Les 1ers siècles de l’Eglise : autour du colloque de 2021
EEChO-Zoom du 11 mai avec Maxime Yevadian et Bruno Bioul
Quelques points remarquables
(la vidéo-conférence n’a pas pu être enregistrée)
__ Maxime Yevadian souligna deux points importants qui sont abordés dans les Actes du colloque qui se tint au Vatican en octobre 2021, publiés sous le titre Inchiesta sulla storia dei primi secoli della Chiesa.
__ Des documents tels que le Satyricon ou le manuscrit Chariton, des œuvres au plus tard de la moitié du 2e siècle, où le christianisme est parodié, attestent du fait que le christianisme était largement connu, donc bien organisé et implanté dès avant cette époque : on ne parodie que ce que le public (païen) connaît déjà bien.
__ Par ailleurs, il nous a indiqué un outil de calcul des temps et évaluation des fréquences de trajets entre villes de l’Empire romain (hélas, ne s’étend donc pas à l’Orient) : https://orbis.stanford.edu/. Par exemple, il fallait 14 jours de navigation entre Alexandrie et Rome, et le nombre annuel de bateaux se situait entre 800 et 1000. Concernant la fréquence des bateaux entre l’Égypte et l’Inde du sud (Muziris), d’autres moyens d’évaluation l’estiment à 120 par an.
__ On mesure peu aujourd’hui à quel point le monde antique était un monde ouvert, ce qui ne se présenta plus par la suite (notamment à cause de l’islam) avant le 19e siècle. Bruno Bioul souligna que ce monde de communication remonte sans doute à la fin de l’âge du Bronze, et la Palestine semble en être le centre partie prenante.
__ Dès le IIIe millénaire av. J.-C. (Bronze ancien), près de Haïfa ont été retrouvés des restes d’étain de cette époque, provenant d’Angleterre, mais aussi des restes de soja et de curcuma, qui ne peuvent provenir que d’Asie du sud. Le commerce du lapis-lazuli, de la calcédoine, de la turquoise, de l’or, du cuivre et de l’étain reliait la Nubie aux gisements de lapis-lazuli de l’Hindu Kush et du Pamir (Afghanistan actuel) en passant par le Levant, et la route maritime en provenance de la Péninsule de Kathiawar (= aussi Saurashtra, située en Inde occidentale, dans l’état du Gujarat) amenait l’or et la calcédoine indiens jusqu’en Mésopotamie, à travers les golfe persique et d’Oman. Au Bronze récent (1550-1200), les voies commerciales se multiplient et s’intensifient, non plus seulement avec l’Orient, mais également avec l’Occident (Crête et Grèce).
__ Cette idée d’un monde antique connecté a poussé le professeur Helle Vandkilde, du département d’archéologie de l’université d’Aarhus, au Danemark, à parler de “Bronzization” de l’économie en expliquant comment la quête des composants du bronze a créé un réseau de routes commerciales transcontinental. Ainsi, 27 lingots d’étain en provenance des Cornouailles ont été mis au jour à Kfar Samir, près de Haïfa, dans un village du Bronze ancien/âge du Fer I, recouvert par les eaux, à 5 m de profondeur et à 200 m de la côte. De même, une épave datée du XIIIe s. av. J.-C. retrouvée à Hishuley Carmel, au sud de Haïfa, et étudiée en 2012, transportait des lingots de même provenance. Et il en est de même pour d’autres objets en ambre, verre et cuivre.
__ L’archéologie moléculaire pratiquée par les généticiens archéologues vient d’apporter une contribution déterminante dans l’étude des relations commerciales entre le bassin oriental de la Méditerranée et l’Extrême-Orient. En décembre 2020, une étude a présenté des preuves convaincantes de l’existence de routes commerciales reliant l’Asie du Sud-Est à l’Égypte. Christina Warinner (université d’Harvard) et Philipp Stockhammer (université de Münich) ont examiné au microscope le tartre dentaire prélevé sur treize squelettes remontant à c. 1500 av. J.-C., découverts à Megiddo (cananéens), ainsi que trois échantillons provenant de squelettes prélevés dans un cimetière de l’âge du Fer à Tel Erani (près de Kyriat Gat), datés de c. 1000 (philistins). Ils ont découvert des restes d’aliments non indigènes, qui pourraient paraître aberrants dans ce contexte géographique et chronologique, tels que du soja, du curcuma et de la banane, aliments qui n’étaient pas “connus” à cette époque au Levant. Ces aliments ont pu faire l’objet d’un commerce par la route des épices (ou de la soie), mais seule l’archéologie moléculaire pouvait nous le révéler. Notre manière de voir le monde dit « pré- et protohistorique » devra ainsi être révisée.
__ Bruno Bioul fut le rédacteur en chef de l’excellente revue d’archéologie Archéothéma dont le n°19 de mars 2012 aborde ces questions sous le titre de « Rome et la Chine », en commande sur le site internet de la revue Archéothéma.