Un Soudanais, de l’islamisme à l’épiscopat anglican
Cet article de notre ami Maurice Saliba évoque le parcours hors du commun de Yassir Eric :
un islamiste soudanais devient évêque anglican
– nous en reprenons ses parties essentielles (article paru dans La Nef).
La foi se nourrit de la Parole de Dieu … et donc de la parole de chrétiens. Il est bon de s’en souvenir quand un certain discours dominant prétend que le témoignage autre que silencieux serait impossible ou présente le fait de faire connaître la Parole de Dieu comme du « prosélytisme » qui irait contre la « liberté religieuse » (comme s’il existait une primauté de la conscience subjective, une sorte de droit à rester dans sa prison mentale, un « droit à l’erreur » ou à n’être pas évangélisé). Saint Paul, lui, évoquait justement un droit à être évangélisé :
« Comment invoqueront-ils celui en qui ils n’ont pas cru ? Et comment croiront-ils en celui dont ils n’ont pas entendu parler ? Et comment en entendront-ils parler, s’il n’y a personne qui prêche ? Ainsi la foi vient de ce qu’on entend, et ce qu’on entend vient de la parole du Christ » (Rm 10,14.17)
et : « Malheur à moi si je n’annonce pas l’Évangile ! » (1Co 9,16).
L’histoire extraordinaire de Eric Yassir commence à l’âge de huit ans, en 1980, quand il est envoyé dans une école coranique située à 1000 km au nord de Khartoum, où il apprend à haïr les juifs et les chrétiens.
Ensuite, durant sa scolarité, il est témoin de certains faits marquants, notamment de l’exécution de Mahmoud Mohamad Taha (1909-1985). Ce musulman libéral qui réclamait une nouvelle interprétation du Coran et rejetait la violence, l’intolérance et l’oppression au nom de l’islam, fut jugé et condamné à mort pour apostasie. Le grand-père et le père de Yassir célèbrent avec enthousiasme sa condamnation comme une victoire de l’islam sur un hérétique.
La situation change du fait de la conversion de l’un de ses oncles, Khaled, qui était un officier supérieur des renseignements et fanatique musulman. Mais une discussion avec un pasteur commence lui ouvrit les yeux. La suite est que la famille le condamna et que les autorités politiques l’incarcèrent. Pour Yassir qui était alors étudiant à l’Université, le monde s’effondre.
Le tournant décisif dans sa vie arrive deux ans plus tard. Les enfants de Khaled vivaient depuis la conversion de leur père dans la famille de Yassir. Un jour, Fouad, le fils aîné de Khaled, tombe gravement malade et plonge dans un coma profond. Restant au chevet de son cousin à l’hôpital, Yassir voit un jour deux chrétiens qui connaissaient son oncle Khaled entrer dans la chambre. Ils lui disent qu’ils sont venus prier pour son cousin Fouad. Par politesse, Yassir leur permet de le faire. Les deux se tiennent à côté du lit du malade et commencent à prier aussi intimement comme s’ils parlaient à un ami. « De grâce Seigneur ! Guéris-le ! Seigneur Jésus ! Aïe pitié de lui ! » répètent-ils plusieurs fois.
« Ibrahim, l’un des deux, écrit Yassir, a posé sa main sur la tête de Fouad en signe de bénédiction, l’autre lui a tenu la main. J’ai été impressionné par l’amour et la détermination avec lesquels ils ont prié pour lui. D’un autre côté, j’ai trouvé présomptueuse la façon dont ils traitaient Dieu. Quand je demandais moi-même quelque chose à Allah, je récitais toujours un verset coranique mémorisé et je n’osais pas dicter les actions du Tout-Puissant. Le fait que ces chrétiens prient au nom de Jésus m’a aussi dérangé. J’ai également été étonné qu’ils prient pour la guérison d’un garçon musulman. Quand je priais moi-même pour les chrétiens, c’était pour leur destruction. »
Un miracle se produit et le garçon en phase terminale revient à la vie après la prière. Fouad se réveille et Yassir est choqué. Comment une telle chose peut-elle se produire après la prière de ces deux chrétiens, alors que ses prières à lui restaient toujours sans effet ? Il parle à l’un des deux visiteurs de leur foi. Ce dernier lui explique que les gens sont pécheurs et donc séparés de Dieu. Le « péché » signifie se rebeller contre Dieu, se méfier de Lui et faire des choses qui sont contraires à Sa volonté. Afin que les gens n’aient pas à mourir en punition de leurs péchés, Dieu lui-même est venu dans le monde en Jésus qui a pris les péchés de tous lorsqu’il est mort sur la croix. Par conséquent, quiconque croit en Jésus-Christ peut être avec Dieu après sa mort.
Très vite, la famille de Yassir apprend qu’il est chrétien lui aussi. Son père le bannit officiellement en 1991 et lui organise un enterrement symbolique. Un cercueil vide portant son nom est transporté dans les rues. Il voit même sa nécrologie dans la presse. Par la suite, il se réfugie chez divers amis. Il ne pouvait pas y rester longtemps, car les services de renseignement le poursuivaient en permanence et le harcelaient. La seule issue qui lui restait c’était de fuir le Soudan.
En résumé, il se réfugia en Allemagne avec une Allemande rencontrée au Soudan et l’épouse. A l’Université protestante de Wuppertal, il obtient une Maîtrise en missiologie et un doctorat en théologie. Puis il est ordonné pasteur dans l’Église évangélique pour les migrants (cela existe !). Il fut bientôt élu président de Communio Messianica (CM) de 2016 à 2024 : cette structure autonome regroupe des millions de convertis de l’islam au christianisme dans environ 80 pays. Elle est reconnue par d’autres grandes Églises, notamment par l’Église anglicane, et peut dorénavant travailler sous son toit mais toujours de manière indépendante. C’est ainsi que Yassir est également ordonné prêtre anglican. Le 10 mars 2024, il est promu évêque anglican de Kigali au Rwanda. Depuis lors, il se consacre pleinement à sa nouvelle charge.
En 2023, il publie Hass gelernt, Liebe erfahren – aktualisierte NeuauflageVom Islamisten zum Brückenbauer (J’ai appris la haine, j’ai découvert l’amour. De l’islamiste au bâtisseur de ponts).