Flavius Josèphe et Jésus

Flavius Josèphe

« Le voile du Temple déchiré et le tombeau vide »

Nouvelles de l’Association Jean Carmignac, n° 42, juin 2009

 « Jésus roi n’ayant pas régné, crucifié par les Juifs parce qu’il annonçait la ruine de la ville et la désolation du Temple »

Ibidem, n° 44 février 2010
PDF du texte complet.

NDLR : en bleu nous avons ajouté quelques notes ou réécrit les 1er et 4e §, en raison de la compilation des deux articles originels. D’autres articles peuvent être consultés en complément, celui qui traite du fameux « Testimonium Flavianum », dans lequel Josèphe évoque Jésus, ou celui qui dévoile certaines interpolations dans ses textes, dues à des auteurs néo-païens romains.
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La fameuse « version slavone » intitulée La prise de Jérusalem est une version retrouvée en vieux russe uniquement. Tout au début de La Guerre des Juifs, Flavius Josèphe dit lui-même avoir écrit « dans la langue de ses pères »[1] une version précédente des évènements concernant la guerre commencée en 66 par un soulèvement des Juifs contre l’occupant romain, doublée de très durs épisodes de guerre civile et se terminant par le siège puis la prise de Jérusalem par les Romains (août 70), avec l’incendie du Temple.

Quelques années plus tard, alors qu’il était installé à Rome dans un appartement de  l’empereur Vespasien et touchait une rente annuelle versée par le pouvoir impérial, Josèphe fit un second récit des évènements, cette fois en grec, La Guerre des Juifs, qu’il donna à lire au roi Agrippa II et offrit à Vespasien et Titus. C’est donc au tout début de ce second ouvrage qu’il prévient ses lecteurs qu’il a déjà raconté les mêmes évènements dans une version antérieure.
Celle-ci fut longtemps considérée comme perdue, mais il y a de fortes chances que la « version slavone » en soit l’émanation, après un passage par le grec.

Cette première version – La prise de Jérusalem – est plus courte, plus adaptée à un public juif, mais elle comporte aussi des passages qu’il a supprimés dans la Guerre des Juifs, sa deuxième version, ou plus vraisemblablement qui ont été supprimés par les copistes au service de l’Empire dont la propagande (anti-juive et surtout anti-chrétienne) s’était emparée de ce texte et l’a largement diffusé. La copie grecque la plus ancienne que nous ayons de cette Guerre des Juifs est bien postérieure encore : elle date du 9e siècle.
Les passages qui, par comparaison avec la version slavonne La prise de Jérusalem, manquent, concernent particulièrement des faits ou des personnes dont parlent les Evangiles.

Voici le « § 4 » selon les deux versions, apparaissant au même endroit (livre V, chapitre 5, §4). La seconde partie de ce § 4 de la 1ère version (ci-dessous à gauche, en gras) évoque le voile du Temple qui s’est déchiré, un « homme de bien » et un tombeau vide. Elle n’apparaît plus dans la Guerre des Juifs.

§ 4. Le Temple
lui-même était au milieu, le sanctuaire sacré ; on y accédait par douze marches.  La hauteur de la façade s’élevait à cent coudées et en largeur elle en avait autant ; par derrière, il était plus étroit de quarante coudées. [… ]. Il y avait au dessus du portail que j’ai dit des pampres d’or, d’où pendaient des grappes d’or, hautes d’une taille d’homme. À l’intérieur il y avait aussi une porte à battants d’or massif, hauts de cinquante-cinq coudées et large de seize. Par devant pendait un voile égal en largeur et en longueur, qui était un tissu babylonien, travaillé d’hyacinthe, de byssus, d’écarlate et de pourpre, admirable à voir, et dont le dessin n’était pas sans philosophie, mais donnait une image de toutes choses.
Car l’écarlate figurait le feu, le byssus la terre, l’hyacinthe l’air et la pourpre la mer : l’écarlate et l’hyacinthe sont comparées à ce qui a été dit en raison de leur aspect, le byssus et la pourpre sont rapprochées par leur origine, l’un de la terre, l’autre de la mer.  Et sur le voile était figuré tout le spectacle des cieux et leur science, hormis les douze signes du zodiaque.

Ce voile avant cette génération était entier, parce que les hommes étaient pieux ; mais maintenant c’était pitié de le regarder, car il s’était déchiré soudain du haut jusqu’en bas, lorsqu’un homme de bien, et qui par ses œuvres n’était pas un homme, fut livré à la mort contre salaire. Et beaucoup d’autres signes effrayants, raconte-t-on, eurent lieu alors. 

Et une fois tué, après l’ensevelissement, on disait qu’il avait été introuvable dans le tombeau : les uns en effet le prétendaient ressuscité, et les autres volés par ses amis. 

Je ne sais lesquels disent le plus vrai. Car un mort ne peut se relever de lui-même, mais par l’aide de la prière d’un autre juste, à moins que ce ne soit un ange
ou
quelqu’autre des puissances célestes, ou que Dieu lui-même ne paraisse comme un homme et accomplisse tout ce qu’il veut, et marche avec les hommes et tombe et se couche et se relève, selon sa volonté. Les autres disaient qu’on n’avait pas pu le voler, puisqu’autour de son tombeau on avait posté des gardiens, mille Romains et mille Juifs.
Voilà ce qu’on dit à propos de ce voile et
pour la cause de son déchirement.

[Et La prise de Jérusalem passe au § 5 :]

§ 5. Quand on était à l’intérieur, on était accueilli par la partie de plain-pied du Temple, dont la hauteur était de soixante coudées … etc.

§ 4. Le Sanctuaire lui-même, le Saint Temple, on y accédait par douze marches ; la hauteur et la largeur de sa façade étaient égales, chacune faisant cent coudées ; mais en arrière elle était plus étroite et mesurait quarante coudées […].
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Le portail par lequel on y entrait était, comme je l’ai dit, entièrement recouvert d’or, ainsi que tout le mur autour. Il était surmonté de vignes en or, d’où pendait des grappes de la taille d’un homme ; il y avait des portes en or de cinquante-cinq coudées de haut et de onze de large, devant lesquelles était suspendu un voile d’une longueur égale : c’était une étoffe babylonienne brodée de jacinthe, de lin très fin, d’écarlate et de pourpre, d’un admirable travail. 

D’ailleurs, ce mélange de matériau n’était pas sans valeur symbolique : il constituait une image de l’univers.  L’écarlate semblait faire allusion au feu, le lin à la terre, la jacinthe à l’air, et la pourpre à la mer ; pour l’écarlate et la jacinthe, à cause de la ressemblance des couleurs, pour le lin et la pourpre, à cause de leur origine ; puisque l’un est produit par la terre, l’autre par la mer. Sur l’étoffe était représentée une carte complète du ciel sauf les signes du
Zodiaque.

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[Dans La Guerre des Juifs commence aussitôt le § 5 :]

§ 5. Si l’on entrait, on se trouvait sur la partie du Temple constituant le rez-de-chaussée. Elle avait soixante coudées de haut … etc.

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Nous continuons à explorer cette fameuse « version slavone » La prise de Jérusalem, que nous pensons, en suivant les travaux très approfondis d’Etienne Nodet [2], provenir authentiquement du premier récit que Flavius Josèphe dit avoir écrit « dans la langue de ses pères » pour raconter la guerre qui opposa Juifs et Romains de 66 à 70. Dans les textes mis en parallèles ci-après, Josèphe évoque, aux livres V puis VI, les inscriptions gravées en différentes langues qui interdisaient aux étrangers, sous peine de mort, de pénétrer plus avant dans le Temple [3]. Le slavon mentionne qu’elles étaient rédigées en caractères « helléniques, romains et juifs », alors que dans la version usuelle, à destination du public romain, la mention des caractères « juifs » a été supprimée.

Ci-dessous à gauche une des deux pierres gravées en grec qui ont été retrouvées et qui porte : « Défense à tout étranger de franchir la barrière et de pénétrer dans l’enceinte du sanctuaire. Quiconque aura été pris sera responsable de la mort qui s’ensuivra. » Et à droite, une possible reconstitution du « soreg », cette barrière qui se trouvait au cœur du Temple.

L’archéologue Clermont-Ganneau qui a retrouvé cette pierre en 1871 s’étonnait, bien avant la publication du slavon, que Flavius Josèphe ne signale pas d’inscription en langue sémitique. (Revue archéologique 23 [1872], p.214-234 et 290-296).

Le « soreg », d’après Mme Genot-Bismuth, in Jérusalem ressuscitée, La Bible hébraïque et l’Evangile de Jean à l’épreuve de l’archéologie nouvelle, Ed. F.-X. de Guibert et Albin Michel, Paris, 1992, p. 50.

La disposition de ces stèles n’est pas facile à imaginer car les 2 textes parallèles de Josèphe ne donnent pas les mêmes indications. Les langues retenues pour ces inscriptions font penser, bien sûr, au Titulus [4] que Pilate fit apposer en haut de la croix où mourut Jésus. Cette similitude – même si les langues ne sont pas citées dans le même ordre – est intéressante à noter, mais ne représente pas un point de contact déterminant entre l’œuvre de Josèphe et les Evangiles.

Nous verrons d’abord le court passage du livre VI où Titus évoque ces inscriptions (plus précisément où Josèphe rapporte un discours de Titus, mais comme c’est lui-même, Josèphe, qui était chargé de les traduire en hébreu à ses frères juifs restés à l’intérieur des murailles, il est probable que ce soit ressemblant…). Et ensuite le passage plus long du livre V, qui est suivi, dans la version slavone, d’un contact tout à fait explicite avec les Evangiles.

Josèphe a-t-il supprimé ce passage dans sa seconde version ? Ou bien des mains chrétiennes – des faussaires – l’ont-elles introduites dans la version slavone, pour appuyer l’historicité des récits évangéliques ? En nous appuyant sur le travail d’E. Nodet, voyons ce que l’on peut essayer de dire de ce contact explicite : «  Et au-dessus de ces inscriptions, une quatrième était pendue dans les mêmes caractères désignant Jésus roi n’ayant pas régné, crucifié par les Juifs parce qu’il annonçait la ruine de la ville et la désolation du Temple ».

1- D’abord cette expression « Jésus roi n’ayant pas régné » ne correspond à aucune façon connue, dans les textes chrétiens, de parler de Jésus. Si l’on observe la contestation que les grands prêtres : présentent à Pilate : N’écris pas « Roi des Juifs » mais « qui a prétendu être le roi des Juifs », on voit que ce point de vue officiel juif est très proche de l’inscription « le roi qui n’a pas régné ». C’est une stèle dénonciatrice.

2- Ensuite, la présence d’une telle inscription sur Jésus a pour premiers objectif et effet de prouver que ses prédictions étaient fausses, puisque jusqu’à l’été 70, la ville de Jérusalem n’était pas « ruinée » ni le Temple « dans la désolation ». Or les fausses prophéties sont passibles de mort (Deutéronome 18, 20-22).

3- On voit aussi qu’un parallèle peut se faire de lui-même, dans l’esprit du peuple qui lit cette inscription, avec le personnage d’Haman qui fut crucifié pour être venu à Jérusalem et avoir voulu détruire le Temple (Targum b sur Est 3, 1), « la métaphore sur Haman, prototype du destructeur du judaïsme est transparente ».

Donc : Interpolation chrétienne ?
Non, d’après Nodet, inscription juive.

   Mais cette information du slavon est-elle véridique, cet écriteau infamant a-t-il existé ? Nous en avons peut-être une trace avec la « porte de Jésus ». Suivons son raisonnement :

1- La Mishna (Kod. Midot 2:6) signale une « porte de Yehoyakîn », en souvenir de ce roi qui fit le mal et fut
exilé (2R 24,9-15). Il s’agirait d’une porte du Temple, proche de l’écriteau stigmatisant ce roi [5].

2- Or l’on trouve trace de la mention d’une « porte de Jésus », sous-entendant l’existence à proximité de cette porte d’une inscription portant sa condamnation, dans le second récit ci-dessous relatant la mort de Jacques dit le frère du Seigneur.

   a) Josèphe dans les Antiquités judaïques (20,197-203) écrit que « [le grand prêtre Anân] fit comparaître le frère de Jésus appelé Christ(os), qui avait pour nom Jacques, ainsi que quelques autres. Il les accusait d’avoir transgressé les lois, et les livra pour être lapidés. »

   b) Le récit d’Hégésippe [6] est plus précis. « Jacques, le frère du Seigneur qui était appelé Juste par tous […] Beaucoup ayant cru, et aussi des chefs, il y eut un tumulte parmi les Juifs, les scribes et les pharisiens.
Ils disaient qu’il était dangereux que tout le peuple attende Jésus le Christ.
Ils allèrent donc ensemble vers Jacques et lui dirent : « Nous te le demandons : retiens le peuple puisqu’il s’égare sur Jésus. Comme si c’était lui le Christ !
[…]
puisque le peuple s’égare à la suite de Jésus le crucifié, annonce-nous quelle est la porte de Jésus. »
Mais Jacques, contrairement à leur demande, proclame que Jésus est « assis dans le ciel à la droite de la grande puissance ». Et ils le tuent.

   Comme la scène se situe au Temple, il est probable que l’évocation de la « porte de Jésus » soit une allusion à un écriteau officiel, proche de cette porte, indiquant la condamnation de Jésus, qu’on demande à Jacques, en quelque sorte de ratifier publiquement, sous peine d’être lui-même mis à mort. « Il n’y a pas d’invraisemblance à ce qu’ait subsisté au Temple un titulus de ce genre sur Jésus – une inscription perpétuant le souvenir d’un forfait de première grandeur, (c’est-à-dire de nature sociale et politique [ou religieuse], et non de simple droit commun) – et que Flavius Josèphe en ait eu connaissance », conclut E. Nodet.

   Décidément la version slavone – et ses contacts avec les Evangiles – est précieuse et il faut avoir de lourds préjugés pour décréter qu’ils sont des rajouts de mains chrétiennes. Mais la disparition des manuscrits hébraïques qui sont à l’origine de ce slavon (après un passage par le grec) pose la lancinante question de l’« évaporation » ou du « naufrage », comme le disait l’abbé Carmignac, de toute la littérature hébraïque chrétienne, à commencer par les Evangiles… [7]

Jacqueline C. Olivier

La prise de Jérusalem
(version slavone)

La prise de Jérusalem, Flavius Josèphe, traduit du slavon par V. Istrin, Public. de l’Institut d’Etudes Slaves, Paris 1934-38.

VI, II, 1 :

   Titus […] chargea Josèphe de tenir à Jean [de Gishala, ennemi de Josèphe] les
mêmes discours qu’avant. […] Et Josèphe, posté sur un lieu élevé, disait…

VI, II, 4 : 

   Titus, grandement affecté, disait à Jean : N’est-ce pas vous, impies, qui avez élevé cette balustrade devant le saint lieu ? N’est-ce pas vous qui avez posé des inscriptions et les avez tracées en lettres grecques, et dans notre langue et dans la votre, pour défendre à quiconque de passer  outre ? N’est-ce pas nous qui vous avons donné pouvoir de tuer quiconque la franchirait, fût-il Romain ? Pourquoi donc aujourd’hui, maudits, avez-vous rempli de morts le sanctuaire et les piétinez-vous dedans, et pourquoi avez-vous souillé le temple de votre propre sang ?

La Guerre des Juifs
(version usuelle, grec)

La Guerre des Juifs, Flavius Josèphe, traduit du grec par P. Savinel, Ed. de Minuit, Paris 2004. 

VI, II, 1 :

  93 Titus […] fit avancer Josèphe […] ; il lui ordonna de répéter à Jean [de Gishala, ennemi de Josèphe] ce qu’il avait dit précédemment […] 96 Et Josèphe, s’étant placé de façon à se faire entendre non seulement de Jean mais de la multitude, transmit en hébreu le message de
César [Titus]

VI, II, 4 :
124 Titus, extrêmement affecté, adressa de nouveau des reproches à Jean et à ses acolytes : N’est-ce pas vous, leur dit-il, ô les pires des scélérats, qui avez placé cette barrière en avant du Sanctuaire ? 125 N’est-ce pas vous qui y avez intercalé des stèles gravées en caractères grecs et latins proclamant que personne ne doit franchir ce parapet ?
126 Ne vous avons-nous pas permis de mettre à mort ceux qui le franchiraient, fussent-ils Romains ? Pourquoi donc maintenant, criminels, foulez-vous aux pieds des cadavres à l’intérieur de cette barrière ? Pourquoi souillez-vous le Sanctuaire de sang
étranger et indigène ?

   Voici maintenant au livre V le passage plus long et qui, dans le slavon, présente ce contact tout à fait explicite avec les Evangiles :

V, V, 2 :

Au sommet, on éleva de doubles portiques, à colonnes de pierres de vingt-cinq coudées de haut faites d’un seul bloc de marbre blanc. La couverture était de planches de cèdre bien taillées et d’une grande richesse naturelle, de sorte que le spectateur ne pouvait rapidement détourner les yeux de cette vue ; mais il n’y avait là aucun ouvrage de peinture ni de sculpture. Le pourtour des murs était de six stades. La cour non couverte était décorée de pierres diverses dans ses murs et dans son pavage. De là était la montée vers le second Temple, et devant lui des pierres de parapet hautes de trois coudées, et fort agréables à voir. Là se dressaient des colonnes égales et sur elles des inscriptions en caractères grecs et romains et juifs, proclamant la loi de pureté, et que l’étranger ne pénétrât pas à l’intérieur.
Car c’était ce qu’ils appelaient le sanctuaire : on y accédait par quatorze degrés, et le sommet était une construction quadrangulaire. Et, au dessus de ces inscriptions, une quatrième était pendue dans les mêmes caractères désignant Jésus roi n’ayant pas régné, crucifié par les Juifs parce qu’il annonçait la ruine de la ville et le désolation du Temple. Et du côté de l’Orient étaient la porte et le lieu réservés aux femmes pour le culte et la prière.
Car par les autres portes il n’était pas permis aux femmes d’entrer, non plus que, par leur porte, de franchir la séparation. Le côté de l’occident n’avait pas de porte, mais d’un bout à l’autre était enclos de murs. Les portiques entre les portes, qui étaient en regardant l’intérieur depuis les murs devant le trésor, étaient posés sur de grandes colonnes de marbre.
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V, V, 3 :

De ces portes, neuf étaient forgées d’or et d’argent, avec leurs charnières et leur encadrement ; l’une, extérieure, bardée de cuivre de Corinthe, était plus éclatante et plus admirable que celles qui étaient argentées et dorées.
Toutes les portes étaient à deux battants, dont chacun avait en hauteur trente coudées, et en largeur quinze […]

V, V, 2 :

190 Les ouvrages qui s’élevaient sur ces fondations étaient
dignes d’elles. Tous les portiques étaient doubles et leurs colonnes atteignaient vingt-cinq coudées en hauteur : c’étaient des monolithes du marbre le plus blanc ; les plafonds étaient lambrissés de cèdre. 191 La magnificence naturelle de ces portiques, la perfection de leur polissage et de leur ajustement, offraient un spectacle impressionnant, et cela sans aucun embellissement artificiel dû au travail d’un peintre ou d’un sculpteur. 192 Ils mesuraient en largeur trente coudées ; le périmètre qu’ils couvraient, et qui englobait l’Antonia, atteignait six stades. La partie à ciel ouvert était d’un bout à l’autre diversifiée par un pavement de pierres multicolores. 193 Quand, l’ayant traversée, on s’avançait vers la deuxième cour du temple, on la trouvait entourée d’une barrière de pierres de trois coudées de haut, d’un très joli travail. 194 On y avait incorporé, à intervalles réguliers, des stèles rappelant, les unes en grec, les autres en latin, la loi de purification, qui interdit à un étranger de pénétrer dans le Lieu saint : car c’est ainsi qu’était appelée la deuxième enceinte du Temple. 195 On y accédait par quatorze marches à partir de la première enceinte ; sa surface en haut formait un carré et elle était protégée par un mur qui lui était propre. Ce dernier avait extérieurement une hauteur de quarante coudées, mais qui était cachée par les escaliers ; 196 sa hauteur intérieure était de vingt-cinq coudées, car l’escalier était construit contre un terrain plus élevé, le mur n’étant plus entièrement visible à l’intérieur, une partie étant caché par la colline. 197 Après les quatorze marches, il y avait un espace de dix coudées, entièrement plat, jusqu’au mur ; 198 de là, cinq autres marches donnaient accès aux portails. Ceux-ci, au nord et au sud, étaient au nombre de huit, quatre de chaque côté. Il y en avait nécessairement deux à l’est : de ce côté, en effet, un emplacement réservé aux dévotions des femmes avait été entouré d’un mur et rendait un deuxième portail nécessaire ; il avait été découpé en face du premier. 199 Dans les autres parties, il y avait un seul portail au sud et un seul au nord, par lequel on accédait à l’emplacement réservé aux femmes ; car les femmes n’avaient pas le droit d’entrer par les autres portails, même pas de franchir leur mur de séparation par leur propre portail. D’ailleurs, cet emplacement était accessible pour l’adoration aussi bien aux femmes du pays qu’à des étrangères de race juive. 200 La partie ouest n’avait aucun portail : de ce côté le mur avait été construit sans ouverture.
Les portiques, entre les portails tournés vers l’intérieur à partir du mur, face aux bâtiments du trésor, étaient soutenus par des colonnes très belles et très hautes. Ces portiques n’étaient pas doubles, mais à part la grandeur, ils ne le cédaient en rien à ceux de la cour inférieure.

V, V, 3 :

201 Neuf de ces portails étaient, sur toute leur surface, recouverts d’or et d’argent, comme étaient leurs montants et leurs linteaux ; mais un, qui était à l’extérieur du sanctuaire, en bronze de Corinthe, surpassait largement en valeur les portails plaqués d’argent et d’or. Chaque portail avait deux portes de trente coudées de haut chacune et
de quinze de large ; […]


[1] Fl. Josèphe le dit dans les toutes premières lignes de La Guerre des Juifs, (livre I, §1).

[2] Aux éditions du Cerf : Henry St. John Thackeray et Etienne Nodet, Flavius Josèphe, l’homme et l’historien, Paris 2000 ; E. Nodet, Baptême et résurrection, le témoignage de Josèphe ; Le Fils de Dieu, 2002 ; Histoire de Jésus ?, 2004.

[3] Josèphe mentionne également cette interdiction dans les Antiquités judaïques (15, 417) qu’il écrit une vingtaine d’années plus tard. De même, Philon dans Legatio ad Caium (§ 212) y fait allusion.

[4] Dans La Guerre des Juifs : αι μεν ‛Ελληνικoις αι δε ‛Ρωμαικοις γραμμασιν. Sur le Titulus : και ην
γεγσαμενον ‛Εβραιστι, ‛Ρωμαιστι, ‛Ελληνιστι
… (voir l’image du Titulus ici).

[5] Selon certains historiens, une ancienne coutume semblable exista à l’Acropole d’Athènes : les noms des grands criminels à l’égard de la patrie (ou de la religion) étaient inscrits, avec leur condamnation.

[6] Hégésippe, juif chrétien né vers 110/115 à Jérusalem, mort en 180, cité par Eusèbe de Césarée dans son Histoire ecclésiastique (II, 23, 1-24).

[7] Dans La naissance des Evangiles synoptiques, p. 55, l’abbé Carmignac fait allusion à ce « naufrage ». Voir aussi le bulletin n°31, À la source de nos Evangiles en grec, des manuscrits hébraïques qui se seraient comme « évaporés » ?

[Note du site : Pourquoi n’a-t-on jamais trouvé de manuscrits ou de fragments du Nouveau Testament en hébreu alors qu’on en a trouvé beaucoup en grec et en araméen ? Faut-il supposer qu’ils ont été l’objet d’une destruction systématique de la part des autorités pharisiennes alors qu’ils devaient porter le nom sacré de Dieu ? Cela paraît d’autant moins vraisemblable que l’influence de ces autorités était mise à mal à la suite de la première Guerre juive. La réponse est plus simple. Des indices suggèrent qu’à Jérusalem, une version de Matthieu (Mt) en hébreu, en plus de celle en araméen, ait été en usage parmi les Judéens chrétiens de la ville ou des alentours. Mt est le premier « évangile » dont une mise par écrit ait été « canonisée »: Matthieu lui-même s’en chargea, en araméen et peut-être en hébreu aussi, pour « accomplir » la Torah qui, à Jérusalem, était lue en hébreu (puis, plus tard, il fit de même en grec).]

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4 thoughts on “Flavius Josèphe et Jésus

  • 17 décembre 2020 at 18 h 39 min
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    Le fait qu’on ait retrouvé des pierres gravées en grec est fascinant ; le rêve serait que l’on retrouve la pierre citant le roi Jésus qui n’a pas régné mais a annoncé la destruction du Temple… Quelle plus belle preuve de l’existence de Jésus et de la véracité du contenu de ses prophéties et du NT pourrait-on avoir ?

    Reply
  • 21 décembre 2020 at 12 h 27 min
    Permalink

    Par ailleurs, on peut se poser les questions suivantes :

    1/ Si l’évocation de la résurrection citée ici était un ajout chrétien, alors il suivrait le Nouveau Testament et ne parlerait pas d’une double garde juive ET romaine de mille personne à chaque fois, ce que ne disent pas les Évangiles. Pourquoi un faussaire chrétien contredirait-il le NT ?

    2/ Pourquoi le panneau de la porte de Jésus dirait-il « crucifié par les juifs » vu que la crucifixion est un mode d’exécution romain et que les dirigeants juifs n’avaient plus le droit de vie et de mort au moment de la crucifixion et qu’ils sont dû passer par Pilate ? Si l’hébreu ou un araméen mâtiné d’hébreu apparaissait sur cette inscription, quel mot hébreu a pu être utilisé ? Pendu au bois ? Le fait de dire par les Juifs ne narguait-il pas les romains ?

    Si certains ont des éléments de réponse sur ces questionnements, merci d’avance !

    Reply
  • 29 décembre 2020 at 0 h 37 min
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    Tant de questions, trop pour répondre sans écrire tout un tome d’apologétique. Pour faire court…
    L’existence de copies d’Évangiles gréco-byzantines fort distantes mais univoques.
    L’existence de copies de la peshitta manifestant avec cohérence leur vénérabilité.
    L’existence du Matthieu en hébreu en versions trop rares pour être publiques.
    L’existence d’une obligation de détruire les originaux de ce premier Matthieu, sans compter les allusions infamantes, injures ou malédictions concernant Jésus et conservées dans le talmud.
    Tout ceci coïncide logiquement, humainement, et pourrait-on dire : miraculeusement.
    Mais aucune de ces preuves ne remplacera la rencontre avec la Parole.
    Les questions qui viennent alors sont plus importantes.
    Et la Vérité vous fera libre !

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  • 2 février 2021 at 22 h 17 min
    Permalink

    Intéressant de voir citer un article du bulletin des Nouvelles de l’association Jean Carmignac.

    Car certes, l’approche est différente entre celle-ci et EEChO : araméen vs hébreu, place ou non de l’oralité. Mais il y a des convergences importantes dans le domaine de l’exégèse dans le sens où est affirmé le caractère sémitique du NT et l’ancienneté de sa composition (orale ou écrite).

    Peut-être qu’une synthèse serait envisageable conciliant les deux approches. Coexistence de textes oraux araméens récités et de textes écrits sémitiques, en hébreu ou en araméen. Parfois les contradictions ne sont qu’apparentes et en tout cas les convergences d’approche méritent d’être soulignées.

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