Quelques mots sur le shabbat/dimanche

Quelques notes sur « shabbat, dimanche, on brade !« 

Que faut-il faire pour que le repos du dimanche soit préservé ?

Il nous faut des saints, des prophètes répond Gaspard-Marie Janvier lors de la soirée débat organisée par Hélène Bodenez au Centre Franklin, le mardi 19 octobre 2010.

Pourquoi vouloir préserver le dimanche ?

Pour avoir du temps en famille, pour se reposer ? Certes, tout le monde peut le souhaiter, mais s’il y avait plus. ? S’il en allait de la dignité même de l’homme ?

Jean-François Froger, exégète et écrivain sur la fonction symbolique aussi bien qu’en physique fondamentale et en logique, nous rappelle que le shabbat, c’est d’abord l’interdit du travail. Or, le travail, nous dit-il, c’est toujours l’instrumentalisation du corps. Même en faisant peu de choses (boire un verre d’eau, traverser une pièce), on instrumentalise son corps et donc on travaille. Or, en quoi consiste le shabbat ? En l’interdit du travail. Et l’interdit du travail, c’est la sacralisation du corps, donc la possibilité de connaître Dieu.

Bien sûr, si l’on va au fond des choses, le commandement du shabbat est impossible à respecter totalement, car un simple geste (respirer) est déjà un travail. Les juifs appliquent donc des règles de jurisprudence pour donner les limites de cette interdit en précisant les choses autorisées et celles non autorisées ce jour là.

L’institution du shabbat est divine. Et à quoi sert-elle ? A libérer l’homme. De quoi ? De son esclavage perpétuel. Vouloir travailler sans cesse, c’est l’idéologie productiviste qui nous l’impose. Ainsi, le socialisme+l’électricité=marxisme, c’est à dire : travailler jour et nuit comme des bêtes. On connait en Amérique du Sud (en Bolivie au XVIIème siècle) des exemples d’exploitation maximale de l’animal : au lieu de permettre aux ânes qui aident aux travaux des mines de se reposer à tour de rôle, leurs maîtres les forcent à travailler jusqu’à ce que mort s’en suive et remplacent ensuite l’animal mort par un autre. Voilà ce qu’est l’esclavage : le travail jusqu’à la mort.

Dans son livre, le Maître du Shabbat, Jean-François Froger revient sur la querelle entre le rabbin Jacob Neusner et le pape Benoît XVI. La question est de savoir si Jésus demande à ses disciples de transgresser le shabbat. Si c’est le cas, alors, conclut le rabbin Neusner, Jésus ne peut pas être le Messie d’Israël. Comme Jésus dit que « Le Fils de l’Homme est le maître du shabbat », on peut comprendre que parce que Jésus est maître du shabbat, alors il est au-dessus des lois, et ses disciples aussi, et qu’il peut transgresser le shabbat. Cette interprétation ne convient pas au rabbin Neusner qui ne regarde Jésus que dans l’optique de l’évangile de Matthieu et ne tient pas compte des paroles essentielles que l’on trouve en Jean, comme :  « Tout ce que Moïse a écrit, c’est de moi qu’il l’a écrit.  »

Jésus a-t-il transgressé le shabbat ?

A-t-il dit à ses disciples de le transgresser comme le laisse penser le passage des grains de blé arrachés ? Il faut correctement écouter la parole de Jésus. Que dit-il aux pharisiens ? N’avez-vous pas entendu ce que fit David ? Dans le livre des Rois il est raconté que David mangea les pains de propositions (pains placés devant Dieu dans le Saint, et que seuls les prêtres pouvaient manger) ainsi que ses soldats. Qu’est-ce qui l’autorise à en manger ? Le prêtre lui demande : es-tu en état de sainteté ? (C’est-à-dire : t’es-tu abstenu de la femme alors que tu es en guerre sainte). David répond oui. Alors il est autorisé à manger les pains.

Que devons nous alors comprendre de la parole de Jésus ? C’est que Jésus et ses disciples sont en état de sainteté, tout comme David. C’est la Résurrection du Christ qui accomplira pleinement le shabbat. Pourquoi ? Parce que seul le corps ressuscité n’est pas soumis au travail dans le monde. La Résurrection nous libère de l’esclavage du travail. Ces questions sont délicates, et il faut les observer avec logique. Rappelons-nous la phrase de St Thomas d’Aquin : « Il n’y a de péché que contre la raison ».

La semaine de 7 jours.

Quelle est l’origine du cycle de la semaine (en 7 jours) ? C’est un décompte révélé à Moïse. Il n’y a pas d’éléments extérieurs, dans le monde sensible qui puisse justifier un tel décompte. Le décompte le plus naturel d’un cycle est celui basé sur le chiffre 6 (car un cercle se divise naturellement par 6, il suffit de prendre son rayon et de le reporter 6 fois). Il faut alors venir à l’évidence que le 7ème jour, tel que décrit dans la Genèse, n’est pas un jour, c’est une institution rituelle. De fait, il n’a ni soir, ni matin. Le 7ème jour, on sort du cycle de l’homme pour rejoindre quelque chose de Dieu. Le shabbat a été institué pour deux choses, selon la Torah : le souvenir de la Création, et celui de la libération de l’esclavage.

Qu’est-ce qui manque alors aujourd’hui pour sauver le dimanche ? Des chrétiens !

Questions :

Concernant les cycles (jours, mois, années…), Nietzsche ne parle-t-il pas de l’Éternel Retour ?

– Oui, mais l’Éternel Retour est une aliénation, car quoi qu’on fasse on ne peut jamais sortir de la ronde du Samsara, tout comme le montre bien le film Matrix.

Qu’en est-il de l’habitude qui fait oublier que le 7ème jour est un jour pour sortir du cycle ?

– C’est un problème. Effectivement, le rituel peut redevenir cyclique, donc aliénant. Le seul moyen d’y échapper est de comprendre ce que l’on fait. Tout le problème est là : il faut comprendre notre foi. Jésus ne dit pas autre chose dans la parabole du grain qui tombe sur le bord du chemin et celui qui tombe dans la bonne terre. Le grain qui est mangé par les oiseaux sur le bord du chemin, c’est l’homme qui ne comprend pas. Le grain qui tombe dans la bonne terre et qui produit du fruit, c’est l’homme qui comprend la parole. Il faut donc user de notre intelligence pour comprendre la parole. Et réaliser une chose essentielle : que dit le Christ à l’Eglise de Pergame dans l’Apocalypse ? « Je sais où tu sièges : sur le trône de Satan ». Autrement dit, ce monde-ci est sous la domination de Satan. Qu’est-ce que cela implique ? Une chose simple : ce n’est pas Satan qui lutte contre l’Eglise… c’est l’Eglise qui lutte contre le royaume de Satan. C’est nous, les Chrétiens qui attaquons la citadelle de Satan. Mais pour cela, il nous faut la foi et l’intelligence.

Que faire ?

– Dire des choses vraies, et c’est déjà beaucoup. Dire des choses vraies en employant un langage rigoureux qui dit des choses vraies. Trop de mots ou d’expressions ne veulent plus rien dire. Et quand on parle le langage de l’ennemi… on est dans son camp.

Sur ce sujet, voir aussi la déclaration des évêques de France


• Paris: SHABBAT, DIMANCHE, ON BRADE ! débat animé par Hélène BODENEZ, professeur agrégé de lettres à Franklin, auteur de À Dieu le dimanche (Éd. Grégoriennes,

Mardi 19 octobre 2010, 20h30

12 rue Benjamin Franklin 75116 Paris, métro Passy, Amphithéâtre (4e étage).

centre culturel de Franklin

avec Jean-François FROGER, écrivain, chercheur en mathématiques, auteur entre
autres de Le Maître du Shabbat (Éd. Grégoriennes, 2009)

et Gaspard-Marie JANVIER, écrivain, auteur entre autres de Le Dernier dimanche (Mille et une nuits 2009) et de Minutes pontificales sur le préservatif (Mille et une nuits, 2010).

Voici le deuxième volet à notre réflexion sur le dimanche, avec deux écrivains. Un exégète nous fera remonter à la source de l’interdit de travail avec l’institution du shabbat dans la Révélation que Dieu en donne à Moïse, son sens ne se dévoilant parfaitement que dans la résurrection de Jésus de Nazareth qui n’a jamais transgressé le shabbat.
Un romancier imagine sauver le dimanche d’une modernité consumériste qui l’étouffe jusqu’à son effacement programmé. La messe cesse pour son narrateur « de n’être qu’une distraction dominicale subitement réactionnaire dans la vulgarité avilie de la marchandise ; elle était devenue l’évènement dans l’histoire d’une rencontre, un séisme intérieur… »

Ouvert à tous.

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