Le "texte grec". Quel texte grec?

Le texte grec, quel texte grec ?

       Dès que l’on évoque l’oralité évangélique, ou – ô horreur – l’oralité araméenne, le réflexe conditionné consiste à objecter : « Mais le texte canonique du Nouveau Testament, c’est le texte grec ! ». Mais quel texte grec réel aurait donc la primauté sur l’araméen, voire sur les plus vieux textes latins ?

       Il ne s’agit pas du texte grec qu’utilisent les chrétiens de Grèce et de Constantinople. On entend par là un texte grec présumé originel, qui aurait été à l’origine des manuscrits grecs que nous connaissons, et qui aurait été écrit par les différents auteurs du Nouveau Testament.

       Remarquons en passant qu’en matière « canonique » (c’est-à-dire juridique), il faut remonter au Concile de Trente pour trouver une indication à ce sujet. Ce Concile précisa (dans ses addenda – voir en bibliothèque, pas sur le web pour l’instant) que le texte normatif est la Vulgate… pour les Occidentaux, et la Peshytta pour les chrétiens de l’Eglise de l’Orient (catholiques c’est-à-dire Chaldéens, les non catholiques étant appelés Assyriens). Le « texte grec » pouvait d’autant moins servir de norme qu’il n’existe pas réellement.

       Ce qui existe en effet, ce sont sept familles de manuscrits textuellement irréductibles l’une à l’autre (les variantes textuelles convergent quant au sens global, mais pas quant au mot à mot), ce qui veut dire qu’elles ne peuvent pas avoir de source commune. Du moins en grec. De plus, on y trouve des variantes dialectales (il y avait 4 grandes formes de langue grecque). C’est seulement à partir de la fin du XIXe siècle que des exégètes occidentaux ont cherché à synthétiser les meilleures « leçons » tirées de ces sept familles et qu’ils ont créé un « texte grec » (qui n’est pas une harmonisation mais une suite de choix). Ainsi, ils ont créé une langue qu’ils ont appelée le « grec koinè » ou « grec du Nouveau Testament« , avec grammaire et lexique fabriqués pour la circonstance. Puis, par un tour de passe-passe, ce texte artificiel a été présenté comme la norme. Ce qui fait sourire les Orthodoxes grecs qui connaissent l’histoire de leur propre langue.

       Il se fait que la Peshytta ou texte de l’Eglise assyro-chaldéenne (peshytta signifie strict au sens de texte sans glose) ne correspond justement à aucune de ces sept familles de manuscrits grecs mais peut expliquer les variantes de chacune d’entre elles. Donc, si elle résulte d’une « traduction du grec » (comme on dit), il faut que celle-ci ait été une géniale harmonisation des sept familles grecques, et, bien sûr, qu’elle leur soit postérieure. Cette hypothèse en amène beaucoup d’autres en cascade. En effet, il faut postuler alors que le Nouveau Testament araméen n’existait pas (et donc les chrétiens d’Orient non plus) avant que, tardivement, un génial érudit oriental ait décidé d’en produire un, ait réuni une masse impressionnante de manuscrits grecs, et enfin ait réussi à constituer un merveilleux texte araméen qui harmonise les variantes de ces manuscrits grecs.

       À ce stade, on se trouve devant une alternative : soit nos exégètes ont raison de dire que la Peshytta vient du grec mais alors il faut croire que tous ont été incapables de faire en grec le miracle qu’un oriental aurait réussi à faire en araméen, soit leur supposition doit être inversée, à savoir que la Peshytta doit être considérée comme un excellent témoin de la source des manuscrits grecs – la diversité potentielle des traductions de ce texte araméen vers le grec expliquant parfaitement celle des familles des manuscrits grecs, laquelle est précisément irréductible.

       Entre un écheveau d’hypothèses invraisemblables (voire négationnistes) et une explication fondée et vérifiable, le choix est clair. Il est temps que la Peshytta retrouve sa place de norme, mais pas simplement en tant que « texte à lire ». Comme le savent ceux qui pratiquent l’oralité, il s’agit moins de « lire » que « d’apprendre » – idéalement par cœur – car l’approche et la compréhension qu’on a de la Peshytta (ou des traductions partielles déjà disponibles) sont sensiblement différentes dans un cas ou dans l’autre. Ceci nous renvoie à l’histoire même du « texte », en particulier à celui des évangiles, lesquels sont en fait des cristallisations mises par écrit et organisées pour la liturgie, de compositions orales réalisées par les apôtres et d’autres témoins du Christ, et qui étaient beaucoup plus vastes.

       Le mythe occidental du « texte grec » a sans doute fait son temps.

L’équipe d’EEChO

Note complémentaire apportée par BS :

Pour donner un exemple d’ambiance de l’époque sur la qualité d’une transmission …

Les Chrétiens orientaux attribuent à Mar Raboula, Evêque d’Edesse de 412 à 435, d’avoir établi la Peshitto (en dialecte syriaque), qui introduit outre les variantes dialectales quelques dizaines de variantes de sens par rapport à la Pshytta, variantes que l’on peut imputer à l’influence culturelle byzantine. Ces variantes de sens sont pour l’essentiel à tendance monophysite.

Mar Rabula a été surnommé « le traître ». Ce n’est pas très charitable si l’on y applique les critères d’aujourd’hui où la question de la fidélité à une tradition est anachronique et où la seule vérité révélée et absolue est qu’il n’y a pas de vérité absolue ; mais dans cette culture là on ne plaisante pas avec l’Evangile … au Yod près !

Seul celui qui savait l’Evangile par coeur avait le droit de recopier son exemplaire d’Evangile. Et il le recopiait au yod près.

C’est grâce à ce type de règles et à cette attention au texte au yod près que Mar Alichoran et Pierre Perrier ont pu comparer (à confirmer par l’intéressé, info recueilli de vive voix) le Job de Qumran en Araméen avec le Job de l’édition de la Phsytta mise en forme au début du 20eme siècle et qui fait foi dans l’Eglise Chaldéenne aujourd’hui. C’est simple : il n’y a pas d’écart ! De même qu’il n’y a pas d’écart entre Vat Syr 12 ramené à la Vaticane par le Cardinal Tisserant, le Khabouris, manuscrit du 11eme ou 12eme publié il y a une dizaine d’années sur Internet, et l’édition liturgique actuelle des Chaldéens.

Si l’on compare entre Codex Brixianus (5eme siècle), la vulgate de St Jérome, celle du concile de Trente et la Néo-Vulgate, on n’est juste pas, mais alors vraiment pas dans le même monde.

Et si l’on compare avec les manuscrits grecs des variantes pré- et post-marcionites, des différences dialectales jusqu’au travail de Nestlé et Aland et ses je ne sais plus combien d’éditions successives, on a changé de galaxie. …
A méditer

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21 thoughts on “Le "texte grec". Quel texte grec?

  • 17 août 2013 at 14 h 55 min
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    J’ai essayé de trouver l’indication pour la Peshytta dans les actes du Concile de Trente et je n’ai l’atteint pas. Pourriez-vous me dire en quel session il fut l’objet de déliberation?

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    • 18 août 2013 at 9 h 43 min
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      Selon mes renseignements, cela se trouve dans les addenda. Pour l’instant, je n’ai pas le temps de regarder, mais l’invitation est lancée.

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  • 21 septembre 2013 at 15 h 47 min
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    Quid de l’indication pour la Peshitta? J’ai pas mal Googlé la chose, mais n’arrive pas à la trouver. Cela m’intéresserait beaucoup!

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    • 22 septembre 2013 at 7 h 39 min
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      Effectivement, on parle encore très peu de la Peshitta sur le web. C’est surtout grâce aux Assyriens de la région de Chicago que cette lacune se comble : voir http://dukhrana.com/peshitta/index.php, qui est un outil extraordinaire pour analyser le texte araméen de la Peshitta Nouveau Testament (par mots, racines, en araméen ou en anglais, etc.).
      Et bien sur, il y a beaucoup d’articles de notre site qui en parlent (tapez dans le moteur de recherche interne, ci-dessous). Ce texte est directement issu des récitatifs des Apôtres, et même les compositions pauliniennes sont originelles en cette langue. Il n’y a pas d’influence d’une composition en grec, sauf dans le texte occidental dit « Peshittô » – en syriaque ou araméen de l’ouest), où elle ne concerne que quelques mots de toute façon.

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  • 21 novembre 2013 at 21 h 47 min
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    dixit wikipedia qui est loin d’être une référence et ne jure que par le grec:
    « Une très faible partie des spécialistes pensent que le Nouveau Testament en grec provient de la traduction de textes syriaques antérieurs. L’immense majorité estiment, au contraire, que la première version écrite du Nouveau Testament a directement été rédigée en grec.  »

    Je pense que cela va mettre du temps dans la tête de certains qui ont un rejet de l’oralité.

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  • 9 mars 2016 at 23 h 31 min
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    Bonjour,
    Il me semble, si j’ai bien compris en lisant d’autres articles, qu’un des arguments en faveur de la primauté araméenne consiste à dire que le texte grec qui reflète la version la plus ancienne du texte (par exemple le D05) est traduit de la Peshitta et non pas l’inverse.
    Quels sont les arguments en faveur de cette thèse? En quoi (si on oublie l' »aspect oralité ») cette thèse est elle différente de Carmignac et Tresmontant?
    Cette thèse est, pour l’instant, rejetée par les chercheurs universitaires. Quelles en sont les raisons? Y a t il des signes forts, dans la recherche actuelle classique, d’un revirement?
    Merci de votre réponse.

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    • 10 mars 2016 at 16 h 04 min
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      Cher Jean,

      L’argument ne consiste pas à le dire, mais à le constater par soi même.

      Sans aller jusqu’à apprendre l’araméen (ce qui est toutefois très accessible : l’INALCO propose ces cours à tous, cf. détails sur l’agenda EEChO (voir aussi émission de France Culture), on en devient très vite convaincu à la lecture des traductions directes de la Peshitta en français. Celle de Patrick Calame, par exemple (Les évangiles dans la langue de Jésus) est truffée de notes de lectures qui montrent comment la composition du texte araméen renvoie systématiquement aux Écritures, et fait apparaître des sens à la Parole que la traduction grecque a complètement écrasés. Celles du P. Frédéric Guigain vous montreront en particulier comment chaque passage de chacun des 4 Evangiles s’inscrit en fait dans le cycle de liturgie (à la synagogue et au Temple) de l’ancien judaïsme, avant la destruction du Temple (voir son ouvrage La proclamation synagogale du Saint Evangile). Comment se fait-il que ces éléments ne soient pas dans le texte grec (quel texte grec ?) s’il fallait croire dans la primauté de celui-ci ?

      Il faut souvent beaucoup de temps aux universitaires pour revenir sur leurs thèses. Ce qui se comprend quand on a bâti dessus une vie de recherche et toute la légitimité de son statut de chercheur universitaire. Particulièrement chez les occidentaux, si sûrs de leur supériorité (et ce alors même que les spécialistes occidentaux du grec ancien les démentent). Cela finira bien par se faire, tant la thèse de la primauté du grec se fera de moins en moins crédible à mesure que les Chaldéens et autres chrétiens araméophones pourront se faire entendre. Par exemple avec le site http://dukhrana.com/peshitta/index.php signalé ci-dessus

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  • 10 mars 2016 at 18 h 40 min
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    Merci pour ces références.
    L’argument de la forte implantation du texte de la Peshitta dans l’environnement palestinien de Jésus est intéressant.
    Je suis tombé sur un site tenu par un spécialiste de l’araméen (qui pourrait d’ailleurs pourrait intéresser les chercheurs d’EECHO soit dit en passant) qui propose plusieurs arguments contre cette primauté araméenne. Parmi ceux-ci et si j’ai bien compris, il argue que le syriaque de la Peshitta est un dialecte qui était très peu parlé à l’époque de Jésus et que le syriaque de la Peshitta date du quatrième siècle.
    Qu’en pensez vous?
    Voici le lien (en anglais, of course)
    http://aramaicnt.org/articles/problems-with-peshitta-primacy/#return-note-325-1

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    • 11 mars 2016 at 16 h 24 min
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      Cher Jean,

      Sans être moi même un spécialiste de l’araméen, ni même un locuteur, je remarque dans l’article que vous nous signalez un biais typiquement occidental qui en invalide la conclusion induite (la Peshitta ne serait pas la source des Evangiles grecs). L’auteur se fonde pour cela sur les manuscrits anciens de la Peshitta, et non sur la Pshytta qui est la récitation orale (voir cette mise au point de Pierre Perrier).

      C’est le biais de quasi tous les exégètes occidentaux : postuler que les Evangiles seraient d’abord des textes écrits, croire que, tout comme les exégètes eux-mêmes, les évangélistes auraient travaillé assis à leur bureau recouvert de piles de manuscrits et documents, pour « rédiger » leurs Evangiles (c’est ce qu’a mis en scène par exemple Emmanuel Carrère dans son roman Le Royaume, qui a connu un grand succès de librairie à l’automne 2014 – un cas typique de ce en quoi la méconnaissance de l’histoire RÉELLE du christianisme des origines peut conduire à l’apostasie, comme c’est le cas manifeste d’Emmanuel Carrère). Or les Evangiles sont des compositions orales (la Pshytta) et non des compositions écrites, compositions qui ont été transcrites en araméen (Peshitta), dans les dialectes de l’araméen qui avaient cours aux époques des transcriptions (en syriaque par exemple), et aussi en grec (Evangiles que nous connaissons, écrits chacun dans un des 4 dialectes du grec ancien qui avait cours au 1er siècle, et pour lesquels nous disposons de 7 familles de manuscrits irréductibles l’une à l’autres). Les Actes des Apôtres nous indiquent d’ailleurs comment et quand fut réalisée la traduction de l’Evangile oral araméen en Evangile oral grec : https://www.eecho.fr/video-etude-du-chapitre-6-des-actes-des-apotres/

      Pour des raisons évidentes, la transcription en dialecte syriaque de l’araméen (Peshitta) est évidemment au plus près de la Pshytta orale araméenne que ne le sont les manuscrits grecs. Le manuscrit de la Peshitta le plus ancien dont nous disposons date du 4e siècle. Il est la recopie, dans le dialecte de l’époque de la recopie, du manuscrit apporté de Jérusalem au 1er siècle, recopie réalisée selon les modalités propres aux pratiques d’oralité araméenne qui nous en garantissent l’exactitude. L’araméen dialectal syriaque utilisé ayant un tant soit peu évolué dans sa forme écrite, il est donc logique d’y trouver les indices de son écriture au 4e siècle, comme souligné dans l’article que vous citez. De la même façon que les éditions actuelles des Liaisons Dangereuses, par exemple, n’utilisent plus les « f » à la place des « s » comme cela se faisait au 18e siècle.

      Pour reprendre sur le raisonnement biaisé de l’article cité, et critiquer sa conclusion induite « la Peshitta ne serait pas la source des Evangiles grecs » : le raisonnement étant biaisé, la conclusion n’est pas objective. Elle n’en est pas moins juste, dans le sens où ce que nous apprennent les travaux sur l’oralité évangélique n’est pas que la Peshitta serait la source directe des Evangiles grecs mais que la Peshitta est le témoin le plus fidèle des Evangiles oraux, de la Pshytta elle même.

      Merci pour m’avoir indiqué ce site http://aramaicnt.org Je vais aller réviser mon anglais pour y mettre mon grain de sel. A commencer par cette histoire de Rabbouni/Rabbouli, cette dernière forme étant courante en syriaque, contrairement à ce qu’indique l’auteur de l’article (on trouve d’ailleurs, selon Patrick Calame, la graphie « Rabbouni » dans la version syriaque Harkléenne)

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      • 25 mars 2016 at 18 h 16 min
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        Je croix que je comprends mieux maintenant, merci de votre réponse.
        Je reviens au sujet que j’ai abordé plutôt, à savoir le rejet des thèses de Pierre Perrier en matière d’oralité et de la formation des Evangiles. Il se trouve que je suis tombé sur une recension du livre Karozoutha, de Pierre Perrier, ici (c’est le même texte ici), qui est critique (et même plus) vis à vis de la qualité du travail de Pierre Perrier.
        Je reste prudent, et je ne me prononce pas, mais il faut bien avouer que cela jette un sérieux discrédit sur son travail. Qu’en pensez vous?

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        • 25 mars 2016 at 18 h 56 min
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          Il s’agit de quelques lignes d’un auteur peu connu, Daniel Dubois, qui dit simplement qu’il n’est pas d’accord… en 1986. C’est normal : quand on a été formaté à penser que le grec est la langue dans laquelle le N-T a été composé, il est difficile de penser autrement. Surtout quand on ne peut pas comparer soi-même le texte araméen et le texte grec.
          Car alors, on se rend compte très vite lequel est la traduction de l’autre. L’argument sur le nombre inférieur de manuscrits araméens (à cause des destructions répétitives subies par nos Frères d’Orient) n’est pas un argument au regard de la qualité du texte, en particulier celui du ms Khabouris, dont le Brixianus et le D05 sont manifestement inspirés à un stade antérieur (le DO5 avec énormément de fautes de copiste).

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          • 26 mars 2016 at 11 h 49 min
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            Il me semble que la recension d’André de Halleux, du premier lien (qui est différente de celle du lien contrairement aux indications), ne souffre pas nécessairement de votre objection. Il semble, d’après ce que j’ai vu, être un bon connaisseur de la littérature syriaque et il maîtrise le grec, et l’argumentation de Pierre Perrier, exposée dans son livre, ne semble pas le convaincre de la primauté araméenne.

  • 18 juin 2016 at 4 h 51 min
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    Quelques éléments complémentaires :
    la Phsytta ( les Chaldéens qui l’utilisent comme texte liturgique l’appellent comme ça et pas Peshytta, même pour le texte écrit ) est en araméen d’empire (parthe) et pas en syriaque qui est effectivement une dialectisation tardive de l’araméen (l’Evangile en syriaque c’est le Peshitto)

    Du temps de Jésus, l’araméen d’empire est La langue internationale du commerce. Nous en avons de très nombreuses traces même en Français : le sous = zouz veut dire « pièce de monnaie » en araméen, le camelot = celui qui apporte les richesses dans les campagnes, vient de gamla = la corde , mais aussi la caravane (de commerce) qui apporte les richesses ( des chameaux ou des bateaux reliés par une corde). Le plus amusant est le hasard qui pour moi (non démontré) vient de Eleazar = cf le prénom Lazare, qui veut dire Dieu prend soin. Le hasard c’est ce dont Dieu prend soin.

    L’Evangile est bourré d’aramaïsmes et pas d’hébraïsmes. Tous les noms de lieux sont en araméen et pas en hébreu. L’hébreu est une langue morte au temps de Jésus : depuis le 8 eme siècle av JC en Gallilée Samarie et depuis le retour de la déportation à Babylone (ou on parle araméen) en Judée. le dialecte Judéen restera toutefois très influencé par l’hébreu. Toutes les références faites par Jésus à l’AT sont exactement calquées sur l’AT en araméen. L’AT existe en Araméen depuis au moins la déportation de -722 des 9 tribus de Galilée Samarie vers les routes de commerces de l’empire parthe, sous Sargon II, les déportés parlant araméen et non hébreu. La Septante est traduite à partir de l’AT en araméen et pas en hébreu (il suffit de faire la comparaison triangulaire). On voit même les traces sur la Vulgate de l’AT : par exemple sur Isaïe 62,4 : elle sera appelée « Sa volonté est en elle » (VUL et AT Araméen) et pas « Son désir est en elle » (Hébreu massorétique)
    Une preuve que c’est le grec et le latin qui viennent de la Phsytta et non l’inverse ? Par exemple Acte 6,7 : de nombreux prêtres Juifs se convertissent (Latin et grec) alors que la Phsytta dit « de nombreux gentils (non juifs) se convertissent ». Le fait que des prêtres juifs se convertissent n’a aucun rapport avec le fait que l’on désigne un groupe de 7 pour traduire la Parole composée par les apôtres en grec suite à la demande des « monos », des veuves consacrées héllénophones de disposer d’un récitatif en grec. En revanche s’il s’agit de non juifs ne parlant pas l’araméen qui se convertissent, c’est logique.
    L’erreur de traduction ne s’explique qu’en lisant le texte de la Phystta en graphie carré de Jérusalem et en collant un barre verticale composant la 1ere lettre d’un mot à la dernière lettre du mot précédent. Dans le sens grec vers araméen, l’erreur n’a aucune explication.

    Le dernier (= plus récent) élément de preuve le plus accessible à tous est d’écouter sur KTO l’enregistrement de la messe célébrée à ND de Paris par le Cardinal Allencherry, Archevêque Syro Malabare, venant du Kérala en Inde. Dans les dernières minutes, l’Archevêque rend grâce et dit : « nous te remercions Seigneur pour ce Qourbana » : Qourbana, c’est la Messe en araméen d’empire (et pas en syriaque, prononciation différente). Pourquoi un Évêque du Kérala parle-t-il Araméen d’empire ? Tout simplement parce qu’il a reçu l’Evangile de St Thomas apôtre qui a évangélisé l’Inde vers 63, avant d’aller passer 3 ans en Chine de 65 à 67 et de revenir en Inde … et Saint Thomas parlait la langue de Jésus : l’Araméen d’empire.

    Amusant, non ?

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  • 23 juin 2016 at 12 h 50 min
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    Bonjour,

    La question de l’origine araméenne me semble probable. Il est probable que Jésus ait enseigné en araméen, donc que le receuil de ses paroles fut en araméen.

    Ensuite, nous avons la question de l’évangélisation par les Apôtres.
    Etant donné qu’une partie du monde parlait araméen on peut imaginer une composition araméenne des évangiles.
    En revanche, le monde grec étant à quelques encablures et étant le terrain d’évangélisation de certains apôtres, peut-on écarter l’hypothèse que la composition d’un évangile grec, au même moment, sous le contrôle des mêmes Apôtres et des évangélistes ? C’est l’hypothèse du fr. Bernard Marie o.f.s dans son livre « La langue de Jésus ».

    L’argument invoqué ici est la disparité des manuscrits grecs qui serait la preuve d’une composition postérieure.
    Or, le travail de copie des manuscrits est un processus vivant, qui n’implique pas nécessairement de reproduire exactement ce qu’on copie. Il est fort possible qu’on décide, dans une communauté donnée, de changer une formulation, un terme, pour expliciter, renforcer une idée, voir gloser par soucis théologique. A la base, l’araméen étant une langue polysémique, moins précise, il n’est pas improbable que les formulations initiales grecques calquées sur l’araméen nécessitent des raffinements. Les manuscrits grecs les plus récents que nous ayons datent du IVè siècle, et pourraient témoigner de ces variations. Mais ces manuscrits sont tout de même plus proches que différents, et je ne sais pas l’idée d’une traduction effectuée séparément par diverses communauté est réellement tenable.

    Ce point de vue me semble raisonnable.

    Cordialement,

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    • 25 février 2017 at 19 h 06 min
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      Pour donner un exemple d’ambiance de l’époque sur la qualité d’une transmission …

      Les Chrétiens orientaux attribuent à Mar Raboula, Evêque d’Edesse de 412 à 435, d’avoir établi la Peshitto, en dialecte syriaque, qui introduit outre les variantes dialectales quelques dizaines de variantes de sens par rapport à la Pshytta; que l’on peut imputer à l’influence culturelle byzantine. Ces variantes de sens sont pour l’essentiel à tendance monophysite.

      Mar Rabula a été surnommé « le traitre ». Ce n’est pas très charitable si l’on y applique les critères d’aujourd’hui où la question de la fidélité à une tradition est anachronique et où la seule vérité révélée et absolue est qu’il n’y a pas de vérité absolue ; mais dans cette culture là on ne plaisante pas avec l’Evangile … au Yod près !

      Seul celui qui savait l’Evangile par coeur avait le droit de recopier son exemplaire d’Evangile. Et il le recopiait au yod près.

      C’est grâce à ce type de règles et à cette attention au texte au yod près que Mar Alichoran et Pierre Perrier ont pu comparer (à confirmer par l’intéressé, info recueilli de vive voix) le Job de Qumran en Araméen avec le Job de l’édition de la Phsytta mise en forme au début du 20eme siècle et qui fait foi dans l’Eglise Chaldéenne aujourd’hui. C’est simple : il n’y a pas d’écart, de même qu’il n’y a pas d’écart entre Vat Syr 12 ramené à la Vaticane par le Cardinal Tisserant, le Khabouris, manuscrit du 11eme ou 12 eme publié il y a une dizaine d’années sur Internet, et l’édition liturgique actuelle des Chaldéens.

      Si l’on compare entre Codex Brixianus (5eme siècle), la vulgate de St Jérome, celle du concile de Trente et la Néo-Vulgate, on n’est juste pas, mais alors vraiment pas dans le même monde.

      Et si l’on compare avec les manuscrits grecs des variantes pré et post Marcionites, des différences dialectales jusqu’au travail de Nestlé et Aland et ses je ne sais plus combien d’éditions successives, on a changé de galaxie. …

      A méditer

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  • 29 juin 2016 at 19 h 08 min
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    Le travail de copie des manuscrits n’est pas un processus vivant, et il implique nécessairement de reproduire exactement ce qu’on copie.
    Sauf que si le copiste est bon marché (car il copie plus ou moins lentement selon ce qu’on lui paie), il fera beaucoup de fautes. Ceci vaut pour le monde gréco-latin. Dans le monde des Eglises orientales, les copistes sont des moines qui connaissent le texte par coeur, et, comme en plus ils prennent le temps, ils ne font quasiment aucune faute.

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  • 2 juillet 2016 at 20 h 21 min
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    Bonjour,

    J’aimerais bien avoir la référence du Concile de Trente sur la canonisation de la Peshytta pour l’orient, SVP.
    J’ai cherché dans les actes sans rien trouver. Une recherche sur Internet ne donne absolument rien.
    Je n’ai pas trouvé d’addenda.

    Merci d’avance.

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  • 21 mars 2017 at 7 h 59 min
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    Mais, le fameux fragment manuscrit de Qumran trouvé dans la 7e grotte, le 7Q5, qui n’est jamais qu’un passage de l’Évangile selon st-Marc ( Mc 6, 52-53 ), rédigé en Zierstil, ce qui permet de le dater au plus tard de l’an 50, époque où ce style graphique tomba en désuétude, est bel et bien en grec. Donc, quelque vingt ans après Notre-Seigneur, le texte grec de l’Évangile selon st-Marc existe.

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    • 21 mars 2017 at 13 h 48 min
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      Certes, et n’hésitez pas à indiquer ici des références d’articles qui en parlent.
      La question n’est pas de dire que les traduction en latin, en grec ou en chinois seraient tardives, mais que les récitatifs évangéliques ont été mis au point très tôt (en araméen) – en fait avant que Jacques, frère de Jean, ne parte vaillamment vers l’Espagne en 34 – et qu’il y a eu des traductions immédiatement, et très vite des mises par écrit partielles privées (« pirates » dirait-on aujourd’hui), spécialement en latin et en grec, de la part de ceux qui ne maîtrisent pas l’araméen et ne savent pas apprendre par coeur.
      En quittant Jérusalem en 37, saint Matthieu laisse un lectionnaire (sur 8 mois, que nous appelons son évangile) et en 42, Pierre prêche à Rome avec son traducteur grec Marc, qui a édité son évangile (qui est lui aussi un lectionnaire, sur 4 mois), comme l’indique St Irénée (qu’on traduit souvent n’importe comment).
      N’hésitez pas non plus à indiquer des renvois aux autres articles de ce site qui développent ces questions !

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      • 2 août 2019 at 6 h 07 min
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        On peut même ajouter que la première traduction en grec a été entreprise à partir de Pentecôte 31 : c’est raconté dans Actes 6… en Araméen

        Les « veuves » c’est à dire les consacrées qui n’étaient par araméophones de langue maternelle se plaignaient de ne pouvoir célébrer les qoubalé de récitation (une récitation des textes évangéliques) suivie d’un repas de nourritures terrestres permettant d’aider à former une communauté entre les différents groupes de mémorisation… parce qu’apprendre par coeur un texte qui n’est pas dans sa langue maternelle, c’est difficile (fait expérimental)

        Du coup les apôtres désignent une commission de traduction de 7 disciples dirigée par Etienne. Le 7eme n’est même pas encore baptisé, mais il est de langue et de culture grecque : c’est celui qui va garantir que la traduction est compréhensible

        A l’époque, un an après la pentecôte, il existe déjà plus d’une centaine de perles composées et fixées… en araméen

        Pour la mise en lectionnaire, il faudra bien attendre 37 pour Matthieu, vers 42 à 44 pour Pierre/Marc (traduction en grec de Marc publiée à Rome en 45 si j’ai bonne mémoire), vers 46 pour Jean et 49 pour Luc qui boucle la complétude des quatre lectionnaires.

        Jean a mise très longtemps à être convaincu qu’il fallait autoriser une traduction en grec de son évangile. Et on le comprend, car c’est le plus difficile à traduire. Rappelons que Irénée qui est disciple de Polycarpe, lui-même disciple de Jean a été formé en araméen. Irénée dit lui-même qu’il est araméophone dans Adv Her. (« Nous qui pour nos affaires parlons la langue des barbares » – c’est à dire des « bar braié », en araméen les fils de l’extérieur, nom des hébreux araméophones des comptoirs de commerce de l’Empire)

        L’hypothèse de deux familles de textes « originaux » en parallèle, une en grec « de la koiné » et une en araméen d’empire (et pas en syriaque) ne tient pas, car les textes en grec, en latin et en araméen ne sont pas des versions différentes d’une même histoire, mais bien des traductions différentes d’un même texte original. Les écarts sont nombreux et font les délice de ceux qui s’y intéressent, mais minimes.

        Une étude des écarts met en évidence que :

        Le latin (Brixianus) est très souvent plus proche de l’araméen que du grec (D05). Le grec est plus éloigné des deux autres. Nota : D05 ou Codex de Beze mais surtout évangéliaire de Saint Irénée est reconnu par les plus experts comme le texte grec le mieux exempt des modification pré et post marcionites. C’est aussi, curieusement, le plus proche de la Pshytta.

        Les coupures faites dans Nestlé Aland au titre de « lectio brevior, lectio melior » sont toujours invalidées par le latin et par l’araméen. (ou presque toujours… soyons prudent) et mais aussi par D05.

        On comprend la plupart du temps assez bien les écarts de traduction si on fait l’hypothèse d’une traduction de l’araméen vers le latin : coquille, impossibilité de traduire exactement faute d’équivalent, … en revanche faire le chemin inverse n’est pas possible, c’est à dire qu’en traduisant du latin ou du grec vers l’araméen… on n’arrive pas à la Pshytta : il y a d’autres façon de le dire et un traducteur honnête n’aurait pas traduit comme ça.
        De même on peut comprendre comment le latin et D05 découlent de la Pshytta, mais il n’est pas pensable que le latin soit une traduction du grec.

        Prenons l’exemple du Pain de Vie :
        En araméen : ana ‘na : Moi-Nous pain de Vie, ce que l’on peut traduire par « C’est Nous le Pain de Vie », ce qui est une allusion explicite à la présence de la Trinité Divine dans le Pain de Vie.
        Traduit en Latin : Ego sum panis vitae (je vous laisse le grec, mais c’est équivalent)

        Mettez vous à la place d’un traducteur en monde romain polythéiste, dans lequel qui plus est, le pluriel de majesté n’existe pas. Il ne va pas prendre le risque d’être mal compris et va sécuriser le truc en insistant sur le « Je Suis » pour avoir un effet d’évocation équivalent au travers de l’écho du buisson ardent d’Exode 3 dans lequel le nom du Père est « Je suis »

        Maintenant essayez de rétrotraduire « Je Suis » en araméen. Vous pouvez le tourner dans tous les sens mais ne retomberez jamais sur « Ana ‘na »

        Après vous en faites ce que vous voulez….

        L’hypothèse aujourd’hui la plus vraisemblable c’est :

        Des colliers composés pour l’essentiel avant 34, avec une re-sucée tardive de Paul qui met en forme le collier des diacres (100 petites perles) enseigné par Ananie et Barnabe et l’apportera finalisé à Jérusalem en 49

        Des débuts de traduction orale en grec ionien dès fin 31 des premiers colliers qui vont par exemple permettre à Philippe d’évangéliser Corneille et sa maison

        Une mise en lectionnaire en araméen des colliers oraux qui s’échelonne entre 37 (Mt) et 49 (Lc) qui ferme la boucle sous la supervision de Marie, après avoir récupéré la « karozoutha » de Paul.

        Des traductions en dialectes grecs et en latin dans les différentes communautés faites à partir des lectionnaires. Marc ouvre le bal dès 45 avec une édition publique en grec pour laquelle il invente un nom qui aura un certain succès : Evanguélion, traduction de « Saoura taba » (Bonne nouvelle ou bonne esapérance) dont la contraction a donné « Souartha » qui désigne le contenu de tout l’enseignement oral de Jésus repris par les apôtres

        Le fait que les traductions en grec des évangiles sont faites à différents endroits explique le faite que l’on distingue sept sources irréductibles des textes grecs

        En revanche les traductions en latin sont faites à Rome directement depuis l’araméen Pshytta… et on peut penser que Brixianus n’est vraiment pas loin d’une première traduction en latin depuis l’araméen

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  • 12 novembre 2021 at 12 h 57 min
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    Il faut d’abord se référer au fond oral tel que transmis via diverses transcriptions, qu’il soit formulé originellement en araméen, en hébreu ou en grec. Si l’hébreu n’est plus la langue parlée du peuple sur le marché par exemple, mais l’araméen, l’hébreu reste la langue de la loi.
    Le rabbin Elie Soloweyczyc a rédigé en hébreu Kol Kore Voix clamante, un commentaire de Mathieu et Marc qui redonne ou explique le sens traditionnel de chaque verset évangélique selon la culture hébraïque et araméenne, sens souvent très différent de celui des versions grecques ou latines ou françaises etc. . Il existe une édition papier de Kol Kore en Israël. Le GR Wogue l’a traduit en français 1873 et 1875. Google l’a digitalisé.
    Il est assez aisé de reconnaître ainsi ce qu’est l’original et les versions latines ou grecques ou autres plus ou moins dérivées. Chacun peut en décider avec un tant soit peu de connaissance de la tradition israélite ante et post dispersions (4 exils : Babylone, Perse, Grèce, Edom-Rome).

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