ELCO: promouvoir le communautarisme ?

Des « Enseignements de Langue et de Culture d’Origine » (ELCO), cela pourrait être une bonne idée s’il s’agit par exemple de promouvoir l’araméen (dans sa version moderne, le soureth) auprès des enfants de cette origine, voire auprès d’autres qui seraient intéressés. C’est en effet une culture qui rejoint les valeurs historiques de l’Europe, pouvant même leur apporter quelque chose de quatre mille ans de civilisation. Mais ne rêvons pas : ce sont des cultures tout autres que l’Education Nationale a en vue par ce dispositif qui, dans sa première version remontant aux années 70, pensait à faciliter le retour des immigrés au pays d’origine. La question se pose aujourd’hui de savoir si un dispositif similaire sert la communion avec la culture française et les valeurs européennes réelles, ou l’inverse. 
De manière générale en Europe apparaît une volonté de se servir de l’école pour promouvoir l’islam et donc de promouvoir le communautarisme des enfants ; le ministère britannique de l’Education est en pointe en ce domaine. On peut y voir certes la transposition, au monde scolaire, de ce que le ministère de l’Intérieur organise déjà dans le monde carcéral, payant des imams pour y prêcher le sectarisme et la victimisation – le premier ministre anglais fait semblant de le découvrir et de s’offusquer des appels au meurtre. Or, il se passe que, ces derniers temps, les notes d’écoles à caractère chrétien ont été systématiquement dégradées (avec menace de fermeture), parce qu’elles n’invitent pas des imams (et aussi des militants homosexuels) à faire leur propagande auprès des élèves. Ce qui n’est pas conforme aux nouvelles valeurs « British ».
Rappelons que le discours islamique sur ses propres origines n’a rien de fondé historiquement (c’est même tout le contraire) ; il n’a donc aucun droit à être imposé ni même proposé comme tel à des élèves non musulmans : c’est violer leur intelligence. Et s’il s’agit d’enfants chrétiens, ce discours constitue de plus une atteinte à leurs droits puisqu’il prétend que l’islam est venu parfaire les manquements du christianisme et nie explicitement la croyance chrétienne concernant Jésus. Mais il est manifeste que la valeur de »respect » officiellement prônée par les « British Values » ne s’applique que très marginalement à la foi chrétienne.
Certes,
en France, on n’en est pas (encore ?) à imposer aussi ouvertement et largement de telles atteintes aux droits des parents, des enfants et du corps professoral. Mais on a des idées… 

Mise à jour : Le retrait annoncé des Enseignements de Langue et de Culture d’Origine (LCO hier – ELCO aujourd’hui)

par Marion Duvauchel – texte revu
Professeur de lettres et de philosophie

Des LCO aux ELCO

Le 13 février 2016, la ministre de l’Education annonçait le retrait des ELCO. Ce serait une décision raisonnable.
Rappelons que ce dispositif existe depuis 37 ans et qu’ils « sont mis en œuvre sur la base d’accords bilatéraux prenant appui sur une directive européenne du 25 juillet 1977 visant à la scolarisation des enfants des travailleurs migrants ». L’objectif est « entre autres (?) de valoriser les langues étrangères à l’école ». Neuf pays sont concernés : trois pays méditerranéens de culture chrétienne, l’Espagne, l’Italie, le Portugal et deux pays d’Europe de l’Est, la Croatie et la Serbie, n’ont posé à ce jour aucun problème d’intégration ou pour le dire en termes plus modernes : de communautarisme.
Ce sont évidemment les quatre pays musulmans : l’Algérie, le Maroc, la Tunisie, la Turquie qui mettent en émoi. Ce n’est pas nouveau. En 1995, voici ce qu’écrivait Mme Françoise Labourcie [1] :
« Les cours de langue et culture d’origine (LCO) dispensés à des enfants d’immigrés sont un dispositif à la fois peu répandu (il ne touche qu’une minorité des enfants potentiellement intéressés) et peu connu. »

Ils sont si peu connus en effet que la plupart des enseignants n’en ont jamais entendu parler. Ils ne concernent en effet que quelques milliers d’élèves.  En 1989-90, les statistiques faisait état de 112 147 élèves au total (pour les huit pays d’origine
concernés), et 1 429 enseignants ». Le ministère recense alors dans l’enseignement élémentaire public (CP-CM2) ainsi qu’en classe d’initiation ou d’adaptation 340 920 élèves des nationalités concernées.

Pourtant, dés les années 1985, les ELCO étaient périodiquement évoqué comme source de problèmes : les cours de LCO relevant de pays du « monde musulman » passaient pour être le lieu d’une dérive anti-laïque.
« Ces enseignements se transformeraient en cours de morale religieuse, dérogeant, à l’instar du droit local alsacien-mosellan, au principe de base qu’est la non-confessionnalité de l’enseignement. Ce serait un cas d’enseignement religieux rendu obligatoire dans l’enseignement public ».

LCO : les premières mises en garde

L’article de Mme Lorcerie est tout à fait instructif. Personne à l’époque (1995) n’était satisfait du dispositif, ni d’un côté ni de l’autre de la Méditerranée. Les critiques fusaient de toutes part (c’est-à-dire des experts et responsables des questions de l’immigration) et ce, depuis le lancement de la formule (en 1980). Le premier répertoire de ces critiques se trouvait dans le rapport de Jacques Berque (traducteur du Coran)1 en 1985, reprises et accentuées lors des polémiques qui avaient entouré l’« affaire des foulards » à l’automne 1989. Des aménagements techniques avaient été préconisés, que l’on retrouve pour une part dans le « rapport Hussenet » en 1990, ainsi que chez les partenaires étrangers du dispositif.
Déjà, des personnalités du monde universitaire avaient mis en garde et même récusé ces enseignements. Jacques le Goff, défendait le pragmatisme du Conseil d’Etat et plaidait pour un aggiornamento de la laïcité. En revanche, il appelait à des « mesures drastiques contre d’autres violations de la charte scolaire », et citait :
« des faits sans doute limités mais à /ses/ yeux inadmissibles : dans certaines écoles de la région lyonnaise, les élèves musulmans ne participaient pas à certains cours pour suivre aux mêmes heures des cours d’éducation religieuse ». Informée que cette situation résultait de traités en bonne et due forme, la Commission avait alors demandé l’ouverture d’une renégociation à ce sujet, mais sans suite. Le silence du ministère de l’Education nationale en 1985, et l’absence d’information ou de démenti ultérieur, lui laissaient penser qu’il s’agissait bien d’un « arrangement honteux, résultant de la pression de la partie étrangère ».
Olivier Roy, spécialiste des mouvements islamistes de l’Asie centrale et plus largement de la politisation de l’Islam, s’exprimait déjà sur « les risques d’une « communautarisation » des musulmans en France et assurait que des acteurs disparates y concouraient, entre autres des « prédicateurs islamistes, souvent étrangers », agents d’un « néo-fondamentalisme » qui posaient des demandes telles que de la nourriture hallal dans les cantines, des dispenses pour les filles dans certaines activités scolaires si elles étaient mixtes, des rythmes quotidiens aménagés pour rendre possibles les prières, etc. Appartenaient à cette catégorie les enseignants de LCO »
 (le sigle d’alors).

Il y a donc plus de trente ans que les signaux étaient là. Fort peu les ont entendu. Pierre Chaunu le répétait à l’envi : il faut trois générations pour intégrer un musulman, là où il suffit d’une génération pour un enfant européen de culture et de traditions chrétiennes.

Des objectifs politiques, pas linguistiques

En réalité, les « LCO » constituent depuis plus de trente ans, un des modes du partenariat avec les pays musulmans de la ceinture méditerranéenne. Traduisons : cela signifie que les questions pédagogiques et linguistiques sont strictement ordonnées au politique. Les pays musulmans concernés engagent évidemment au moins en apparence, leur capacité d’action culturelle à
 l’étranger, et plus largement leur crédibilité de partenaires politiques et économiques pour l’Europe. Mais leur perspective stratégique est d’obtenir de l’émigration une contribution au développement national, depuis son lieu d’implantation qui est l’Europe. Les pays du Maghreb, tout en maintenant les anciennes structures d’encadrement de leur émigration de salariat (les amicales), sont à la recherche de nouvelles formes d’action leur permettant de « garder le contact » avec des populations qui se sont diversifiées aux plans économique et culturel.

Pour le comprendre il suffit de réfléchir. Le texte officiel informe qu’« un programme commun de langue arabe a été élaboré ». On ne le trouve nulle part. Mais alors, quelle « langue arabe » va-t-on enseigner  en effet ? Et quelle langue arabe enseigne t-on depuis plus de trente ans dans le cadre de ces ELCO ? L’arabe classique est au Maroc la première langue « étrangère » enseignée à l’école. Personne ne le parle chez soi, ce qui rend les discours du roi, les débats au Parlement, les audiences dans les tribunaux, les informations à la télévision incompréhensibles pour les analphabètes, ou tout simplement ceux qui ne parle que le dialecte local. Enseigner l’arabe classique ce serait comme faire en France du latin la langue officielle. Les Marocains des villes parlent la darija, le dialecte national, avec ses multiples variantes locales, assemblages rudimentaires d’arabe, de français, d’amazigh et d’espagnol qui fait qu’un Marocain est si rarement compris lorsqu’il parle la langue « arabe » au Moyen-Orient [2].

Dans ce contexmaghrebte, l’arabe classique est un instrument de domination sur le peuple marocain et il est probable que la situation soit comparable en Algérie comme en Tunisie (avec la présence plus massive de l’amazigh des Berbères). Qui trouve urgent d’apprendre la langue pour lire Al-Ta‘âlibî ou Al-Fârâbî ? Pour avoir enseigné au Maroc, dans un lycée français, je sais que la langue que les jeunes marocains des classes aisées veulent maîtriser, c’est le français et uniquement à des fins de réussite scolaire et sociale. Ils iront faire leurs études en France et s’ils rentrent au Maroc l’utiliseront pour renforcer leur statut social privilégié.

S’il s’agit de l’accueil de migrants, que fait-on des Afghans  (il y a plus de quarante langues en Afghanistan), que fait-on des Soudanais, des Libyens ? Que fait-on des Syriens, qui parlent eux aussi l’arabe ? Va t-on élargir le dispositif ? Non, puisqu’il s’agit essentiellement d’accords politiques. Les Syriens chrétiens, nul ne l’ignore, ont trouvé asile dans les pays limitrophes. La France a royalement accordé 2000 visas, au compte-gouttes, pendant qu’elle ouvrait grand ses frontières aux migrants musulmans, djihadistes compris. Ils enrichiront sans doute bientôt les nouveaux dispositifs des ELCO.

La réactualisation d’un dispositif semi-dormant

Comment expliquer ce besoin fervent de réactualiser un dispositif « dormant » ? Difficile de croire que tout ceci vient du désir éperdu de susciter une grande vague polyglotte dans notre pays.
La question à se poser, c’est qu’est ce qui est nouveau ? Ce qui est nouveau, c’est l’objectif d’élargir ce dispositif. Voici le texte : « Aujourd’hui, ce sont des enfants qui ne sont pas locuteurs natifs de la langue concernée et s’intègrent progressivement dans l’offre d’enseignement linguistique ».
Faut-il comprendre, puisque la phrase parle d’aujourd’hui, que demain les enfants de France auront à choisir entre l’offre d’enseignement du serbe ou de l’arabe ou du français ? On est en droit de penser que l’objectif est en réalité de promouvoir l’enseignement de la langue et la culture « arabe ».

Voici la suite : « Les enseignements de langue et de culture d’origine concernent principalement le premier degré. Ils sont organisés, dans la mesure du possible, dans les écoles, les établissements où une demande des familles existe. Ils sont ouverts à tout enfant dont la famille souhaite l’inscription, dans la limite des places disponibles ».
En effet, ils concernent aujourd’hui, le premier degré, le collège. Dans ce cadre, un brevet des collèges est déjà mis en place, avec un enseignement de culture arabe, qu’il conviendrait d’analyser avec soin. Face à ce brevet auquel on a conféré un cachet prestigieux par la magie d’une appellation « brevet international », le brevet français fera pâle figure.

Si l’on n’a pas encore compris, voici toutes les précisions nécessaires : « Une évolution est actuellement engagée pour permettre une transformation des cours d’ELCO en cours de langue vivante étrangère dispensés aux élèves sur le temps scolaire. Cette évolution permettra de valoriser, par une plus-value pédagogique, l’apprentissage des langues concernées, tout en s’inscrivant pleinement dans le cadre d’une politique linguistique cohérente et diversifiée mise en oeuvre dans les cartes académiques des langues ».

Nous le savons, la culture arabe ne se dissocie pas de la religion musulmane. Les ELCO qui visait essentiellement à soutenir le vœu des pays musulmans de garder le contrôle de leurs populations immigrées, et de les soustraire au libéralisme de l’Occident, visent en réalité à promouvoir une arabisation et une islamisation des enfants maghrébins, destiné à s’ouvrir aux enfants français?

A qui profite le crime ?

Lorsqu’une entreprise criminelle se met en place, il faut se demander à qui profite le crime. Les nouveaux ELCO sont une réponse aux exigences des pays musulmans à maintenir un encadrement idéologique et religieux des enfants de l’immigration. Par qui seront donnés ces cours ? « par des enseignants des pays concernés mis à disposition par leurs gouvernements respectifs ou recrutés localement par les autorités consulaires ». Autrement dit, cet enseignement n’a fait depuis trente ans que renforcer la terrible dissociation dans laquelle les enfants de l’islam vivent : entre une religion puritaine qui exclut la raison et la liberté de conscience, et une éducation nationale dont les options de base ne sont pas celles de l’islam (même si l’apprentissage de l’esprit critique enveloppe le plus souvent une propagande étatique dont nous avons vu les récentes orchestrations symphoniques avec la « théorie du gender »). Cette dissociation génère une violence dont nous pouvons mesurer l’ampleur.
Et à terme, ces ELCO sont destinés aussi à l’encadrement idéologique des locuteurs natifs. Autrement dit, des enfants qui ne sont pas issus de l’immigration. On est en droit de se demander à quelles fins ? En tous les cas, la destruction de la culture et de la tradition de notre culture d’origine – la culture chrétienne- est très clairement programmée.

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1 Lorcerie Françoise. L’Islam dans les cours de « Langue et Culture d’origine » : le procès. In: Revue européenne des migrations internationales, vol. 10, n°2, 1994. pp. 5-43.
Le résumé est une merveille de l’aveuglement doctrinaire : « l’enseignement des langues et cultures d’origine relevant des pays du « monde musulman » n’est certainement pas le cheval de Troie introduit dans la citadelle de l’intégration pour mieux la réduire. Les bruits qui courent sur l’islamisme des cours, sur l’intégrisme des enfants et des maîtres, renvoient plus probablement à un phénomène de rumeur, nourri de très anciens fantasmes d’altérité ».  En revanche, l’article récence les informations disponibles et il éclaire en particulier les systèmes juridico-politiques des pays d’origine, les normes institutionnelles des pays d’origine, les politiques des pays d’origine relatives à leur émigration, les normes politiques et institutionnelles françaises.
2 Ali Amar, Mohammed VI, le grand malentendu, Calmann-lévy, 2009, pp. 327-328.

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