans ses avions, dans ses centres commerciaux… Vous marcherez dans les tripes et dans le sang ! Et vos dirigeants n’échapperont pas non plus au carnage« , déclare l’émir français Abou Hassan, qui indique encore : il y aurait 200 salafistes rien que dans son quartier, et ils ont récolté 50 000 € de sympathisants désireux de soutenir l’État islamique. Ces dons circulent par des réseaux de transfert d’argent informel, connus sous le nom d’Hawala exclusivement basés sur la confiance entre musulmans et impossibles à pister.
À multiplier par le nombre de « quartiers ».

  • Antakli_guerre_sans_nom Geneviève et Jean-Claude Antakli, Syrie, une guerre sans nom, cris et châtiments, Paris, F-X de Guibert, 2014.

Présentation par les auteurs : “Près d’Alep, une petite fille de six ans joue à cache-cache avec son frère, au milieu des ruines. Un snipper sur un toit tire et tue l’enfant. Au cimetière, devant la tombe, la petite fille crie en larmes : « Sors de ta cachette, je ne veux plus jouer ! ». Ce jeu mortel n’a pas fait cent cinquante mille morts, mais cent cinquante mille fois, une mort ! Après la guerre au Liban, la mise à genoux de l’Irak, la destruction de la Libye, une partie machiavélique et truquée s’engage pour démembrer la Syrie, faire main basse sur ses richesses et instaurer la prééminence du Qatar et de l’Arabie Saoudite pour mieux étouffer l’Iran. Le peuple syrien, en choisissant sa souveraineté et non les milliards des monarchies du Golfe, a tenu tête aux gouvernements états-uniens et aux médias mainstream qui manipulent l’opinion publique dans ce conflit où, jour après jour, les balles deviennent moins redoutables que la gangrène de l’absurde. Aux dirigeants européens devenus, selon le général de corps d’armée Jean Salvan, « des idiots utiles pour laisser croire qu’en Syrie, on se battait pour la démocratie et non pour le gaz !», le peuple des « Sans voix », humilié, massacré, à qui nous donnons la parole, crie pour la première fois sa détresse et sa révolte”.

Ecouter Jean-Claude Antakli sur Radio Notre-Dame (émission présentée par Louis Daufresne), ou lire une interview de lui sur son livre.

  • 3_visages_du_CoranLeila Qadr et Arrun Amine Saad Edine, Les 3 Visages du Coran, juillet 2014, 14,87 €. Recension à venir.
  • Enfin paraissent les actes du colloque d’Otzenhauzen 2012, sous la direction de Markus Groß et de Karl-Heinz Ohlig (Hg.)  :

    Die Entstehung einer Weltreligion III, Schriften zur frühen Islamgeschichte und zum Koran, Band 7: Die heilige Stadt Mekka – eine literarische Fiktion – Inârah 7 (langue : allemand, anglais, français)
    1. Auflage (2014), 931 pages, 68.00 € – à commander auprès de Verlag Hans Schiler.

  • Michel Benoît, Naissance du Coran : aux origines de la violence, Paris, L’Harmattan, 2014, 162 p., 17 €.

Michel_Benoit           Michel Benoît est connu surtout par son ouvrage Le secret du treizième apôtre, qui est une relecture non croyante de la vie de Jésus. Ici, le registre est tout différent : l’auteur s’est passionné pour l’approche historico-critique des origines de l’Islam et du Coran. Et il veut faire connaître dans un petit ouvrage de vulgarisation ses découvertes « s’appuyant sur les travaux récents de chercheurs indépendants ».

Ce qui l’a marqué le plus est la persistance d’une « idéologie messianiste » par delà toutes ses formes (islam ou « totalitarismes du siècle dernier, communisme et nazisme ») qui remonte, pense-t-il, « au Vème siècle avant J.C. ». Au terme de la conclusion, il peut écrire aunsi :

“Que serait devenue notre planète si le prophète Jésus [NDLR : gnostique] n’avait pas été transformé, bien malgré lui, en Messie-Christ ? Depuis lors, deux communautés, deux puissances messianiques se trouvent dans un face-à-face mortel […]. Entre l’Islam et l’Occident, ce n’est pas seulement un choc des civilisations […], c’est un choc des messianismes” (p.130).

À condition d’identifier Occident et christianisme. En fait, ce livre illustre la difficulté de percevoir notionnellement l’apport chrétien au monde, sans le confondre avec telle forme historique ou, pire, avec des formes d’anti-christianisme. La confusion commence avec le regard qui est porté sur la religion hébraïque avant notre ère : même si des déviations y apparaissent, on ne peut pas parler encore de « messianisme »: même les dérives les plus politico-religieuses de ce monde pré-chrétien resteront toujours très nationalistes – il ne sera jamais question de sauver le monde et d’y instaurer le Royaume de Dieu. C’est seulement après l’enseignement des Apôtres et en opposition avec lui que ce type de dérive a pu apparaître.

Nous noterons encore (p.135) son appréciation des « deux tomes publiés par E.-M. Gallez », qui « représentent l’état actuel de la recherche ». Il est vrai que cette synthèse est vaste et ouverte de sorte que les recherches postérieures à 2005 s’y branchent sans difficulté.

•• DEUX THRILLERS ! ••

L’occultation des recherches sur les origines de l’Islam est telle dans la culture dominante, qu’elle a inspiré un thriller, et nourri la méditation du héros d’un second qui est plutôt un roman policier.

  • Le premier : Philip Le Roy, La porte du messie : aux origines du Coran, Paris, Cherche-midi, 2014, préface de Guillaume Hervieux, 384 p.

porte_du_messie-Leroy De la présentation : “Aux funérailles de ses parents, morts accidentellement à Beyrouth, Simon Lange, étudiant en théologie, est informé que son père lui a laissé de mystérieux documents dans le coffre d’un hôtel de Jérusalem. Il s’y rend en compagnie de Markus, un ami de la famille. À leur arrivée, surprise : le coffre est vide. Et le soir même, après d’étranges événements devant la Porte du Messie – celle par laquelle, selon la tradition juive, le Messie entrera à Jérusalem –, Markus disparaît. Simon apprend alors que celui-ci et son père s’étaient lancés dans une quête sur les origines du Coran.”

Sur les murs du métro parisien, on a vu de la publicité pour ce roman-quête qui fait penser à un Dan Brown avec un zeste de Indiana Jones. On pardonnera volontiers à l’auteur quelques invraisemblances – une lézarde des remparts de Jérusalem, provoquée par un tremblement de terre, qui permet à Simon de passer à travers les murs, ou bien ce héros recevant une balle qui traverse son crâne sans lui faire perdre ni sa conscience, ni son sourire. C’est qu’une bande internationale de méchants, des Frères musulmans liés aux Nazis, veut l’empêcher de continuer la recherche entreprise par son père sur les vieux manuscrits, car celle-ci risque de faire écrouler l’édifice sur lequel s’est bâtie la religion islamique : le Coran incréé dicté par Dieu !

L’auteur s’est remarquablement documenté, notamment à propos de sources syriaques du texte coranique. Evidemment, il n’y a pas lieu de penser qu’on pourrait retraduire tout le Coran en syro-araméen : ceci ne fonctionne que pour certains passages. Cependant, l’influence du contexte syriaque (chrétien) est très forte et se manifeste sous beaucoup d’aspects autres que celui de la littéralité du texte. L’auteur a simplifié le problème, roman oblige ; il y consacre néanmoins plusieurs pages, et cela ne nuit pas au thriller. De même, il replace judicieusement en Syrie les véritables lieux où est né l’Islam (qu’il faut plutôt appeler alors le « proto-islam »), sauf que, historiquement, ces lieux ne s’appelaient pas Makkah-La Mecque (ce nom se rencontre effectivement en Syrie, mais ailleurs). L’important, c’était de dire que les Califes ont fabriqué la fiction mecquoise (au sud de Médine, alors que les véritables origines se situent de l’autre côté, bien au nord), et que le livre saint des Musulmans a été lui aussi l’objet d’une fabrication.

Porte doree-2 La « porte du messie » se réfère à la fameuse double porte qui permettait d’accéder directement à l’esplanade du Temple en venant du Mont des Oliviers ; c’est par là que, selon la tradition nazaréenne et protomusulmane, le Messie-Jésus redescendu sur le Mont devrait monter à l’esplanade. Cette tradition a été reprise par le judaïsme à propos du messie juif à venir, mais justement, il ne peut plus passer par là : Soliman le Magnifique a fait murer cette « porte dorée » en 1541.

M_comme• le second : Marion Duvauchel, M comme…, Société des écrivains, 2014, 25 € ou 12,99 € (format e-book), 535 p.

Que peut cacher le meurtre d’une proviseure ? Flanqué de ses deux inspecteurs atypiques, – un prof d’histoire spécialiste de l’histoire des polices d’Europe et un fils de militaire au parcours chaotique – le commissaire Sandoszki va devoir comprendre qu’il ne s’agit pas que d’une enquête criminelle banale et entrer dans la mémoire de trois générations.

L’auteur fait plonger le lecteur dans les coulisses de l’Education nationale, explore des univers aussi disparates que la mythologie grecque, l’épistémologie des mathématiques et la genèse de l’islam et du Coran – nos amis musulmans seront sûrement très tristes de découvrir l’histoire de l’islam tel que Kader Chukri la raconte. Enfin, pour résoudre cette enquête épineuse et passionnante, il faudra à ce commissaire hors norme toute l’aide et la sagacité du père Lucas, redouté dans tout le diocèse…

Lecture du livre à l’écran : http://www.youscribe.com/catalogue/livres/litterature/romans-policiers-et-polars/m-comme-2448739

••• Sur le web •••

• Un coup de cœur parmi les vidéos de YOUTUBE :
celles que poste un musulman algérien sous le pseudo de « Aldo Sterone ». Il vit en Angleterre et dénonce la désintégration des sociétés civiles, où l’islamisme joue un rôle. Selon lui, une des motivations du soutien des gouvernements occidentaux au terrorisme islamiste a été et reste l’antichristianisme. Ailleurs, il évoque l’utilisation cynique du terrorisme et suggère que « les islamophobes ont raison » : jeune, lui-même a connu jeune la terrible guerre islamique d’Algérie des années 90 (120 000 morts et des atrocités sans nom).

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3 thoughts on “Appliquer les mathématiques au texte coranique

  • 23 avril 2019 at 1 h 40 min
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    « C’est démontré aujourd’hui mathématiquement : la répartition du Coran en sourates mecquoises et médinoises est sans valeur. Elle a été inventée en vue d’accommoder la « lecture » du Coran au récit légendaire sur Mahomet. »

    Vous venez de ruiner votre pseudo-étude en une phrase. N’importe quelle personne ayant lu le Coran peut voir la différence stylistique entre les deux groupes de sourates. Ridicule.

    Reply
    • 26 avril 2019 at 3 h 49 min
      Permalink

      Cher Jean Bodin ou autre nom probable,
      le style bien musulman de vos affirmations ne trompe personne : vous savez très bien que la pseudo-distinction entre sourates « mecquoises » et sourates « médinoises » ne repose que sur la légende de Mahomet fabriquée par les califes, et certainement pas sur le texte du Coran, que ce soit sur le style ou autre chose. Tous les islamologues le savent, et, en français, des islamologues tels que Samir Khalil Samir, M.-Th. Urvoy l’ont démontré et bien d’autres.
      Sur le web vous pouvez lire http://www.lemessieetsonprophete.com/annexes/Sourates-mecquoises-ou-medinoises.htm.

      Reply
  • 29 mai 2020 at 19 h 47 min
    Permalink

    Il faudrait appliquer la théorie des codes aux Évangiles, je suis sûr que cela démontrerait qu’ils n’ont pas plusieurs auteurs et ce serait très utile pour contrer ceux qui disent qu’ils ont été composés en plusieurs décennies par des communautés et donc un grand nombre d’auteurs.

    De même appliquer la théorie des codes au Penthateuque ou à Isaïe ou à Daniel pourrait bien aider à casser des discours convenus d’exégètes antibibliques.

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