Appel du Pape au G20, le 4 sept 2013

Voici le passage de cette lettre concernant le Proche-Orient et en particulier l’appel à la reprise des négociations et opposé à toute « solution militaire ». La réunion se passant à Moscou et étant présidée par le Président Poutine, c’est ce dernier qui est le destinataire de la lettre, au nom de tous les représentants présents du G20, c’est-à-dire des 20 pays les plus riches de la planète.

«  Il est regrettable que, depuis le début du conflit en Syrie, des intérêts unilatéraux aient prévalu, et aient de ce fait entravé la recherche d’une solution qui aurait permis d’éviter le massacre insensé qui a lieu. Les leaders du G20 ne peuvent rester indifférents à la situation dramatique du bien aimé peuple syrien, qui dure depuis bien trop longtemps et qui risque d’ apporter une plus grande souffrance à une région amèrement touchée par des conflits et en quête de paix. Aux leaders présents, à chacun, je lance un appel sincère pour permettre de trouver des moyens de surmonter ces conflits et de mettre de côté la poursuite futile d’une solution militaire. Plutôt, qu’il y ait un engagement renouvelé à chercher, avec courage et détermination, une solution pacifique au travers du dialogue et de la négociation entre les parties, supportée unanimement par la communauté internationale. »

À son excellence M. Vladimir Poutine, Président de la fédération de Russie

_____Au cours de cette année, vous avez l’honneur et la responsabilité de présider le groupe des vingt plus grandes économies du monde. Je suis conscient que la Fédération de Russie fait partie de ce groupe depuis sa création et a toujours eu à jouer un rôle positif dans la promotion d’une bonne gouvernance de l’économie mondiale, qui a été profondément touchée par la crise de 2008.
_____Dans le contexte d’interdépendance actuel, nous avons un cadre financier global avec ses propres règles justes et claires pour parvenir à un monde plus équitable et fraternel, dans lequel il est possible de vaincre la famine, d’assurer des emplois décents et des logements pour tous, ainsi que les soins nécessaires. Cette année, votre présidence du G20 s’ est engagée à consolider la réforme des organisations financières internationales et à parvenir à un consensus sur les normes financières qui conviennent aux circonstances actuelles. Cependant, l’économie mondiale ne se développera que si elle garantit à tous les êtres humains une vie digne, du plus vieux jusqu’à l’ enfant à naitre, pas seulement pour les citoyens des pays du G20, mais pour chaque habitant de la planète, même ceux qui sont dans des situations sociales extrêmes ou dans des endroits reculés.
_____De ce point de vue, il est clair que, pour les peuples du monde, les conflits armés sont toujours une négation délibérée de l’harmonie internationale, et créent de profondes divisions et des blessures profondes qui nécessitent de nombreuses années pour guérir. Les guerres sont un refus concret d’atteindre les grands objectifs économiques et sociaux que la communauté internationale s’est fixée, comme nous avons pu le constater par exemple avec les Objectifs du Millénaire pour le Développement. Malheureusement, les nombreux conflits armés actuels qui continuent d’affecter le monde nous offrent quotidiennement des images spectaculaires de misère, de famines, de maladies et de mort. Sans la paix, il ne peut y avoir aucune forme de développement économique. La violence n’engendre jamais la paix, condition nécessaire au développement.

_____La rencontre des chefs d’État et des gouvernements des 20 plus importantes puissances économiques, correspondant au 2/3 de la population mondiale, et à 90 % du PIB mondial, n’a pas pour but principal la sécurité internationale. Néanmoins cette rencontre n’omettra surement pas la situation au Moyen-Orient et en particulier en Syrie. Il est regrettable que, depuis le début du conflit en Syrie, des intérêts unilatéraux aient prévalu, et aient de ce fait entravé la recherche d’une solution qui aurait permis d’éviter le massacre insensé qui a lieu. Les leaders du G20 ne peuvent rester indifférents à la situation dramatique du bien aimé peuple syrien, qui dure depuis bien trop longtemps et qui risque d’ apporter une plus grande souffrance à une région amèrement touchée par des conflits et en quête de paix. Aux leaders présents, à chacun, je lance un appel sincère pour permettre de trouver des moyens de surmonter ces conflits et de mettre de côté la poursuite futile d’une solution militaire. Plutôt, qu’il y ait un engagement renouvelé à chercher, avec courage et détermination, une solution pacifique au travers du dialogue et de la négociation entre les parties, supportée unanimement par la communauté internationale. De plus, tous les gouvernements ont le devoir moral de faire tout leur possible afin d’ assurer une assistance à ceux qui souffrent à cause ce conflit, que ce soit d’un côté ou de l’ autre des frontières.

_____Monsieur le Président, dans l’ espoir que ces pensées puissent être une contribution spirituelle valable à cette rencontre, je prie pour le succès des travaux du G20 à cette occasion. J’invoque l’abondance des bénédictions du sommet de Saint-Pétersbourg, sur les participants et les citoyens des États membres, et sur le travail et les efforts de la présidence russe 2013 du G20.
_____Tout en appelant à vos prières, je saisis cette occasion pour vous assurer, Monsieur le Président, de ma très haute considération.

François Vatican, le 4 septembre 2013

http://www.vatican.va/holy_father/francesco/letters/2013/documents/papa-francesco_20130904_putin-g20_en.html


En parallèle, nous avons relayé un appel des chrétiens provenant de la petite ville de Ma’loula à 20 km de la frontière du Liban, faisant état d’une attaque destructrice comme il y en a eu trop d’autres déjà. Elle a été publiée par le journal libanais Al-tayyar le 5 août 2013. Ma’loula est habité par des chrétiens qui n’ont jamais cessé de parler le syriaque, la variante occidentale de l’araméen qui, lui, est parlé par de nombreuses familles et villages d’Irak ou dans la diaspora (sous la forme moderne du soureth). Cette lettre est adressé aux représentants du Congrès américain, par des syriaques orthodoxes dont l’Evêque (d’Alep) est otage de l’armée syrienne libre ; justement, le ministre de l’interieur du Liban annonçait le 5 que des pourparlers avec la Turquie pour la libération des otages chiites en Syrie, comprenait aussi cet évêque et celui des Grecs OrthodoxesVoilà donc des nouvelles fraîches de ces deux Evêques enlevés, pour lesquels on a prié également en Occident.

___D’après la radio de l’Orient émettant à Paris le 6 au matin, l’ASL se serait totalement retirée de Maaloula et aucun acte de pillage ou destruction n’y aurait eu lieu. Seul le dôme de l’église St Elie aurait été touché par deux obus.
Selon Al-Nahar, le seul objectif aurait été un poste de l’armée nationale, Mais ces journaux libanais n’avaient que des informations parcellaires. Voici le récit d’un témoin, daté du 9 septembre, transmis par le journaliste belge Bahar Kimyongur, qui fait autorité jusqu’auprès du ministère belge des affaires étrangères (ce qui n’est pas peu dire dans un pays où se trouve le siège de l’OTAN) :

« Situé à 55 km au Nord de Damas, le village de Maaloula, coeur du christianisme des origines où l’on parle encore l’araméen, la langue du Christ, est sous occupation depuis ce matin. Après une première tentative d’invasion le 4 septembre stoppée par l’armée et les comités populaires, des centaines d’hommes armés syriens et étrangers sont revenus, forçant l’armée gouvernementale à se retirer. Venus de la région libanaise d’Arsal et de la ville de Yabroud au Nord-Est, les envahisseurs se livrent actuellement à des actes de barbarie envers les chrétiens du village. Nous avons contacté une habitante de Maaloula proche du monastère de Sainte-Tècle. Elle témoigne en direct ce dimanche 8 septembre à 21h30.
En ce moment, Maaloula est sous occupation. Les hommes armés (moussallahines) ont d’abord tenté une percée le 4 septembre. Par cette attaque, ils semblaient vouloir faire une démonstration de force, nous terroriser afin que nous quittions nos terres.
Ils ont tué 20 civils et en ont enlevé 15 autres.
Pour le moment, nous disposons de la liste de 4 civils exécutés et de 7 disparus :
– Ilyas Damoune: enlevé
– Jihade Saalab: décapité au couteau
– Mihail Antonio Saalab: décapité
– Sarkis Habib Al Soukhn: exécuté par balles
– Antoine Lauzarios Saalab : décapité et le corps mutilé
– Moussa Chmays: enlevé
– Chadi Saalab: enlevé
– Georges Dawoud Hilani et son épouse (enlevés)
– Jamilé Mahfouz et sa fille (enlevées)
Toutes les victimes sont des civils. Actuellement, les terroristes sont partout dans les anciennes églises et les monastères. Ils ont incendié les monastères de Mar Sarkis et Mar Bakhos, Saint-Serge et Bacchus. Ils ont tout fouillé, tout saccagé avec moultes blasphèmes.
De nombreux habitants chrétiens ont fui la ville vers Damas.
Tout a commencé le 4 septembre vers 3h30 ou 4h du matin lorsqu’une voiture a foncé sur un barrage de l’armée. La voiture venait de Yabroud est descendait de Deir Mar Sarkis et Bakhos, le monastère de Saint-Serge et Bacchus. Le kamikaze a d’abord tiré sur les soldats avant d’actionner ses explosifs.
L’attaque a coûté la vie à une vingtaine de miliciens des comités populaires qui défendaient le village. Les deux uniques survivants de l’attaque ont été décapités. Puis les terroristes ont investi les premières maisons du village.
Ils sont d’abord entrés chez Abou Aala al Haddad, un chrétien revenu de Zahlé au Liban pour passer quelques jours de vacances dans son village natal. Ses agresseurs lui ont sommé de se convertir à l’Islam. Ils ont cassé les croix et les icônes. Puis, ils ont tout saccagé dans la maison. Avant de l’abattre, ils lui ont dit : « Nous menons la guerre sainte contre les Croisés ».
Les terroristes sont ensuite entrés dans la maison voisine habitée par Jamilé Oum Mahfouz une veuve et par sa fille. Elle a un fils qui est porté disparu depuis plusieurs mois. La maman avertit sa fille: « Fais-toi passer pour une musulmane pour qu’ils ne t’enlèvent pas ».
Quand ils sont entrés, les terroristes ont hurlé : « Jina Aleykoun ya Kouffar » (« Nous voilà les impies », sous entendu, « vous êtes cernés« ). Ils traitèrent la mère et sa fille d’adorateurs de la croix. Ils prirent la croix qui trônaient dans la maison et l’ont brisée. La mère et sa fille ont ensuite été emmenées vers l’inconnu.Les terroristes se sont ensuite arrêtés devant la statue de Saint-Georges qui trône devant le monastère qui porte son nom. Ils ont vociféré dans des hauts-parleurs: « Que veux-tu que l’on casse d’abord Saint-Georges. Ta tête ou ton cheval? Puis ils se sont déchaînés sur la statue.
Les terroristes n’ont touché à aucune maison musulmane de Maaloula. Or, dans les quartiers chrétiens du village se trouvaient un grand nombre de déplacés sunnites de Ain Tarma (Ghouta). Ces derniers ont accueilli les terroristes en héros, en criant des youyous et en les aspergeant de riz.
Les terroristes sont ensuite arrivés sur la place du village. Ils ont commencé à blasphémer sur tous les objets sacrés, sur les icônes, les croix, les statues. Les enfants étaient tellement terrorisés qu’ils en ont perdu la voix. Certains d’entre eux sont encore hospitalisés à Damas.
Parmi les terroristes, il semblait y avoir des Libyens et des Tchétchènes. Lorsqu’une vingtaine d’obus lancés par les rebelles s’abattit sur le village, les habitants prirent peur.
Même les hommes se sont cachés. Prises de panique, les soeurs du monastère de Sainte-Tècle ont fermé les portes. Elles se sont ainsi retrouvées isolées du reste du village, ce qui a rendu impossible l’accès du monastère aux jeunes qui voulaient se mettre à l’abri.
Les takfiris ont évacué les musulmans sunnites du village pour les emmener à Yabroud et ainsi les épargner d’éventuelles violences. En revanche, ils ont gardé les chrétiens pour s’en servir comme boucliers humains en cas de confrontation avec l’armée.
Les terroristes se sont ensuite rendus à la mairie.
Entretemps, près de 300 chrétiens se sont réunis avec l’intention de marcher jusqu’au palais présidentiel à Damas afin de demander des armes à Bachar.
Leurs familles ont essayé de les calmer, leur disant: « Vous êtes précieux pour nous. » Les jeunes ont répondu: « Nous devons protéger notre village de ces agresseurs ».
Ils ont fini par se procurer des armes auprès des soldats gouvernementaux et en peu de temps, sont ainsi parvenus à chasser les terroristes d’une bonne partie de Maaloula. Mais ce matin, les terroristes étaient de retour.
Près d’un millier d’entre eux sont arrivés du côté Yabroud par le chemin du monastère de Saint-Serge et Bacchus, se joignant aux terroristes qui étaient retranchés dans l’hôtel As Safir. Face à leur surnombre, l’armée a dû se retirer aux abords du village.
Ils ont décapité 4 jeunes. Deux ont été tués par balles. Ils ont décapité Antoine Saalab, l’assistant du père Toufik Eid, supérieur du monastère Saint-Serge et Bacchus.
Ce sont des habitants du village complices des terroristes qui l’ont dénoncé. Les terroristes ont également tué le père et le cousin paternel d’Antoine.
Tous les chrétiens sont à bout des nerfs. Ils ont été enfermé dans leurs maisons. … a trois oncles maternels qui ont plusieurs enfants. Nous n’avons aucun moyen de communiquer avec eux.
Actuellement, les terroristes occupent les églises et les monastères. Ils assiègent le monastère de Sainte-Tècle. La mère supérieure Pélagie implore les autorités syriennes de les aider.
Nous sommes désespérés. Que va-t-il advenir de nous?
Maudit soit la démocratie que l’Amérique et la France veulent nous apporter. »
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