Œcuménisme d’entraide et christianisme des origines

 Pour un œcuménisme d’entraide
autour du christianisme des origines

Nos inquiétudes concernant la tenue du Concile pan-orthodoxe de Crète étaient fondées. Le report de cette rencontre du 16 juin au dimanche 19, Fête orthodoxe de la Pentecôte, s’accompagne en effet de la défection de quatre églises : le patriarcat d’Antioche d’abord, puis les Églises de Bulgarie et de Géorgie, et finalement le patriarcat de Moscou.

Le patriarche Bartholomée, entouré de neuf patriarches au lieu de treize

C’est donc une assemblée très amoindrie quant au nombre de chrétiens représentés qui va se réunir jusqu’au 26 juin à l’académie orthodoxe de Kolymbari. Elle n’implique à peu près plus que la moitié des Orthodoxes.
Cette situation constitue un signe négatif pour toutes les Eglises chrétiennes. Elle nous donne aussi à réfléchir sur le sens de l’unité des chrétiens. Quand des divergences éloignent des Communautés les unes des autres, suffit-il de se mettre autour d’une table pour  les résoudre ?
Il ne s’agit pas en l’espèce de simples problèmes concernant des questions matérielles. Les Eglises de Bulgarie et de Géorgie ont estimé que la préparation du Concile était insuffisante, et le Patriarcat d’Antioche se trouvait confronté à un problème de juridiction ; quant au Saint Synode russe, il a  longuement hésité. On ne sait pas si l’encerclement militaire de la Russie par les USA, les provocations continuelles de l’Otan ou la situation humaine effroyable du peuple ukrainien ont joué un rôle. En tout cas, les Russes avait proposé que se tienne dès le 10 juin un pré-concile destiné à aplanir les difficultés en vue de la rencontre générale (qui devait donc être postposée) de sorte que tous puissent y participer ; la proposition a été refusée par le Patriarche Bartholomée, primat de l’Église orthodoxe de Constantinople.
Ceci étant, même en des circonstances idéalement favorables, la question se pose : en l’état actuel, faut-il envisager de se réunir en grands ensembles ? Et plus encore entre Catholiques, Orthodoxes, Pré-chalcédoniens et même Protestants ?
Osons soulever cette question : puisque chaque Communauté est confrontée à des difficultés propres, une large réunion de responsables ne risque-t-elle pas d’avoir pour effet principal d’additionner ces difficultés plutôt que d’aider à les résoudre, derrière un paravent de bonnes intentions œcuméniques et humanitaires ?

Le 10 juin 2016, le pape François recevait au Vatican une délégation de la Communion mondiale des Église protestantes réformées. « Un pas supplémentaire sur le chemin qui caractérise le mouvement œcuménique » a-t-il dit en faisant allusion au souci commun affiché de justice. Cependant, on peut douter quand même de la réalité de cette avancée, au vu de l’ampleur des remises en question que traversent ces Eglises protestantes (réformées, presbytériennes, congrégationalistes unis, soit plus de 80 millions de chrétiens). Où en sont-elles au point de vue de la foi ? Quel soutien ont-elles apportés aux chrétiens persécutés au Proche-Orient, et notamment en luttant contre les causes de ces persécutions et massacres ?

Au fond, il faudrait peut-être regarder la perspective de l’unité des chrétiens non de manière institutionnelle mais au point de vue de l’entraide mutuelle. En effet, depuis le temps des apôtres, les différentes Eglises qu’ils ont fondées ont connu des développements et des histoires spécifiques, ainsi que des problèmes propres à chacune. Est-ce que celles qui n’ont pas subi tel problème ne pourraient-elles pas aider celles qui y sont confrontées – à condition de le faire dans un véritable esprit de service – et inversement ?

L’entraide demande beaucoup d’humilité : il s’agit de demander, de recevoir et de donner. Un exemple. Depuis le 19e siècle, l’Eglise occidentale s’est féminisée massivement, les hommes ont généralement déserté ; puis il y a eu le départ de nombreux prêtres et l’éloignement de la jeunesse (ce qui n’est certainement pas sans lien). Les chrétiens d’Orient pourraient-ils dire quelque chose à cette Eglise d’Occident, eux qui n’ont pas été confrontés à ces problèmes ?

On pourrait sans doute donner d’autres exemples, mais il apparaît assez vite que la possibilité de l’entraide repose sur une certaine vision commune ou, tout au moins, sur le souci commun de s’enraciner toujours dans le christianisme des origines. Revenir à la source commune, c’est la voie la plus simple pour s’entendre et coopérer, tout en trouvant le recul nécessaire au discernement de l’héritage de ces racines communes et de leurs expressions diverses dans les traditions de chacun (avec d’éventuels oublis ou pertes !). Un tel souci apparaît plus que sensé, quand on découvre à quel point ce que les apôtres ont dit et fait reste la norme qui marche universellement – même si chacun d’eux a été amené à « inculturer » quelque peu le donné qu’il a reçu de la tradition hébréo-araméenne… et de Jésus lui-même ! En fait, on peut découvrir ceci : plus on s’éloigne de l’enseignement et de la pratique des apôtres, moins cela marche, et inversement.

Dès lors, se soutenir et s’entraider sur cette voie, ne serait-ce pas la meilleure manière de préparer des rapprochements qui ne seraient pas factices et ne conduiraient pas à additionner des problèmes insolubles ?

P. Edouard-M. Gallez

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UN PEU D’ARCHEOLOGIE
Au nord de la Jordanie, à 40 km d’Aman près de la frontière syrienne, des archéologues ont annoncé avoir découvert, sous l’église Saint- Georges de Rihab qui remonte à la moitié du 3e siècle, une autre église qui, elle, remonterait aux années 33 à 70.
Elle serait l’un des lieux liés au christianisme des origines – même aux 72 disciples –, spécialement quand les chrétiens de Judée furent envoyés vers l’Est en Syrie de l’époque (donc en Jordanie actuelle aussi) par les Romains qui voulaient écarter les Hébreux qui n’étaient pas contre eux, le temps de terminer les opérations militaires de ce que l’on appelé la « première guerre juive » (66-70).

En fait, les photos suggèrent moins un lieu de culte qu’une grotte aménagée, comme on en trouve en divers endroits (Mangesh, Kong Wang Shan, Tabga, etc.), où, à la manière de Jésus, les apôtres enseignaient et formaient des « anciens » (ce qui a donné le mot de « prêtres »). Car l’annonce de la Bonne Nouvelle, elle, se faisait dans des synagogues, sur des places publiques et autres lieux de rencontres, pas dans des endroits fermés. Sur la 3e photo, on voit bien les bancs caractéristiques d’une grotte d’enseignement.
Mais on en saura plus en allant sur place !
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