Egypte 2/2 : la femme égyptienne et la révolution

« La femme égyptienne et la révolution »

Introduction

Cette analyse a été donnée par Mme Sawsan Noweir, lors de la soirée du 14 décembre 2014

La participation de la femme égyptienne dans les processus révolutionnaires ne date pas d’aujourd’hui. Déjà en 1919 lors de la révolte égyptienne contre l’occupation anglaise, les femmes ont conduit une des plus grandes manifestations, manifestation lors de la quelle, les femmes ont enlevé leurs voiles et ont manifestées pour la première fois à visage découvertes. Tout au long du 20ème siècle, la femme égyptienne à lutter pour obtenir ses droits, mais aujourd’hui, presque un siècle plus tard, la situation de la femme en Égypte c’est considérablement dégradée. Je ne tarderai pas sur les causes et les conséquences de cette dégradation, je parlerai essentiellement de la question de la femme égyptienne, de son statut et de son rôle dans la révolution depuis 2011 jusqu’à aujourd’hui.

En 2011, une étude de Forme Economique Mondial de Davos a placé l’Egypte, concernant le statut de la femme, à la 125ème place sur une liste de 134 pays. Tout récemment, en novembre 2013, une autre étude relatif à la violence aux femmes, faite par la Thomson Reuters Fondation, place l’Egypte en queue de peloton juste après l’Arabie Saoudite sur 22 pays de la ligue Arabe. Cette étude révèle que presque 90% des égyptienne ont été victimes d’un harcèlement sexuel au moins une fois dans leurs vie, et 99% des femmes sont victimes de violence conjugale. 40% des égyptiennes sont illettrées, 80 % des femmes ont subis des mutilations génitales.

La constitution des islamistes de 2012 admettait explicitement la discrimination à l’égard des femmes en se référant précisément à leur devoir de mère au foyer. Marginalisée sans cesse, la représentation de la femme dans les postes décisionnels est quasiment nul, les femmes n’occupaient que 12 sièges des 508 sièges de l’Assemblée populaire de 2012. Harcèlement, intimidation et toutes sortes de violence, particulièrement la violence conjugale, s’institutionnalisent en 2012.

Pourtant, les femmes étaient parmi les premiers à se mobiliser et à manifester pour la fin des dictateurs, elles manifestaient pour plus de liberté, plus de droits. Pour elles, la démocratie ne pouvait naître que par l’égalité entre les sexes. Dans la révolution de 25 janvier qui a mené à la chute de Moubarak, un quart de participant était des femmes, et ce pourcentage n’a cessé d’augmenté enter 2011 et 2013. Ces femmes demandaient avec les manifestants, pain, liberté, justice sociale, mais aussi l’égalité. La liberté et l’égalité étaient pour les femmes le leitmotiv pour un véritable changement.

La présence massive de la femme égyptienne dans les manifestations durant la vingtaine de jours qui ont précédé la chute de Mubarak, a eu plusieurs conséquences positives. Pour la 1ère fois, la femme égyptienne était considérée comme un partenaire égale dans le processus révolutionnaire. En occupant pleinement cette place, elle imposait et exigeait ses droits. Elle manifestait et participait à tous les sit-in qui ont duraient 15 jours sur la Place Tahrir, en discutant et en revendiquant ses droits, en combattant les et en soignant les blessés. Durant ces 15 jours, aucun harcèlement, aucun acte de violence n’a été relevé, pourtant femmes de tout âge et enfants passaient leurs nuits sur la place Tahrir dans une atmosphère de fraternité et d’espoir.

2ème aspect :  durant cette révolution, la participations des femmes de toutes origines et couches sociales à permis de démocratiser la question de droit des femmes qui était jusqu’alors réservé à une élite. Les droits des femmes n’étaient, avant, débattus que par des femmes de la haute société égyptienne. Mais avec la révolution, ces questions sont descendus dans la rue et ont étaient discutés par des femmes ordinaires et des femmes illettrées.

Malheureusement, la société paternaliste égyptienne sous l’influence des islamistes et salafistes ne pouvait tolérer cette « avancée » longtemps, et la femme a payé lourdement son militantisme. Durant les trois ans qui ont suivis le 25 janviers, la situation de la femme s’est bien dégradée et devenue particulièrement critique durant le pouvoir des islamistes. Si les femmes ont activement participé aux manifestations qui ont détrôné Moubarak, leur place au sein de l’espace public a été fortement menacée dans les mois qui ont suivis. Sous le pouvoir de SCAF (Conseil Supérieur des Forces Armée), les femmes ont subis des violences inouïes. Cela a commencé par l’application de tests de virginité conduit par l’armée sur les manifestantes, en mars 2011, seulement un mois après la chute de l’ancien régime. Ensuite, en novembre 2011, il y eit des actes de brutalité sans précédents où des femmes de toutes âges ont étaient battues, violentées et dénudées sur la place publique. Mais ces agissements n’ont fait que intensifier la mobilisation des femmes et leur détermination à occuper l’espace public, et, en décembre 2011, le Caire a connu la plus grande manifestation des femmes depuis 1919.

L’arrivée au pouvoir des FM et « l’élection » de l’islamiste M. Morsi, en juin 2012, enterre le rêve du printemps égyptien et l’espoir né le 25 janvier 2011 de retrouver liberté. Le pouvoir des islamistes marquait un terrible tournant et une nette aggravation de la condition de femmes en Egypte. Il s’agissait tout simplement d’interdire définitivement l’espace public aux femmes, de supprimer leur présence et de les exclure de toutes les manifestations et de la vie publique. Il fallait surtout les punir de leur participation au militantisme et des manifestations en général.

Le moyen utilisé fut le harcèlement sexuel et les viols.

Lors du 2ème anniversaire du 25 janvier, 19 femmes ont été victimes de viols collectives à la place Tahrir. Ces actes sont répétés à une échelle plus grande en juin 2013, quand 91 femmes de tout âge sont abusées en public sur cette même place par des attouchements et des viols collectifs.
Face à cette barbarie, le Sénat égyptien, entièrement composé des FM et des salafistes, a réagi en
déclarant que « les égyptiennes sont à 100% responsables de ceux qui leur arrivent ». Pour eux, la femme est un objet de tentation qu’on doit voiler et l’exclure de l’espace public réservé aux hommes.
En réponse à un appel des Nations Unies à mettre un terme à la violence contre les femmes, le pouvoir en place a qualifié cet appel de « destructeur de la vie familiale et de la société toute entière ».

La violence contre la femme est de plus en plus systématisée, elle devient un « droit acquis » pour les FM et les salafistes, « battre les filles et les femmes est une base d’éducation pour le bien être de la société ». Un des leurs adages est « il faut battre ta femme chaque jour, si toi tu ne sais pas pourquoi, elle le sait ».

Depuis le 25 janvier, la présence massive des femmes sur l’espace public et leurs revendications de liberté et d’égalité gênent de plus en plus les pouvoirs successifs qui n’ont de cesse que de supprimer ce droit. L’espace public est aux hommes et il doit y rester !! Mais les femmes égyptiennes n’ont plus peur, conscientes de leurs rôles dans les changements et dans les processus de reconstructions, elles tiennent à continuer leurs luttes. Elles ne comptent ni abandonner leurs droits ni quitter l’espace public. Deux signes reflètent cette détermination, le premier concerne la participation de plus en plus importante des femmes dans les dernières manifestations de 30 juin et de 4 juillet où elles présentaient presque 40% des 30 millions de manifestants, non seulement dans les villes, mais aussi dans les bourgs et les petits villages. Deuxièmement, elles occupent l’espace public, non seulement physiquement, mais aussi par l’expression de l’art de graffiti qui était exclusivement réservé aux hommes. (Le graffiti est devenu depuis le 25 janvier le symbole de militantisme). Récemment un groupe des femmes exprime leurs revendications par les graffitis continuant ainsi les débats publics. Troisièmement, il y a de plus en plus des associations, des ONG des femmes mais aussi des hommes qui luttent ensembles pour l’égalité de droits, pour défendre et aider les femmes victimes de harcèlement sexuel et de violence conjugale et enfin afin de rompre la « loi de silence » et la « loi de déshonneur ».

Quel est l’avenir de la femme en Egypte aujourd’hui?

Une nette amélioration, concernant la situation de la femme, commence à apparaître dans la nouvelle constitution qui vient d’être élaborée. Malgré que cette constitution reste encore assez timide concernant la laïcité et le droit de culte, on note néanmoins une certaine progrès pour les droits de la femme. 3 articles positifs sont à noter :

  • – Le droit de femmes à transmettre la nationalité à leurs enfants (jusqu’à 2010 ce droit était réservé aux hommes, les enfants des femmes mariées à des étrangers n’avaient pas le droit à la nationalité, une loi est promulgué en 2010 permettant la transmettions de la nationalité sous certaines conditions, désormais, la transmission de la nationalité par la mère est inscrite dans la constitution), (Article 6).
  • – L’égalité femme/homme dans tous leurs droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels. Le droit de femmes à accéder a toutes les fonctions publiques y compris la magistrature. L’état doit notamment protéger l’enfance et la maternité, ainsi que les femmes en difficulté, (Article 11).
  • – Le droit de filles, tous comme les garçons, à l’éducation obligatoire jusqu’à l’étude secondaire ou son équivalant, (Article 19).

Malheureusement, la Constituante n’a pas pu exiger la règle de la « discrimination positive » en imposant un pourcentage de femmes au Parlement. Cependant, l’Article 180 de la nouvelle Constitution impose la participation obligatoire de la femme dans les Collectivités et Conseils locaux à hauteur de 25%. C’est une étape importante, mais je suis sure que la femme égyptienne restera vigilante et continuera la lutte pour ses droits.

Enfin, aussi bien en Egypte qu’ailleurs dans le monde, une Société sans égalité de droits, de religions et de sexes est une société malade et handicapée, elle ne pourra pas avance, elle s’effondre.

Sawsan Noweir
14/12/2013

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