La pancarte de la Croix ou ‘Titulus Crucis

Le « Titre de la Croix » (Titulus Crucis)

_ Voici la reproduction de ce qui a dû être la planchette de bois fixée au-dessus de la Croix du Calvaire. Cette planchette s’est dégradée en poussière, il n’en subsiste plus aujourd’hui que la partie entourée de tirets gris. En 1492, elle fut mise au jour lors d’un réaménagement de la vieille Basilique Ste Croix à Rome, ou Basilique sessorienne, qui avait été aménagée en 328 d’une partie de la résidence de Sainte Hélène, mère de l’Empereur Constantin. La niche renfermant l’écriteau portait l’inscription : « Hic est tultis verae crucis ».

_ Dom Gazeau précise que cette indication remonte au 12e siècle lorsque l’édifice fut rehaussé et agrandi : “Lucius II cacha au sommet de l’arc de l’abside la tablette portant des caractères latins, grecs et sémitiques qui est honorée maintenant comme titre de la croix du sauveur (elle fut retrouvée à la fin du 15e siècle)” (in art. Basilique in Catholicisme, I, col.1299).

_ La planchette, de 65 cm sur 20, était peinte en blanc ; les lettres, d’environ 3 cm de hauteur, se détachent en rouge. La reproduction ci-après date de 1492 (on la trouve en entier dans divers manuels, par ex. L’histoire de l’Eglise de Arquillière H.X., Paris, [1941] 1951, p.35 ; voir aussi Lesêtre H., art. Titre de la Croix, in Dict. de la Bible, 1912 ; Bardy G., art. Croix, in Catholicisme, 1952 ; Denis-Boulet, art. Basilique, in Catholicisme, 1948) :

            En voici la lecture complète (de droite à gauche) :

YSW‘ NṢUR MLK H YHWDYM
IESUS NAZARENUS BASILEUS IUDEÔN
IESUS NAZARINUS REX IUDEORUM

_ Cette inscription trilingue « Jésus Nazarénien (Naṣôr selon l’hébreu) Roi des Juifs », hâtivement écrite sans les articles, est à comparer avec ce que Jean en dit en Jn 19,19.21 (texte grec) : La pancarte “était écrite : Jésus le nazôréen le Roi des Juifs (Ièsous ò Nazôraïos ò Basileus tôn Ioudaiôn)… en hébreu, latin et grec (hebraïsti, rômaïsti, hellènisti)” ‒ tandis que le texte araméen indique le bon ordre : hébreu, grec, romain.

On peut difficilement soutenir, remarque l’exégète Philippe Rolland (in Lettre des Amis de l’Abbé Jean Carmignac, n°22, déc. 1994), qu’il s’agirait d’un faux fabriqué tardivement à partir du texte de Jean. En effet, si l’on s’était inspiré de l’évangéliste, on aurait écrit l’hébreu sur la première ligne, le latin sur la deuxième, et le grec sur la troisième. De plus, on aurait recopié littéralement le texte grec de Jean… Quant au mot latin Nazarinus, il est légèrement différent de la forme Nazarenus qui était employée au temps de Constantin et postérieurement.”

_ Et si un faussaire s’était inspiré du texte de Jean originel araméen, il aurait écrit sur la pancarte : « Celui-ci [est] YSW‘ etc. ».

_ En grec, on pourrait remarquer encore que l’orthographe nazarenus de la pancarte ne correspond pas à celle du texte de Jean (nazôraïos ‒ naṣraya en araméen) – de même pour Iudeôn et le Ioudaïôn de l’évangile ; d’autre part, dans le grec de la pancarte, tous les articles manquent. Ceci suggère que l’auteur de la pancarte, connaissant mal le grec, avait hâtivement transposé en cette langue l’intitulé hébreu ou latin. S’il est clair que le grec de la pancarte ne peut dériver aucunement du texte évangélique, on peut concevoir en sens inverse pourquoi Jean a rapporté les mots Ièsous ò Nazôraïos ò Basileus tôn Ioudaïôn en grec correct : il ne se souvient que du texte hébreu, qu’il “retraduit à frais nouveaux en grec”, note encore Ph. Rolland.

_ Voici de qui reste aujourd’hui de la planchette :

  texte de l’article.

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5 thoughts on “La pancarte de la Croix ou ‘Titulus Crucis

  • 13 décembre 2020 at 15 h 39 min
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    Le fait que le texte araméen donne le bon ordre est un indice de plus de sa véracité et antériorité sur le texte grec ; de même que le fait que ce titulus ne respecte pas l’ordre de Jean connu en Occident indique clairement que ce n’est pas un faux inventé d’après le texte et pour coller à lui… Un faux n’aurait pas fait de faute de grammaire ou orthographe et aurait respecté l’ordre donné par Jean…

    N’y avait-il pas déjà eu un article sur le titulus sur le site de EEChO ?

    En tout cas, il serait utile que des recherches scientifiques soient faites ? Pourquoi pas un C14 ou une analyse de l’origine du matériau ? Ce serait très intéressant.

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    • 13 décembre 2020 at 16 h 44 min
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      Sur le site d’EEChO, il n’y avait pas d’article (voyez par le moteur de recherche). S’il y en a eu un, il a été perdu en août 2014 quand le site d’EEChO a été complètement hacké et qu’il a fallu le reconstruire complètement (et sur des bases plus sécurisées).

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  • 17 décembre 2020 at 18 h 04 min
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    Merci pour la précision

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  • 31 décembre 2020 at 23 h 44 min
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    Il n’est pas relevé que les lignes latine et grecque sont rédigées en sens inverse (pour ces langues), soit dans le sens de lecture des langues sémitiques (hébreu, araméen, arabe). Ce qui apparaît comme une faute, s’explique tout à fait pour un écriteau adressé à une population entraînée à lire de droite à gauche. Un faussaire y aurait-il songé, ou aurait-il seulement osé le faire pour une pièce pareille ? L’autre élément de surprise, ce sont les lettres écrites à l’envers, comme l’enfant le fait à ses débuts d’écriture. Le rédacteur était-il lui-même plus ou moins illettré ? Je suis porté à le croire.

    N.B. : On ne peut pas présumer de ce qui ne figure pas sur le morceau qui reste. Restons modestes.

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  • 31 janvier 2021 at 0 h 55 min
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    Non : le tracé des lettres inversées en reflet, comme \l et l/ n’est pas d’un demeuré.
    Mais l’écriture en miroir est bien, par contre, elle, une preuve d’ingénuité.
    Le cerveau occidental moderne n’a plus la souplesse de ses ancêtres…
    Oui : le libellé supérieur a bien une manière sémitique, mais hébreu, araméen… c’est indécidable.
    Et rien ne prouve, ni n’infirme, que la relique soit l’original, sa reconstruction, ou une copie antique.
    Le cerveau occidental moderne ne sait quoi faire de ces incertitudes…
    Or ce bout de bois témoigne néanmoins par son ancienneté rare d’un intérêt exceptionnel.
    Un intérêt inexplicable sauf s’il n’y a rien à expliquer.

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