Les apôtres et la Parole – le 14 mai

_____En  France, on ignore ce que c’est que de vivre dans un pays de persécution pour la simple possession d’un évangile ou d’une croix. Ce fut le cas sous la fureur anti-chrétienne du communisme en URSS. Alors, certains Ukrainiens durent apprendre par cœur Bible et liturgie pour pouvoir continuer à l’enseigner secrètement. Aujourd’hui, dans des pays comme l’Arabie Saoudite, une situation similaire amène les chrétiens (3% de la population) à vivre leur foi clandestinement. Drame qu’il nous faut déplorer et signe des temps nous rappelant ce que nous avons tant de mal à croire : la Parole s’est faite chair, pour s’incarner et pour venir vivre en nous, c’est-à-dire pour être non pas imprimée sur du papier mais gravée dans les cœurs dociles à l’Esprit-Saint.

_____Ainsi, pendant l’après-midi de ce samedi 14 mai 2011 à St-Germain-des-Près, en plein Paris, le père Frédéric Guigain et Pierre Perrier nous ont  transportés au temps des Apôtres, dans leur quotidien. Le Père Guigain nous a démontré comment ceux-ci vivaient ce rapport avec la Parole : depuis la déportation en Babylone et la première destruction du Temple, le peuple hébreu, privé des structures cultuelles, dû s’approprier l’œuvre du salut par le don de la Loi qui lui fut fait par un effort constant personnel (de chaque individu, dans chaque foyer hébreu) d’assimilation et de mise en pratique de la Parole de Dieu, et ce en araméen, puisque le peuple avait, durant l’exil, perdu son idiome. Ainsi, la Gloire Divine ne reposait plus sur le sanctuaire, mais sur le peuple qui se l’appropriait « par cœur ». Au temps de Notre Seigneur, l’oralité était le mode de transmission de la Parole. Le texte chaldéen de la Peshitta, aisément accessible par le web, permet de découvrir les principes techniques d’un décompte systématique de la Parole de Dieu, en vue de la récitation orale et de la mémorisation.

_____Une centaine de personnes purent écouter leurs exposés qui furent donnés en alternance. Tout d’abord, le père Frédéric Guigain, présenta la méthode rabbinique d’enseignement employé par Jésus. Les maîtres d’Israël faisaient alors répéter leurs enseignements de nombreuses fois, jusqu’à ce que les disciples puissent le répéter mot à mot.

_____Cet enseignement oral est primordial, car il constitue l’essentiel de la Bonne Nouvelle. Il fait appel à des moyens mnémotechniques structurés : balancement du texte, rythme, résumés oraux. Ces structures se retrouvent dans le texte de nos « évangiles », qu’il devient possible d’analyser « oralement » (surtout quand on part des textes araméens plutôt que de traductions) C’est le travail que continue le père Frédéric Guigain dans son nouveau livre « Exégèse d’Oralité – tome 1.« 

_____Après un temps de questions autour de la différence de composition de chacun des Évangiles, la parole fut donnée à Pierre Perrier.

Pierre Perrier présente la frise de Kong Wang

_____Dans son premier exposé, il nous parla de l’histoire du Prince Ying, demi-frère de l’empereur chinois Mingdi, de la dynastie Han au premier siècle. Ce n’est pas au bouddhisme qu’il se convertit mais au christianisme. Les confusions de certaines traditions légèrement modifiées au cours des siècles s’éclairent au regard de la frise de Kong Wang Shan. Le personnage de lumière qui apparait à l’empereur Mingdi n’a rien d’un « bouddha », hormis l’auréole… qui est justement d’origine chrétienne ! Et ce sont de très nombreux éléments authentiquement judéo-chrétiens que présente la frise : Mère à l’enfant, qui vient d’accoucher, symbole de la naissance de l’Église en Chine ; récit des catéchèses données par l’apôtre Thomas au prince Ying et à sa cour ; récitations de la Passion du Christ (dessin d’un gisant) ; etc. L’accumulation de ces éléments qu’il est impossible d’expliquer autrement – ceux qui ont essayé y ont renoncé – laisse donc penser qu’effectivement, comme le disent des traditions chrétiennes mésopotamiennes et syro-indiennes, l’apôtre Thomas a passé plusieurs années en Chine (trois ans et demi, en fait).

Présentation de l'histoire du prince Ying.

_____Après une pause boissons, le père Guigain montra combien la pratique de l’oralité portait une théologie profonde de la Parole, suite à l’annonce du prophète Jérémie de la venue d’une nouvelle alliance non plus écrite sur des tables de pierre, mais bien dans le coeur même des croyants. Le contenu de cet exposé peut être retrouvé dans son nouvel ouvrage, et également sur le site de l’association EEChO. La vidéo intégrale de cet exposé est visible ici.

_____Pierre Perrier, lui, projeta des photographies originales de la frise de Kong Wang Shan, montrant la manière de fonder l’identification de certains personnages, et en même temps la cohérence étonnante des différentes sources (traditions liturgiques syriaques, Actes de Thomas, chroniques impériales chinoises).  Tel sera le contenu de son prochain livre, qui sera imprimé sous peu. On peut déjà le commander par souscription (exemplaire numéroté en français, anglais ou chinois, aux éd. du Jubilé), Le livre rassemblera l’ensemble des éléments factuels de cette enquête, permettant à chacun de juger sur pièces cette étonnante affaire qui nous donne à repenser la manière dont nous envisagions jusqu’à présent le monde des premiers chrétiens.

____Nous comprenons là que les premiers apôtres n’avaient pas besoin de livres, d’évangiles ou de bréviaires. Ils possédaient toute la culture hébraïque, toute la liturgie, tous les enseignements de Jésus le Messie, en eux, et pouvaient donc évangéliser en toutes circonstances sans avoir le souci d’une gestion logistique complexe pour acheminer des bibliothèques avec eux.

_____Il nous faudra encore du temps pour explorer minutieusement ces manières de pratiquer la foi chrétienne aux premiers temps du christianisme et pour en intégrer les fondements. Mais déjà, l’association EEChO vous propose une première expérience sur ce sujet, dès cet été pendant 5 jours de formation autour du thème « Mémoire et transmission« .

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